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Les aborigènes australiens étaient des gestionnaires de terre sophistiqués

Le qualificatif de «chasseurs-cueilleurs» est inapproprié, selon des chercheurs

Écrit par Shar Adams, Epoch Times
28.05.2014
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  • L'ancien Max Eulo de la tribu aborigène Budgeoli pratique une cérémonie de bienvenue sur l'île Goat prêt de Sydney. (Torsten Blackwood/AFP/Getty Images)

SYDNEY – Les aborigènes australiens, qui sont parmi les plus anciens habitants continuels de leur territoire dans le monde, ont longtemps été dépeints comme des chasseurs-cueilleurs. Toutefois, une accumulation d’indices suggère qu’ils n’étaient pas primitifs, mais plutôt des agriculteurs et des gestionnaires de terres sophistiqués.

Le chercheur et auteur Bruce Pascoe, qui appartient à la tribu Bunurong, a examiné les récits des premiers explorateurs et colons pour y trouver des mentions d’agriculture, il a été stupéfait par ce qu’il a trouvé.

«J’ai trouvé à plusieurs reprises des références à des gens qui construisaient des barrages et des puits, qui plantaient, irriguaient et récoltaient, et qui manipulaient le paysage», explique-t-il.

Le récit de l’explorateur Charles Sturt est parmi les plus frappants, lui qui est le premier Européen à entrer à l’intérieur du pays jusqu’au désert de Simpson.

Dans son expédition de 1844-1846, Sturt était à l’article de la mort, ayant déjà perdu des membres de son expédition, lorsqu’il a rencontré un groupe d’environ 400 aborigènes.

Ils lui ont sauvé la vie en lui offrant de l’eau, du canard rôti et du gâteau confectionné avec leurs propres grains, affirme M. Pascoe. Sturt a décrit à plusieurs reprises le gâteau comme étant «le meilleur gâteau qu’il ait jamais mangé», même après avoir été rassasié.

«Il le décrit dans les moindres détails, il décrit la manière de moudre le grain, la saveur et il va jusqu’à donner la recette», affirme M. Pascoe en entrevue téléphonique.

«Ils appellent encore [ce territoire] le “cœur mort de l’Australie”, mais voilà qu’il y mangeait du gâteau contenant de la farine venant de cette région.»

Dans un autre témoignage, l’explorateur et arpenteur du gouvernement Thomas Mitchell décrit avoir traversé 15 km de champs agricoles dans son exploration de 1830 dans le nord du New South Wales, une région riche en terre noire.

«Le grain avait non seulement été coupé, mais il avait été rassemblé. Il avait été placé en balles à travers le paysage et était prêt au battage», ajoute M. Pascoe.

M. Pascoe, qui a écrit un livre détaillant les résultats de ses recherches, Dark Emu, affirme qu’il est maintenant inapproprié de décrire uniquement les aborigènes comme des chasseurs-cueilleurs nomades.

Les aborigènes se déplaçaient effectivement selon les saisons et pour les activités culturelles, précise-t-il, mais beaucoup d’entre eux avaient des domiciles fixes, certains ayant même deux ou trois maisons. Toutefois, après l’occupation européenne, leurs cultures auraient été détruites et beaucoup d’entre eux auraient été expulsés de leurs terres, donnant l’impression d’être des vagabonds.

Culture intensive

M. Pascoe n’est pas le seul à partager ce point de vue. Dr Beth Gott, une botaniste à l’université Monash, supervise un jardin aborigène à l’université et donne des cours sur les plantes aborigènes. Son domaine d’intérêt spécifique est le microseris lanceolata, ou murnong, dont les racines tubulaires étaient une source de nourriture de base pour les communautés aborigènes de Victoria.

Les premiers explorateurs ont décrit des champs de murnong qui ressemblaient à des pâturages, explique-t-elle. Les troupeaux de moutons ont plus tard envahi ces champs, et les cultures ont rapidement été décimées.

Dr Gott affirme que les groupes aborigènes géraient la terre pour cultiver le murnong, qui a besoin de beaucoup de soleil pour bien pousser. Ils brûlaient en rotation les cultures de murnong afin d’empêcher les plus hautes plantes de dominer, ce qui fertilisait également le sol. Ceci ne causait pas de tort aux racines et était pratiqué lorsque les feuilles avaient bruni.

«Ils savaient quand brûler et où exactement l’appliquer, produisant finalement une mosaïque partout dans la campagne en différents stages de récupération du feu», explique Dr Gott.

Beaucoup d’autres plantes étaient cultivées en Australie, y compris le riz – dont il y a au moins quatre variétés indigènes – et une variété de lys. Dr Gott souligne que les pratiques d’agriculture durable étaient évidentes.

Les tubercules du murnong, par exemple, étaient récoltés sans détruire la plante : la «grand-mère» et «l’enfant» tubercules restaient intouchés tandis que la «mère» était cueillie si elle pouvait être mangée.

«Ils prenaient soin des plantes dans l’environnement où elles poussaient», affirme-t-elle.

Avec une occupation datant d’environ 45 000 ans, les aborigènes australiens avaient appris ce qu’ils devaient faire pour assurer leur survie.

«S’ils n’avaient pas fait ça, ils n’auraient pas mangé», ajoute Dr Gott.

Un seul domaine

Le professeur d’histoire Bill Gammage estime que les communautés aborigènes travaillaient autant que possible avec l’environnement naturel, mais ultimement elles l’ont modifié considérablement.

  • Les tubercules du murnong représentaient une source de nourriture de base pour les aborigènes australiens qui le cultivaient. (Bushfoods & Survival Plants)

«Où ça leur convenait ils ont travaillé avec l’environnement, acceptant ou consolidant son caractère, mais si ça n’allait pas ils le modifiaient, parfois dramatiquement, avec ou sans l’utilisation du feu», a-t-il écrit dans un article sur le site web académique The Conversation.

Dr Gammage a revisité les premières traces des explorateurs et artistes australiens, de même que les ouvrages plus récents des chercheurs, qui ont identifié l’utilisation extensive de techniques de gestion des terres. Il a documenté les résultats de ses recherches dans son livre The biggest estate on Earth: How Aborigines made Australia.

Alors qu’on pensait que les scènes pastorales de l’Australie des premiers jours étaient romancées par les premiers colons, il semble maintenant qu’ils ont décrit exactement ce qu’ils ont vu, mentionne-t-il.

Les régions de prairie étaient établies pour attirer les animaux afin de faciliter la chasse, alors que les régions d’arbres et de buissons étaient conservées pour leur offrir un abri.

«Les endroits pour chasser doivent être placés avec attention afin qu’ils ne se nuisent pas l’un l’autre, car cela rendrait les animaux ciblés imprévisibles et le système inutile», explique Dr Gammage.

«Étant donné la durée de vie des eucalyptus, le système a dû prendre des siècles à s’établir. Chaque espace a besoin de son régime de feu distinct, géré et intégré continuellement avec les voisins, afin de conserver les conditions nécessaires pour l’agriculture sur brûlis.»

Dr Gammage estime que le système pouvait seulement fonctionner si tous les groupes y participaient et il conclut que cela aurait nécessité une coordination à l’échelle du continent.

«Ce système n’aurait pu avoir de frontières terrestres. Il n’aurait pu y avoir un endroit où c’était pratiqué et, à côté, un où ce ne l’était pas. L’Australie était inévitablement un seul domaine, mais avec plusieurs gestionnaires», écrit-il.

M. Pascoe indique qu’il était familier avec l’aquaculture et les systèmes d’irrigation aborigènes, mais il a eu besoin de temps pour saisir l’ampleur de la culture des terres.

Le niveau de coopération sur un si grand territoire avec autant de groupes différents aurait nécessité un système de gouvernance très fort.

«Il a dû être très, très puissant afin de convaincre les jeunes que c’était le chemin à suivre», estime-t-il.

«La plupart des autres civilisations ont connu des niveaux variés d’opposition de temps à autre, mais ici il semble qu’il y avait un consensus sur comment gérer la terre et les gens.»

M. Pascoe dit avoir reçu plusieurs appels d’aborigènes se rappelant d’activités et d’histoires reliées à l’agriculture. Il s’attend à ce que la poursuite de ses recherches confirme son hypothèse.

Version originale : Australian Aborigines Were Sophisticated Farmers and Land Managers

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