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Finance: Ce que l’Histoire nous enseigne

Écrit par Bob Swarup, City University de Londres
05.04.2014
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  • La Grèce est cernée par une histoire triste de malheurs financiers (Orestis Panagiotou/EPA).

Au IVe siècle avant JC, Athènes et neuf autres cités grecques étaient en défaut auprès du temple d’Apollon à Délos. C’était la première crise financière connue. Aujourd’hui après 25 siècles d’évolution humaine, de progrès et d’avancées technologiques, la nation Grecque s’est retrouvée en défaut en 2012 jetant un vent de panique à propos de la dette souveraine dans toute l’Europe. Et c’est la dernière crise financière connue. La prochaine crise nous attend de pied ferme.

Entre temps, très peu de choses ont finalement changé.

Aujourd’hui, après notre dernière itération, alors que nous cherchons encore des réponses, les incertitudes dominent et les questions abondent. L’Europe réussira-t-elle à résoudre ses problèmes de dettes souveraines profondément enracinées? Les mesures économiques instaurées par le Premier ministre japonais Sinzō Abe pourront-elles inverser les deux «décennies perdues» au Japon? Les États-Unis ont-ils retrouvé une croissance durable? Les 30.000 pages et le million de mots de la nouvelle réglementation suffiront-ils? Les puissants marchés émergents éclatent-ils ou font-ils simplement une pause pour reprendre leur souffle après une orgie de croissance? Et comment finira l’assouplissement quantitatif?

Malgré l’arsenal intellectuel et les vœux pieux, nous passons toujours à côté de l’essentiel.

De sang et d’eau

Les crises financières ont toujours existé. Depuis des siècles, elles se produisent avec une fréquence alarmante – en moyenne une fois tous les dix ans sur les 400 dernières années dans la seule Europe occidentale, selon certaines estimations.

La généalogie est implacable et frappante. Avant la crise actuelle du crédit, nous avons vécu le crash de la bulle Internet de l’an 2000 avec une hyper croissance qui s’est avérée être plus ou moins une hyper fantaisie; le défaut pas si lointain de la Russie et l’infâme fiasco de LTCM (Long Term Capital Management ou la faillite d’un hedge fund qui a fait courir un risque majeur au système bancaire international) en 1998 et qui montre que même deux économistes lauréats du prix Nobel ne génèrent pas automatiquement du cash à foison; la crise monétaire asiatique de 1997, qui a déclenché une restructuration financière et politique complète des «tigres d’Asie»; l’implosion de l’économie japonaise en 1990 qui a introduit l’expression «décennie perdue» dans le lexique financier et qui approche maintenant de son jubilé d’argent sans réel espoir à l’horizon, et enfin le légendaire krach de Wall Street de 1987, encore dans tous les esprits, qui a gravé l’expression Lundi Noir dans la mémoire culturelle.

Les pays développés ont passé la majeure partie des deux décennies de l’entre deux guerres dans une crise perpétuelle, le point d’orgue étant la longue et Grande Dépression. Si nous allons encore plus loin dans l’Histoire, nous nous retrouvons dans une Chine dont l’expérience du papier-monnaie a été désastreuse, puis chez les Grecs et les Romains qui ont trouvé largement l’occasion de déplorer les renflouements et d’exprimer toute leur amertume à leurs banquiers.

On peut tirer deux truismes clairs de ces récits.

Primo, il semblerait que pour générer une crise financière, il suffise de disposer de gens et d’un média – principalement d’argent.

Secundo, le monde est à l’évidence un lieu très complexe, alors que notre cerveau n’a pas connu d’expansion exponentielle.

De la complexité

Les racines de toutes nos crises passées, présentes et futures se trouvent dans l’affrontement entre d’une part notre nature humaine simple et d’autre part les sociétés et économies complexes que nous créons.

Les mécanismes psychologiques qui nous gouvernent n’ont pas changé depuis des milliers d’années. Ce que nous nommons rationalité est assiégé de toutes parts par nos émotions, notre environnement et nos congénères. Tels des oies volant en formation, nous nous déplaçons individuellement dans le monde, mais jamais tout seul. Tout changement de notre part touche nos voisins, et affecte leur comportement. Nos rationalités limitées se chevauchent et s’entremêlent jusqu’au moment où soudainement, toute la formation change de cap – le nouvel ordre émergeant spontanément d’un mouvement initial aléatoire.

Ce sont nos intuitions plus que la raison qui se cachent derrière nos actions. Il y a de bonnes raisons à cela. Tous les jours, nous prenons d’innombrables décisions avec une connaissance limitée et d’énormes inconnues sur les résultats qui en découleront. Donc nos perspectives sont dictées par nos limites cognitives et nos préjugés.

De simples décisions a vue s’assemblent et évoluent rapidement en quelque chose d’autre. Plus il y a de biens, de gens, d’interactions et de liens, plus il est difficile d’anticiper les conséquences inattendues de nos actions et plus nous comptons sur les autres pour nous orienter.

Il en découle naturellement des flux et reflux. L’ajout de l’élément argent au mélange rend le tout vulnérable aux cycles de prospérité et de récession. Les deux se nourrissant l’une de l’autre, en s’appuyant sur nos préjugés innés jusqu’à ce que la société entière résonne à l’unisson.

L’argent devient un nouveau dogme. Les marchés financiers ne sont pas des entités figées. Ils sont plutôt, l’expression collective de la danse constante des émotions humaines – l’optimisme, l’arrogance, la cupidité, la peur, et la reddition – autour d’un mât de confiance. Différentes visions du monde rivalisent pour la domination, s’unissant provisoirement au fil du temps dans un mouvement de flux et de reflux pour créer les hauts et les bas que nous observons.

Cela devient notre réalité éternelle: un monde complexe où les émotions et l’argent se torsadent, et nous poussent comme des vastes troupeaux instinctifs dans une marche forcée vers l’incertitude, avec peu d’égard pour le sol sous nos pieds. Une course tête baissée vers un horizon myope et cabossé où après la chute, nous repartons hagard à la poursuite de nos pairs une fois de plus.

La nature de la bête

Parce que nous sommes des êtres humains, et penchons pour le capitalisme, nous ne pouvons empêcher ce cycle d’expansion et de récession, sauf à nous couper de nos émotions humaines. Mais de savoir comment gérer ces crises et réduire leurs répercussions plus larges est déjà remarquable.

Les crises financières et les booms spéculatifs qui les génèrent provoquent des séquelles importantes et durables sur nos économies. Ces dernières ne sont pas enfermées dans des cocons, elles ont une dimension sociale, politique, et de plus en plus internationale. Ainsi, les crises ont aussi des effets importants et durables sur les gouvernements, sur les hégémonies et sur les sociétés. Elles amplifient les tensions, exposent les faiblesses structurelles, et par leurs exigences répétées, initient des changements spectaculaires.

La gestion à long terme d’une société nécessite une perspective à long terme. Aujourd’hui, le problème est simple. Nous avons beaucoup trop de dette dans le système. La seule façon de relancer la croissance durable réside dans la possibilité pour les gens d’obtenir de nouveaux emprunts. La perspective de devoir annuler de plus grosses masses de créances dans l’avenir est inévitable. Nous devons être réalistes quant à la capacité de gestion du système.

Des décisions audacieuses s’imposent et non des «mesurettes»  qui ne tiennent pas la route. Elles ont une portée trop courte pour la complexité qu’elles doivent gérer. Une telle approche ne peut que miner la confiance, provoquer plus de dégâts et des risques d’une stagnation prolongée.

On ne peut pas combattre la complexité avec plus de complexité.

Les gens réagissent à l’évolution des incitations. Sur le long terme, cela crée de nouvelles permutations des comportements de groupe qui nécessitent une compréhension claire, pour ne pas renforcer ou créer des bulles d’actifs. Comme pour un nœud gordien, il faut des solutions simples et une attention renforcée sur les éléments essentiels, sinon le système débordera encore notre entendement. En d’autres termes, il faut moins d’aide à la consommation et plus à la création; moins de réglementation et une plus grande transparence ainsi qu’une charge juridique sur la responsabilité; réduire la taille des institutions afin qu’elles ne deviennent jamais trop grosses au point de s’écrouler, se débarrasser de notre fétichisme pour le PIB et de l’amalgame qui lie toute dépense à une question de croissance; prendre conscience de l’omniprésence structurelle de la dette aujourd’hui, et ainsi de suite.

Les bulles qui naissent dans le cerveau des individus, sont nourries par les stimulations de l’environnement et murissent dans la complexité des économies. Les crises – leurs conséquences – sont dictées par ces mêmes forces.

Il est temps que nous le comprenions.

Bob Swarup, est diplômé de l’Institut des Affaires Economiques et auteur du livre: Money Mania: Booms, Panics and Busts from Ancient Rome to the Great Meltdown (Bloomsbury Press, 2014).

Version en anglais: The Financial Lesson of the Ages: We Don’t Learn From History

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