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Nous ne vivons pas dans un monde post-rareté

Écrit par William L. Anderson, Institut Ludwig von Mises
04.04.2014
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  • Nous ne vivons pas dans un monde post-rareté (Huno Garces/Flickr)

Jeremy Rifkin a longtemps perfectionné l’art d’ajouter deux et deux pour obtenir cinq. Dans les années 1980, il a affirmé que l’entropie allait contre le principe d’une économie libre, et a donc conclu qu’il était nécessaire que l’État planifie et exécute. Comment l’État pourrait triompher de la deuxième loi de la thermodynamique est une énigme. Il a déclaré plus tard qu’une nouvelle «économie de l’hydrogène» était proche et que le gouvernement avait juste besoin de s’engager dans une planification centrale et donner l’ordre que l’hydrogène soit le nouveau combustible.

Toutefois, dans un article d’opinion du New York Times, Rifkin fait l’impossible: il se surpasse. Rifkin veut nous faire croire que la loi de la rareté a essentiellement été abrogée, et que les conditions de cette nouvelle situation sont troublantes. Il écrit: «Nous commençons à assister à un paradoxe au cœur du capitalisme, qui l’a propulsé jusqu’à la grandeur, mais pose actuellement un danger pour son avenir: le dynamisme inhérent des marchés concurrentiels entraîne des coûts si bas que de nombreux biens et services sont quasiment gratuits, abondants, et ne sont plus soumis aux forces du marché. Alors que les économistes ont toujours bien accueilli une réduction du coût marginal, ils n’ont jamais envisagé la possibilité d’une révolution technologique qui réduise ces coûts à presque zéro».

Reprenons les choses depuis le début: si quelque chose n’est «plus soumis aux forces du marché» c’est-à-dire que le bien en question se trouve en abondance, ou est gratuit, cela signifie que chaque facteur (ou presque tous) entrant en compte dans la production de ce bien est également non-rare, et que les coûts globaux imputés aux consommateurs de ces produits sont également nuls. Tout ce que je peux dire, c’est que cette affirmation est une absurdité.

Il est vrai que la réduction des coûts marginaux a entrainé de nouvelles méthodes de vente au détail, mais le progrès économique l’a toujours fait. Par exemple, il y a quelques décennies de cela, Walmart a su saisir d’énormes parts de marché suite à la mise au point une stratégie de distribution et de vente au détail qui a rendu beaucoup plus faible les coûts du producteur que ceux des autres détaillants, notamment Sears, JC Penney, et Kmart. Cela ne signifie pas pour autant que les marchés ont disparu ou ne sont plus pertinents, à l’image de Walmart qui se trouve actuellement sous la pression des autres détaillants et de la vente par Internet. Les marchés dominent encore, mais sous des formes différentes.

Un peu de théorie économique autrichienne s’applique ici. Rifkin fait la même erreur que les économistes britanniques du XIXe siècle comme David Ricardo et John Stuart Mill, qui pensent que sur le long terme, la valeur d’un bien vient de ses coûts de production. Mais Carl Menger a souligné en 1871 que la valeur des facteurs de production vient de la valeur du produit final, et que la valeur de ce produit en fin de compte vient de la rentabilité que le produit apporte aux entrepreneurs qui le fabriquent.

Dans l’esprit de Rifkin, des coûts marginaux nuls ou presque nuls signifient des coûts de production nuls ou presque nuls, ce qui signifierait que les biens sont faits presque gratuitement. Ce n’est pas exactement vrai. Les coûts marginaux sont les coûts supplémentaires induits par la dernière unité produite, ce qui signifie que chaque nouvelle unité d’un bien n’est très pas chère à fabriquer. (Dans son argumentaire, Rivkin mentionne la présence de coûts fixes élevés pour mettre en place les procédés de production, mais sans comprendre toutes les implications de ce qu’il dit.)

Des coûts marginaux faibles ne signifient pas que les marchandises sont gratuites. En effet, la rentabilité des entreprises qui fabriquent ces produits dépend du volume fabriqué et vendu, et cela signifie aussi que ces entreprises font d’énormes investissements (qui sont loin d’être gratuits) afin de produire de très gros volumes. La main-d’œuvre employée dans cette fabrication, elle aussi, est rare et n’est pas gratuite, et ainsi de suite.

Effectivement, le mécanisme de vente au détail pour beaucoup de ces nouveaux produits a radicalement changé. Par exemple, la cassette VHS a cédé la place au DVD, et les deux ont été vendus au détail par des commerces, notamment les blockbusters. Toutefois, le plan commercial des blockbusters a alors cédé la place à celle de Netflix [NDLR: VOD] et ainsi de suite. La clé du succès est la rentabilité et Netflix a su organiser son business plan pour être rentable (du moins pour un certain temps).

Fait intéressant, Rifkin donne l’exemple de capitalisme de copinage comme preuve du nouveau monde à coût nul. Il écrit: «Bien que les coûts fixes de la technologie solaire et éolienne soient un peu élevé, au-delà de cela, le coût par unité d’énergie est faible. Ce phénomène a même pénétré le secteur de la fabrication. Des milliers d’amateurs font déjà leurs propres produits en utilisant des imprimantes 3D, un logiciel open-source et du plastique recyclé comme matière première, avec des coûts marginaux presque nul.»

S’il est vrai que les coûts marginaux de production d’électricité par les éoliennes sont très faibles, ces monstrueux parcs éoliens ne peuvent être rentables que si chaque kilowatt d’électricité produite est vendu à un prix sensiblement plus élevé que l’électricité produite par des moyens classiques, tels que par la combustion de charbon, de pétrole, ou de gaz naturel. C’est pourquoi les parcs éoliens sont finalement des fermes de crédit fiscal; afin de rester rentables, ces exploitations doivent recevoir des avantages massifs du gouvernement inaccessibles aux autres sources d’électricité. Pour le dire autrement, l’énergie éolienne pourrait être «à coût marginal nul», mais elle produit encore de l’électricité à coût élevé, ce qui signifie que si le gouvernement force les consommateurs à acheter cette énergie à prix élevé, ils seront plus pauvres et non plus riches. De la même manière, quelqu’un doit fabriquer les imprimantes 3D et également produire les matériaux que les gens utilisent pour faire les copies, et cela signifie de l’investissement, de la planification, et, oui, l’utilisation de facteurs de rareté de production. Ces choses n’apparaissent tout simplement nulle part.

Rifkin délaisse un autre rouage important du mécanisme de production: l’entrepreneur. En effet, il semble qu’il croit que l’entrepreneur puisse être remplacé par des sociétés à but non lucratif et la «communauté de partage». C’est quelqu’un qui croit que la production arrive par elle-même, et que les arrangements institutionnels n’ont pas vraiment d’importance. Mais ils ont leur importance, et ils comptent beaucoup. Les méthodes de production modernes, aussi magnifique qu’elles soient, n’éliminent pas la loi de rareté, peu importe ce que le New York Times pourrait nous dire sur sa page éditoriale.

William Anderson, chercheur adjoint de l’Institut Mises, enseigne l’économie à l’Université d’État de Frostburg, aux Etats-Unis. Nouvelle publication par l’Institut Ludwig von Mises sous licence Creative Commons 3.0.

Version en anglais: We Do Not Live in a Post-Scarcity World

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