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Le Smic transitoire, une si mauvaise idée?

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
22.04.2014
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  • Le patron des patrons Pierre Gattaz a avancé le 15 avril l’idée d’un Smic transitoire. (Eric Piermont/AFP/Getty Images)

Le patron des patrons, Pierre Gattaz, s’est vu opposer un net refus de la part du gouvernement et des syndicats à sa proposition, mardi 15 avril, de créer un salaire «transitoire» au salaire minimum. En temps de crise économique, un Smic intermédiaire est-il une si mauvaise idée?

La réponse ne s’est pas fait attendre. Après l’annonce, mardi 15 avril, du président du Medef Pierre Gattaz de l’idée d’un «Smic intermédiaire», l’ancienne porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem – remplacée aujourd’hui par Stéphane Le Foll – a qualifié la proposition du président du syndicat patronal de «provocation inutile».

La proposition de Pierre Gattaz consisterait à payer moins de 1 445 euros brut par mois un jeune ou une personne ne trouvant pas de travail pendant une période transitoire.

Le patron du Medef, le gouvernement et les partenaires sociaux sont actuellement en pleine négociation sur le «pacte de responsabilité», qui vise à exonérer les entreprises de certaines charges; en contrepartie, les entreprises sont attendues pour créer de l’emploi.

Le «Smic transitoire», un serpent de mer? Édouard Balladur avait déjà tenté la mise en place d’un «Smic Jeune» avec le Contrat d’insertion professionnelle (CIP) en 1993-1994, tandis que Dominique de Villepin, douze ans plus tard, revenait à la charge avec le Contrat de première embauche (CPE). Le gouvernement français se souvient encore des vives manifestations, notamment étudiantes, qui avaient amené au retrait de ces deux projets.

Entre véritable conviction et frilosité politique, le gouvernement a cette fois-ci exclu l’idée de tout abaissement du Smic. Mais l’intervention de Pierre Gattaz relance le débat sur le modèle français du salaire minimum et des mesures à prendre pour réduire le chômage et améliorer la compétitivité de la France.

Le Smic, «une machine à fabriquer des chômeurs»

Selon le président du Medef, le niveau du salaire minimum français condamnerait au chômage les personnes les plus éloignées de l’emploi. Un salaire «transitoire», payé en dessous du Smic, permettrait selon lui «à des personnes en difficulté ou à des jeunes de monter, d’arrêter d’être au chômage et de rentrer dans l’entreprise».

Pierre Gattaz s’inscrit dans la ligne de Pascal Lamy, l’ancien président de l’OMC qui, très écouté des socialistes, avait créé la surprise le 2 avril sur LCP en évoquant l’idée de «petits boulots» pour une plus grande «flexibilité» du marché du travail en France. Une autre recette pour faire baisser le chômage, dont les chiffres tournent aujourd’hui autour de 11%.

Hasard du calendrier, trois apôtres de l’économie, Élie Cohen, Philippe Aghion et Gilbert Cette, auteurs du livre Changer de modèle, de nouvelles idées pour une nouvelle croissance (éditions Odile Jacob) étaient reçus le 15 avril, l’Élysée. Ils estiment que le Smic est devenu «une machine à fabriquer des chômeurs». Selon les trois experts, le Smic aurait augmenté deux fois plus rapidement que le salaire moyen depuis une quarantaine d’années, ralentissant ainsi l’économie française par rapport aux autres économies européennes.

Entendus par le président François Hollande, les trois économistes proposent «de geler dans un premier temps le salaire minimum, puis d’engager une réforme profonde en remettant en cause sa revalorisation automatique et en envisageant des Smics différents selon les régions et l’âge des salariés», résume Le Figaro Économie. Paradoxe avec la ligne affichée par le gouvernement, le chef de l’État s’était apparemment montré très réceptif aux propositions des experts.

«Aller plus loin en matière d’apprentissage» plutôt que de réviser le salaire minimum

«Quand je rencontre des chefs d’entreprises, ils ne me disent jamais que ce qui les empêche d’embaucher un jeune, c’est que le Smic soit trop élevé», estimait mi-avril Najat Vallaud-Belkacem. «En revanche, ce que me disent les chefs d’entreprises en question, c’est qu’ils ne trouvent pas nécessairement les jeunes avec la bonne formation».

Si le gouvernement a opposé son refus à l’idée d’un nouveau «Smic jeune», l’ex-porte-parole pense en revanche que la France «peut aller beaucoup plus loin en matière d’apprentissage». Une idée partagée par Guillaume, porte-parole de «Génération précaire», dans une interview au Nouvel Observateur, où il remarque que l’apprentissage «commence en dessous du Smic». Il rappelle également l’existence d’autres dispositifs tels que «les contrats unique d’insertion ou les contrats d’accompagnement dans l’emploi, qui sont peu à peu remplacés par les contrats d’avenir ou de génération». Du côté des jeunes, il estime que les «junior-entreprises, où les étudiants facturent des services aux entreprises […] ou encore le volontariat en entreprise» restent «sous-exploités par les entreprises».

«Il est plus facile de réclamer un marché du travail fluide si l’on veut faire du bas de gamme», analyse Génération précaire. Aujourd’hui, «les gens passent déjà de sous-contrats en sous-contrats», estime son porte-parole qui ajoute que «les entreprises ont recours aux stages, parce que c’est moins cher et à temps plein». Guillaume fustige de son côté le recours excessif aux stagiaires, dont le nombre, selon lui, aurait doublé depuis 2006.

Le Smic, un modèle très français?

Le Smic à 1.445 euros fait partie du pack proposé par l’État providence français, un modèle souvent dénoncé par les partisans d’une économie plus libérale. La France a récemment été épinglée par la Commission européenne pour son manque de compétitivité, en plus des déficits et d’une dette jugée trop importants.

Pour relancer les performances macroéconomiques du côté des entreprises, l’ancien président de l’OMC et le patron du Medef ont tous les deux exprimé leur volonté de sortir du «dogme» concernant le salaire minimum. Pour Pierre Gattaz, une révision de ce système permettrait aux entreprises françaises de devenir plus compétitives en Europe et à l’étranger. En évoquant l’idée des «petits boulots», Pascal Lamy avait très probablement en tête les «mini-jobs» allemands.  Pour relancer son économie et lutter contre le chômage l’Allemagne, première économie européenne, a mis en place en 2003 et 2005, sous le chancelier Gerhard Schröder, les réformes Hartz.

Le salaire minimum, est-ce si français? Le magazine Alternatives Économiques rappelle que le Smic n’est pas une spécificité hexagonale, «car presque tous les pays développés se sont dotés d’un salaire minimum, y compris les États-Unis et le Royaume-Uni». Si les pays scandinaves – les bons élèves de l’Europe – n’en possèdent pas, c’est parce qu’ils «ont des salaires élevés et [que] les inégalités y sont faibles, grâce au poids des syndicats et de la négociation collective», analyse le magazine. Début 2014, le président américain Barack Obama a annoncé une augmentation de 25% du salaire minimum aux Etats-Unis.

Dernier en date en Europe à se doter d’un salaire minimum: l’Allemagne. Le 1er janvier 2015 du fait d’une alliance électorale avec la gauche du SPD, les salariés allemands devront être payés au minimum 8,50 euros brut de l’heure. Pour la France, en ces temps de crise économique, le Smic transitoire pourrait être en soi une bonne idée pour relancer l’accès à l’emploi, la professionnalisation des jeunes et le recul du chômage, à condition de pouvoir dépasser des barrières idéologiques anciennes et de travailler de concert auprès des jeunes et des entreprises.

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