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Amiens, ville verte

Écrit par Christiane Goor et Charles Mahaux
20.04.2014
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La campagne picarde ondule à perte de vue en courbes douces. Cette terre sans reliefs n’est pourtant pas sans ressources. Depuis des siècles, elle nourrit des champs d’une fertilité exceptionnelle. Ce sont les multiples affluents de la Somme qui ont balisé ce paysage, dessinant un univers que se partagent les agriculteurs et les pêcheurs.

Les hortillonnages, joyau vert du patrimoine amiénois

A deux pas de la cathédrale d’Amiens, se déploie une incroyable mosaïque de petits jardins sillonnés par d’étroits bras d’eau où frétillent tanches et gardons. C’est qu’ici, la Somme paresse, elle creuse des étangs et étire ses treize bras auxquels l’homme a ajouté au fil des siècles de multiples canaux entremêlés: 55 kilomètres de rieux aux noms pittoresques (marais aux cailloux, île aux fagots, pré aux chevaux, pont cassé, ...) baignent près de 300 hectares de jardins assiégés par les eaux.

Seuls les familiers des hortillonnages s’y retrouvent dans ce dédale aquatique entièrement façonné par l’homme depuis l’époque gallo-romaine. Autrefois, Amiens était une cité lacustre cernée par les marais. Au cours des siècles, les hommes ont continué à défricher, à creuser des canaux et à créer de nouvelles parcelles. Ce travail, patient et inlassablement répété, a permis de sauvegarder cet espace extraordinaire. En effet, afin que l’eau vive n’effrite pas les talus, le hortillon doit remonter la tourbe qui se dépose au fond des rieux et l’étaler sur les rives. Il suffit d’une aire mal entretenue pour que les berges glissent et que le ruisseau s’envase en perturbant tout le réseau hydrographique.

Les gondoles de la Somme

Légère, la longue barque de chêne glisse sur l’eau tranquille du canal. Elle longe des jardins où des massifs de fleurs égaient des pelouses impeccablement tondues ou encore des parcelles potagères qui alignent des rangs de carottes, de radis et de persil soigneusement entretenus. De petites passerelles enjambent les bras d’eau pour permettre l’accès aux jardins. Certains cabanons sont transformés en minuscules et coquettes résidences de vacances. En effet, la culture maraîchère, qui a connu son plein essor au 19ème siècle, a perdu nombreux de ses adeptes. Ceux-ci ont vendu leurs parcelles à des citadins qui s’adonnent au plaisir de la pêche et du jardinage le temps d’un week-end ou d’une soirée à la belle étoile.

La barque se faufile sous les branches alanguies d’un saule pleureur et se perd entre des îlots abandonnés, rendus à une végétation sauvage et envahissante. Habitat privilégié d’une faune que n’effarouche pas le mouvement de la barque. Une famille de cygnes s’éloigne rapidement dans un rieux voisin. Une foulque plonge dans l’eau et, malicieuse, elle ressurgit derrière nous. Autre visiteur d’un jour, un pêcheur venu taquiner le bouchon dans les eaux si poissonneuses que les larves de moustiques n’ont pas le temps d’éclore. Elles font le délice des anguilles, tanches, brochets, gardons et goujons qui remplissent les nasses des pêcheurs à la ligne

Au début du 20ème siècle, ils étaient encore un millier de hortillons à vivre des produits de leurs potagers sur l’eau. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une dizaine à perpétuer la tradition. La mécanisation difficile sur ces petites parcelles auxquelles on n’accède qu’en bateau décourage plus d’un. Pour défendre leur métier menacé de disparition, les hortillons ont créé un label particulier qui valorise leur production, «les tcho’légumes des hortillons». Chaque samedi, le marché sur l’eau se tient au pied de la cathédrale sur la terre ferme. Seule exception, le troisième dimanche de juin, à l’occasion de la fête de la ville d’Amiens, les hortillons renouent avec la tradition. Ils chargent leurs élégantes barques à cornet de fleurs et de légumes frais joliment achalandés, puis ils descendent le fleuve en se dirigeant avec une longue perche en bois qu’ils appuient au fond de l’eau. Ils accostent alors sur la place Parmentier où ils vendent leur production aux nombreux badauds séduits par cette escapade dans le passé.

Les secrets de la cathédrale

Jadis le quartier St-Leu abritait de nombreux ateliers où on fabriquait des bateaux à cornet. Aujourd’hui, il ne subsiste que quelques exemplaires de ces élégantes barques à fond plat dont les extrémités sont relevées afin de pouvoir accoster sans détériorer les berges. C’est aussi au fil de l’eau que les tisserands avaient installé leurs ateliers de teinturerie. Au 13ème siècle, le textile a fait la fortune de la ville, grâce au fameux bleu d’Amiens tiré d’une plante tinctoriale et plus tard, aux manufactures de velours. De cette époque, il ne reste plus qu’une jolie promenade le long des quais dans le quartier St-Leu. Les petites maisons colorées de délicats tons pastel ont le charme ineffable des maisons de poupées. Le regard se laisse accrocher par une multitude de détails insolites: une enseigne pittoresque, une statue les pieds dans l’eau, une passerelle fleurie. En contrebas de la cathédrale, le quai Belu aligne ses terrasses et ses nombreux petits cafés envahis par les touristes mais aussi par les étudiants qui ont choisi ce quartier populaire pour y vivre.

Petit à petit, Amiens se laisse apprivoiser. Partiellement détruite pendant les deux guerres, elle affiche plusieurs édifices modernes et fonctionnels qui rompent l’harmonie d’une place ou d’une rue. Il faut musarder, se laisser porter par la balade qui immanquablement débouche sur le cœur de la ville, là où se dresse la plus vaste cathédrale de France, Notre-Dame d’Amiens qui pourrait contenir deux Notre-Dame de Paris. Cette puissance fascinante rime pourtant avec élégance, harmonie et lumière. On est surpris par la clarté tantôt rose, tantôt bleue qui colore les voûtes intérieures.

Mais le plus bel hymne à la lumière est encore celui que raconte la façade ouest de l’édifice. La profusion des statues qui l’ornent lui a valu le nom de Bible de pierre. Au cours d’une restauration, il est apparu que sous les couches de poussière et l’altération de plusieurs siècles, se cachaient de nombreuses traces de polychromie. Avec les techniques modernes, toutes les statues du portail et du fronton ont pu être colorisées par projection de diapositives. Revisiter le Moyen-Age et la cathédrale au travers de ses couleurs, telle est la démarche audacieuse qu’il est donné de vivre chaque soir, de juin à septembre, lorsque Notre-Dame se pare d’un spectacle son et lumière qui anime ce somptueux vaisseau immobile élevé par l’Unesco au rang des cinquante plus importants chefs d’œuvre de l’humanité.

Charles Mahaux, photographe. Christiane Goor, journaliste. Un couple, deux expressions complémentaires, ils fixent l’instant et le racontent. Leur passion, ils la mettent au service du voyage, de la rencontre avec l’autre.

INFOS PRATIQUES

Situation: capitale régionale de la Picardie, Amiens est accessible en 2h30 par l’autoroute de Paris et sa bretelle A29.

Renseignements: auprès de l’Office du Tourisme d’Amiens www.amiens.com/tourisme.

Activités: Les hortillonnages attirent de nombreux visiteurs et ceux qui se laissent guider par un batelier deviennent ainsi des mécènes dont la contribution va permettre de sauvegarder le site. Une Association pour la protection des Hortillonnages a été créée en 1975. Elle organise des visites guidées et commentées le long des canaux du 1er avril au 31 octobre et distribue à cette occasion une petite brochure explicative. La seule lecture des noms des rieux est une première invitation au voyage: Marais à cailloux, Pré aux chevaux, Pont cassé, etc…

Se loger: rien de tel que la formule Séjour Détente proposée par l’Office du tourisme. Il s’agit d’un forfait valable tous les week-end pendant l’année et tous les jours en juillet et en août. Il permet de séjourner dans des hôtels sélectionnés pour 1 nuit en chambre double pour 2 personnes, petits déjeuners et City Pass inclus à partir de 99€.

Produits du terroir: Les légumes bien sûr donnent une saveur particulière à la cuisine picarde. A goûter : la fameuse ficelle picarde, la flamiche aux poireaux, le gâteau battu, mais surtout les macarons d’Amiens et les tuiles au chocolat.

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