Mercredi soir, Paco De Lucia, le géant de la «Guitarra Flamenca» a disparu. Après Camaron de la Isla et Antonio Gades un autre dinosaure de l’art de flamenco nous a quitté. À 66 ans, il a succombé à une crise cardiaque en jouant au foot avec son fils au Mexique.

Francisco Sanchez Gomez, dit Paco de Lucia, Doctor Honoris de l’université de Cadiz et du Berklee College of Music, une école de musique de Boston, était né le 21 décembre à Algésiras, l’endroit le plus bas de l’Espagne à l’entrée du détroit de Gibraltar.

Ce que Camaron a fait pour le chant de flamenco, el Cante jondo, ce qu’Antonio Gades a fait pour la danse, Paco de Lucia l’a fait pour la guitare espagnole et bien plus encore. Il n’est pas étonnant que le réalisateur Carlos Saura ait décidé de réunir le danseur et le guitariste pour les immortaliser dans son film Carmen (1983) (vidéo). Ce génie andalou qui  a grandi dans un milieu pauvre a su ouvrir le flamenco au monde, en effaçant les frontières des styles. Du simple folklore, il en a fait un art, une musique universelle. La mairie d’Algesiras a décrété trois jours de deuil.

Un musicien innovateur

Il avait reçu en 2004 le prix Prince des Asturies des Arts, l’une des plus hautes distinctions espagnoles. Paco de Lucía, soulignait la Fondation Prince des Asturies, «a dépassé les frontières et les styles, pour devenir un musicien de dimension universelle. À partir de la guitare flamenco, il a aussi exploré le répertoire classique espagnol, d’Isaac Albeniz à Manuel de Falla, l’émotion de la bossa-nova et du jazz». Musique traditionnelle, jazz ou musique classique espagnole,  il les maitrisait toutes avec une force douloureuse: seule expression, et encore réservée, que le guitariste s’est autorisé à extérioriser.

Ses fans se souviennent sans doute de son allure, Paco de Lucia a prescrit une nouvelle façon de jouer de la guitare (vidéo). Sérieux et digne, oui, c’est le terme de dignité qui lui conviendrait le plus, jamais excité, jamais débordant d’émotions. Très concentré dans son travail, maîtrisant non seulement ses doigts de virtuose, mais aussi ses expressions corporelles. Cheveux mi-longs, chemise blanche, pantalon et boléro noir, très sobre, une jambe croisée, posée sur l’autre – une nouvelle posture pour jouer de la guitare, imitée bien sûr rapidement  par les autres.

Les grandes amitiés

Paco de Lucia c’est avant tout l’ami et guitariste du mythique Camaron de la Isla, né en 1950. Les deux sont sortis du même milieu pauvre. Les deux ont commencé leur carrière à un âge tendre pour «ramener des sous» à la maison. Ecorché  vif, le grand cantaor (chanteur) est mort trop tôt à 42 ans. C’est dans la fameuse taverne qui a accueilli les meilleurs artistes du flamenco, Tablao Flamenco Torres Bermejas à Madrid que les deux amis d’enfance ont décidé de travailler ensemble vers la fin des années 1960. Ce qui engendra non seulement une longue collaboration, mais aussi une grande amitié (vidéo).

Pour nous  autres, Paco de Lucia c’est surtout Friday Night in San Francisco (1980) avec John McLaughlin et Al di Meola, une démonstration de trois géants: trois maîtres de la guitare chacun dans son style (vidéo). Paco de Lucia, contrairement à l’avis des admirateurs, se souvient de cette rencontre plutôt comme d’une compétition juvénile – celui qui a les doigts les plus agiles. Par la suite, Paco de Lucia voudra affirmer une maturité, restant fidèle au son profond du flamenco.

Paco de Lucia c’est Entre dos aguas, la rumba joyeuse aux motifs jazz qui fut le tube de 1973, l’année qui sera marquée également par la fin de la dictature franciste. Entre dos aguas, c’est aussi le premier album accompli qu’il réalise en 1975, puis redécouvert en 1981 avec le lancement des CDs et grâce au succès de sa tournée aux États Unis (vidéo). Bien sûr, il nous reste toujours d’autres maîtres et guitaristes fabuleux, tel Manolo Sanlucar âgé de 70 ans qui a collaboré avec Paco De Lucia et puis la jeune génération, Tomatito et Vincente Amigo, mais c’est à Paco qu’on devra d’avoir ouvert le chemin du Flamenco vers le monde.

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.