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A Touch of Sin: Une représentation factuelle du 21e siècle chinois

Écrit par He Qinglian
03.05.2014
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  • Des villageois demandent aux autorités d’agir contre les saisies illégales de terrain par des responsables locaux (STR/AFP/Getty Images)

Ce n’est qu’après avoir vu le film A Touch of Sin (Une Touche de péché) de Jia Zhengke, dont le nom d’origine en chinois signifie «Prédestiné» que j’ai réalisé pourquoi le réalisateur a donné un titre aussi fataliste à son film.

Ce film dépeint quatre incidents qui se sont produits en Chine et dont la manifestation de chacun d’entre eux a provoqué une sérieuse scission dans le pays. Ces quatre incidents ont eu lieu entre 2001 et 2010, l’une des décennies les plus cruciales dans la détermination de la direction sociopolitique de la Chine. Au cours de ces dix années, le modèle de la distribution sociale chinoise est devenu stagnant; la relation entre le peuple et les autorités est passé d’une confiance mutuelle à une méfiance mutuelle.

La tragédie de Hu Dahai

Je suppose que la plupart des personnes qui ont vu le film de Jia Zhengke savent que l’histoire fictive de Hu Dahai  décrit la tuerie réellement commise par Hu Wenhai dans le Shanxi en 2001. Mais parallèlement aux reportages délivrés par les médias chinois au sujet de la condamnation à mort de Hu Wenhai en 2002, Jia Zhengke dépeint le tueur selon une perspective différente.

Le 26 octobre 2001, Hu Wenhai a abattu 14 personnes dans le village de Dayukou, municipalité de Wujinshan, district de Yuci, ville de Jinzhong, province du Shanxi. À cette époque, les autorités chinoises considéraient « l’état de droit » comme  principe directeur et visaient à transformer la Chine en un pays dans lequel la loi gouverne. Ainsi les reportages sur Hu Wenhai mettaient en avant son mépris de la loi, sa détention non autorisée d’armes et les vies qu’il avait prises. Par ailleurs, ces reportages mettaient de côté les événements qui ont conduit à l’assassinat, à savoir la corruption et la fraude fiscale dans une mine de charbon du village de Dayukou. Hu Wenhai avait en effet mobilisé les villageois à poursuivre en justice, dans un effort commun, la mine de charbon, et lui-même avait déposé de multiples plaintes auprès des autorités, en vain.

En fait, le décès de Hu Wenhai devrait être attribué à l’institution que les responsables couvrent les uns les autres. Dans le film, le personnage de Hu Dahai, une personne honnête qui pensait que les hautes autorités apporteraient la justice, se heurte à la connivence des membres du comité du village et est isolé par les autres villageois dont les intérêts ont également été violés – cela est véritablement arrivé à Hu Wenhai: les 121 villageois qui avaient poursuivi conjointement la mine de charbon avec Hu Wenhai l’ont tous abandonné plus tard.

Quand le personnage fictif de Hu Dahai demande la transparence des affaires financières du village, il est battu. D’autres villageois témoignent peu de sympathie à Hu Dahai et se moquent de lui en le surnommant «balle de golf». Se sentant humilié, de désespoir et de colère, Hu Dahai prend son revolver pour aller «chasser».

A l’époque, les journalistes avaient enregistré deux choses concernant Hu Wenhai en dépit des divers obstacles, y compris leur propre compréhension insuffisante. Premièrement, ils avaient perçu Hu Dahai comme un homme qui a pris la responsabilité de ses actes. Que ce soit au tribunal ou face aux journalistes, il a clamé à plusieurs reprises: «Je ne ressens aucun remords, seulement des regrets de ne pas avoir réussi à tuer tous ceux que j’aurais dû!».

Deuxièmement, alors que Hu Dahai allait être exécuté, il a serré la main de tous les agents de la police criminelle chargés de son exécution et leur a dit au revoir. Le calme de Hu Dahai devant sa propre mort m’a profondément ému. Depuis ce jour, je peux encore me souvenir de mon émotion en voyant cela.

Après 2001, des changements drastiques ont eu lieu dans la société chinoise. De plus en plus de gens ont connu la douleur lors de la saisie forcée de leur terre, l’éviction forcée de leur domicile, la perte de leur maison et ont souffert sous un pouvoir arbitraire.

Ces changements sont devenus encore plus perceptibles dans la façon dont le public a vu l’agression de Yang Jia sur des agents de police le 1er juillet 2008. Yang Jia avait été considéré comme un héros et non pas comme un meurtrier.

À mon avis, Jiang Wu, l’acteur qui a interprété le rôle de Hu Dahai dans le film, a réalisé un excellent portrait du personnage. Le réalisateur de ce film a inclus une scène dans laquelle le Hu Dahai fictif «a fait déguerpir un agriculteur qui battait à répétition sa vieille vache», un acte héroïque qui davantage fait paraître la droiture de son esprit.

Après avoir vu le film, j’ai deviné la raison pour laquelle le personnage fictif porte le nom d’un général décoré sous l’empereur Zhu Yuanzhang: le scénariste a sans doute pensé que si Hu Wenhai avait vécu à l’époque d’une insurrection paysanne, il aurait été un courageux guerrier dans l’histoire comme Hu Dahai et non pas un meurtrier.

Le sort des classes populaires

Le film décrit également trois personnes issues des classes populaires. Le premier de ces individus est Zhou San, un tireur qui tue et vole pour sa propre survie. Certains ont deviné que son personnage est basé sur l’histoire de Zhou Kehua, un tueur et voleur en série qui était actif à Suzhou et Chongqing. Mais à mon avis, ce tireur fictif incarne de nombreux individus au sort identique.

Zhou San

La ville où a grandi Zhou San est décrite comme un lieu où les habitants se sont retrouvés hors de chez eux sans aucun avenir, au milieu d’un processus de modernisation. Beaucoup de ces jeunes hommes y mènent une vie oisive sans rien à faire, ils passent le temps à jouer au mahjong et à parier et certains vivent sur l’argent de leur épouse. Zhou San méprise ces personnes et choisit de devenir un voleur solitaire.

Un homme dur et impitoyable pour ceux qui ont tenté de le voler. Et capable de prendre l’argent et la vie de ses cibles sans aucune hésitation.

Le film n’explique pas comment Zhou San est devenu une telle personne. Mais à en juger par la façon dont il se prépare avant d’agir et de ne rien dire à sa femme des endroits où il se rend, on peut voir que des personnes comme Zhou San constituent une grave menace pour la sécurité publique en Chine.

Xiaoyu

Et selon moi, ce qui arrive à Xiaoyu dans le film reflète la vie des femmes des classes populaires en Chine. Comme la plupart de ces femmes qui gagnent leur vie dans les saunas et autres lieux comparables, Xiaoyu espère pouvoir faire un bon mariage qui la conduira vers un avenir meilleur. Comme son vœu ne se réalise pas, elle ne peut que continuer de travailler comme réceptionniste. Néanmoins, elle refuse d’être (considérée comme) une prostituée.

Cependant, l’endroit où travaille Xiaoyu attire des hommes louches. Et arrive le jour où elle est accostée par quelques clients exigeants en quête de sexe. Dans une interminable scène cauchemardesque, l’un des hommes, timide, qui comme beaucoup d’autres hommes de son genre, montre un mépris total pour les personnes jugées inférieures à son rang, la gifle à plusieurs reprises avec une liasse de billets: «J’ai de l’argent, j’ai de l’argent» Xiaoyu finit par se rebeller, sort un couteau et poignarde les hommes à mort.

Xiaohui

Ne voyant aucun avenir à travailler sur une chaîne d’assemblage, et après avoir enfreint les règles de l’entreprise en discutant avec un collègue en plein travail, distrayant ce collègue jusqu’à ce qu’il se coupe la main, il est condamné à travailler et à donner tout son salaire à ce collègue blessé. Le Jeune ouvrier Xiaohui s’enfuit alors à Dongguan avec l’espoir de faire plus d’argent. Il trouve un emploi dans un night club et entretient une relation avec une prostituée.

Mais le rêve de Xiaohui est anéanti quand il apprend que sa compagne ne peut pas quitter son emploi parce qu’elle doit soutenir sa famille. Il retourne ensuite travailler sur autre une ligne d’assemblage. Lorsque le collègue blessé par Xiaohui retrouve ce dernier pour exiger le paiement de son argent et que la mère de Xiaohui lui demande d’envoyer davantage d’argent à la maison, il saute du toit.

Le saut de Xiaohui vers sa mort rappelle à la fois les conditions auxquelles Foxconn soumet ses ouvriers en Chine et l’écart de richesses entre les régions développées du pays et les régions rurales où les habitants pensent que beaucoup d’argent peut être gagné dans le Guangdong. Ces personnes comptent sur ceux partis travailler dans le Guangdong pour tout payer, de la construction de la maison au mariage des membres de la famille en passant par les frais médicaux des parents, les frais de scolarité des jeunes frères et sœurs et des cousins.

De la scène dans laquelle Xiaohui dit et redit au téléphone qu’il n’a pas dépensé trop d’argent, on sent qu’à l’autre bout du téléphone, la mère de Xiaohui, qui s’imagine que ce dernier gagne bien plus que son salaire réel, lui reproche d’envoyer trop peu d’argent à la maison.

Cela est arrivé à de nombreux ouvriers et employés en col blanc de Shenzhen.

La Chine: Un pays où le sort des gens est prédestiné.

À mon avis, ce film de Jia Zhangke est essentiellement une représentation factuelle du 21e siècle en Chine: il montre le côté laid de ce pays, le désespoir des gens et la résistance de certains.

Comme je l’ai souligné auparavant, la Chine a les caractéristiques d’une société pré-moderne et le succès des individus ne dépend pas de leurs propres efforts mais de leur niveau social. En d’autres termes, les individus des classes inférieures sont privés de la possibilité d’ascension, même pas avec leurs études universitaires. Ils ne peuvent obtenir qu’un maigre salaire en raison de la main d’œuvre trop importante ainsi que du monopole acquis par les fils et filles des fonctionnaires et des haut responsables sur les meilleurs emplois.

Depuis le début de ce siècle, la Chine est devenue un pays immobile, où le sort des gens est prédestiné et ne change pas. Et je crois que c’est la raison pour laquelle Jia Zhengke a donné un nom si fataliste à son film.

He Qinglian est une célèbre écrivain et économiste chinoise vivant aux États-Unis. Elle est l’auteure de China Pitfalls (Pièges de Chine), qui dénonce la corruption dans la réforme économique des années 1990 et The Fog of Censorship: Media control in China (Le brouillard de la censure: le contrôle des médias en Chine), qui concerne la manipulation et la restriction de la presse. Elle écrit régulièrement sur les questions sociales et économiques contemporaines chinoises. Cet article a été publié sur le blog de He Qinglian.

Version en anglais: A Touch of Sin: A Factual Representation of 21st Century China

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