Le pesant nuage de pollution sur la région parisienne, qui piquait les yeux et grattait la gorge des plus fragiles, s’est dissipé. Il aura suffi d’un coup de vent pour rendre le ciel plus clair. Un autre nuage restera lui plus longtemps,  au vu de son épaisseur, mesurée par BVA pour Tele et Le Parisien: 69% des français pensent que les personnalités politiques sont «le plus souvent corrompues.» En 2013 déjà, des chiffres comparables étaient obtenus,  ce qui chasse malheureusement l’hypothèse – laquelle nous aurait rassurés – d’un «pic de pollution» lié à la conjonction des révélations sur les écoutes de Nicolas Sarkozy et de l’utilisation qui en a été faite. Notre vie publique se fait donc bien dans les profondeurs d’un smog asphyxiant, stable, perçu de manière égale par les électeurs de gauche et  de droite: (presque) tous pourris.

Fait aggravant, notons que la mesure du sondage BVA est celle de la corruption active, de l’acte punissable par la loi, car aucun sondeur n’a encore osé poser la question plus générale: «les hommes politiques sont-ils honnêtes?» C’est que la conviction de la permanence du mensonge, théorisé en politique française comme outil nécessaire de l’arrivée au pouvoir et du maintien de celui-ci,  laisse peu de place à la possibilité d’une île, et donne le terreau le plus riche à la manigance, puis à la corruption. Nous, électeurs, l’acceptons donc maintenant, ne faisant plus que parier dans nos choix de bulletin sur le respect de certaines promesses au moins.

En politique anglo-saxonne, peut-être du fait de la relation directe à Dieu dans la culture protestante, le mensonge est impardonnable. En France aujourd’hui, qu’un homme politique de principe, un «grand homme d’État» apparaisse au public, et il ne sera vu pendant longtemps que comme un Tartuffe de plus. Car les mots tels que droiture, dévouement, engagement sont éculés. Le terrain a été offert aux grands acteurs, aux grands enfumeurs. Comme dans un nuage de pollution qui ne laisse voir les choses et les gens que ternes et lointains, la pollution du mensonge a fait de la parole publique un spectre en costume gris.

Les solutions pour un air plus pur remontent bien avant les maîtres politiques actuels, Jonathan Swift, le cardinal de Retz et Machiavel. Elles sont par exemple dans les discours de Socrate il y a 2.500 ans, dans ce système d’une République qui rendrait l’exercice du pouvoir si contraignant que seuls les plus vertueux pourraient en accepter le sacerdoce: «Si une cité d’hommes bons venait à l’existence, il semble qu’on y lutterait pour échapper au pouvoir comme maintenant on lutte pour l’obtenir, et là il deviendrait clair que le véritable gouvernant n’est point fait, en réalité, pour chercher son propre avantage.»

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