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Du rififi chez les opticiens

Écrit par Laurent Gey, Epoch Times
27.05.2014
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  • L’ouverture à la concurrence sur internet du secteur de l’optique va-t-elle réduire le prix des lunettes en France?
    (Philippe Huguen/AFP/Getty Images)

De l’agitation dans la chasse gardée des opticiens en France. L’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a publié la semaine dernière les résultats de son enquête pointant des fraudes des professionnels de l’optique envers les complémentaires santés. Verdict: pour que le client puisse acheter une monture plus chère, près d’un opticien sur cinq propose de falsifier la facture. Le client est ainsi remboursé fort avantageusement par sa mutuelle.

Par ailleurs, suite au rapport de la Cour des comptes de septembre 2013 dénonçant un secteur «peu concurrentiel, opaque et cher», l’ouverture du secteur à la concurrence sur internet entrée en vigueur le 19 mars préfigure une révolution sur le marché de l’optique.

Un cercle vicieux entre mutuelles et opticiens

L’enquête de l’association UFC-Que Choisir parue le 20 mai 2014 n’est pas passée inaperçue. Appelée «clients mystère» et disponible sur le site de l’association, elle a été menée auprès de 1.188 opticiens, soit 10% de l’ensemble de la profession. L’enquêteur choisissait volontairement une monture dont le prix est supérieur au plafond de remboursement de sa mutuelle pour tester la réaction du vendeur. Résultat, dans près d’un cas sur cinq (17,9%), l’opticien, lui-même, a proposé de falsifier la facture afin d’augmenter le remboursement de la monture sur le verre.

Selon l’enquête, la fraude est davantage répandue chez les opticiens indépendants (29,5% des cas) que chez les grandes enseignes nationales (11,8%). Cependant, il existe une hétérogénéité selon les enseignes: de 6,4% chez Optical Center à 17,6% pour Grand Optical. L’enquête révèle aussi de fortes disparités entre régions: de 5% de fraude en Bourgogne contre 35% en Languedoc-Roussillon. Le volume de la fraude serait estimé à 142 millions d’euros par an.

La réaction des opticiens ne s’est pas fait attendre. Jean-Pierre Champion, directeur général de Krys Group (12,6% de fraude) a déclaré le jour même dans le quotidien 20minutes: «C’est un problème moral, et c’est une distorsion de concurrence.» Selon lui, les opticiens concernés dans son groupe devront passer en comité déontologique: «Ils risquent des sanctions allant de l’avertissement à l’exclusion».

La France, championne des dépenses en optique

Avec un prix moyen pour une paire de lunettes de 470€, la France est championne d’Europe des dépenses en optique. Un prix relatif à la spécificité du système de soins français alliant remboursements de la Sécurité sociale et d’une mutuelle complémentaire. Ailleurs, en Europe, les consommateurs paient leurs lunettes sans remboursement public ou privé, ce qui ne les incite pas à faire des dépenses excessives.

Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale, publié en septembre 2013, la Cour des comptes pointe du doigt le fonctionnement du marché des lunettes en France. Les dépenses dans ce domaine auraient augmenté de 69% entre 2000 et 2011. Ce marché concerne également les prothèses auditives.

Selon le journal Le Monde, la Cour des comptes dénonce également les marges trop élevées des opticiens: «Au total, pour une paire de lunettes, la marge brute moyenne serait supérieure à 300 euros, mais pourrait excéder 600 euros pour une monture de créateur». De son côté l’UFC-Que Choisir soutient que «les marges brutes des opticiens représentent en moyenne 70% du prix de vente hors taxes.»

Philippe Peyrard, directeur général délégué d’Atol, réoriente localement, depuis dix ans, sa production de lunettes. Il justifie ces marges par des produits «made in France» plus chers, plus de la moitié de ces montures étant créées en France.

Un secteur ouvert à la concurrence

La loi Hamon sur la consommation, entrée en vigueur le 19 mars, actait l’ouverture du secteur de l’optique à la concurrence sur Internet. Cette ouverture de marché a permis à l’entrepreneur Marc Simoncini, ancien patron de Meetic, d’entrer dans la compétition en créant le site Sensee. Ce site de ventes en ligne en pure player, c’est-à-dire sans frais d’agences ni de personnel, propose une offre de lunettes à moitié prix, en externalisant leur fabrication en Asie. Selon Marc Simoncini, interviewé sur France Info le 21 mai, cette dérive dans les prix et les remboursements vient d’un système «construit autour des mutuelles, des ophtalmologistes, des distributeurs et des fabricants».

Selon la Cour des Comptes, les fraudes à la complémentaire reviennent, en fin de compte, à faire payer les assurés en faisant peser les remboursements sur l’ensemble des cotisations des mutualisés. En allant à la concurrence sur des sites de vente en ligne, les consommateurs gagneront certes sur leur facture, mais perdront en service, les pure players n’ayant, par définition, aucune boutique où aller voir un opticien pour un remplacement ou une réparation immédiate. Quoi qu’il en soit, le secteur semble aborder une phase de changement, avec d’un côté, le cercle vertueux d’un savoir-faire et d’emplois maintenus en France, et de l’autre, un système de fraude, largement mis à jour, et sanctionné par une concurrence plus attractive.

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