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Affaire BNP-Paribas: une remise en cause du projet TAFTA?

Écrit par Charles Callewaert, Epoch Times
10.06.2014
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  • Derrière l’arbitrage de l’affaire BNP-Paribas se joue l’équilibre du prochain traité transatlantique. (Christophe Ena/AFP/Getty Images)

L’amende record de 10 milliards de dollars qui menace la banque BNP-Paribas pourrait créer d’importants dommages collatéraux dans les relations franco-américaines, et remettre en cause la conclusion du projet TAFTA de traité de libre-échange transatlantique entre l’Europe et les États-Unis.

Risque de crise de confiance entre l’Europe et les États-Unis

C’est, en marge des cérémonies de commémoration du 70e anniversaire du débarquement, le message que François Hollande n’aura pas manqué de faire passer à son homologue américain Barack Obama. Dans un entretien accordé au journal Le Monde du 6 juin, rappelant que la France respectait totalement l’indépendance de la justice américaine, le ministre des Finances Michel Sapin a souligné que «si les faits reprochés s’étaient déroulés en France et en euros, il n’y aurait pas eu d’affaire». Il a également estimé qu’avec une amende à ce niveau, «il y aurait disproportion manifeste» avec les faits reprochés. Face à l’hégémonie du dollar, il a exprimé son soutien «au renforcement de l’euro comme monnaie de confiance dans les échanges internationaux». Michel Sapin a enfin clairement rappelé que cette affaire ne devait pas «rompre la confiance» entre l’Europe et les États-Unis mais qu’elle pouvait «affecter les discussions en cours sur le traité de libre-échange».

Opacité des négociations sur le TAFTA

L’affaire BNP-Paribas pourrait cependant n’être qu’un prétexte pour reporter les négociations en cours sur un traité dont les récentes élections européennes ont permis de dénoncer l’opacité des négociations et les risques qu’il pourrait faire courir à l’Europe.

Selon un sondage CSA-L’Humanité réalisé entre le 14 et le 16 mai dernier, seuls 16% des Français déclarent bien savoir ce dont il s’agit et 55% n’en ont jamais entendu parler. Interrogés sur leur perception de ses avantages, seuls 28% ont le sentiment qu’il représente une chance pour la France, 30% pour l’Europe, mais 63% pour les États-Unis. Enfin, 70% des Français estiment anormal que les négociations soient menées de façon confidentielle.

Une zone de libre-échange occidentale de 820 millions de personnes

Le projet TAFTA (Transatlantic Free Trade Area) consiste à créer une vaste zone de libre-échange transatlantique regroupant les États-Unis et les pays européens, soit 820 millions de personnes représentant presque la moitié du PIB mondial. Il est en discussion depuis près de 10 ans, mais les négociations se sont accélérées, il y a un an, et le cinquième round entamé ce lundi 19 mai à Arlington (États-Unis) a permis aux opposants d’attirer l’attention des médias sur ce qu’ils considèrent comme un marché de dupes avec les États-Unis.

Cette zone de libre-échange, où les droits de douane déjà faibles entre l’Europe et les États-Unis seraient totalement supprimés, devrait renforcer l’unité économique du monde occidental et l’aider à maintenir son leadership face aux pays émergents dont la puissance économique est croissante. Selon ses défenseurs, elle permettrait un regain de croissance évalué à 0,5% de PIB et la création de millions d’emplois. Les détracteurs, quant à eux, mettent en avant les promesses d’emplois non tenues par les autres zones de libre-échange, et la perte sèche de 18 milliards de dollars de droits de douane, soit 14% du budget de l’UE.

  • Derrière l’arbitrage de l’affaire BNP-Paribas se joue l’équilibre du prochain traité transatlantique. (Christophe Ena/AFP/Getty Images)

Au cœur du TAFTA, la guerre des normes et de l’arbitrage

Les réglementations et normes nationales qui permettent à un pays de préserver son unité économique sont perçues par les entreprises multinationales comme des barrières à l’entrée de leurs produits. L’harmonisation des normes, c’est-à-dire l’adoption d’une règlementation unique, soit américaine soit européenne, est donc au cœur des négociations. À titre d’exemple, une polémique est apparue en France à propos des poulets quant à l’adoption éventuelle des normes américaines qui exigent que ceux-ci soient lavés au chlore avant leur commercialisation. Il s’agit donc d’un vaste jeu de «donnant-donnant», où chaque partie lâche sur ce qui lui pèse le moins pour pouvoir imposer ce qui lui est le plus bénéfique. Le problème est, qu’à ce jeu, les Américains, qui forment un ensemble déjà unifié au niveau normatif, apparaissent bien mieux armés que les Européens dont l’espace reste dominé par un morcellement des réglementations nationales.

Perte de pouvoir des États européens face aux multinationales américaines?

Un autre sujet déterminant est celui du règlement des litiges opposant les entreprises aux États. Selon le traité, les entreprises auraient, non seulement, la possibilité de poursuivre les États lorsque leur politique entraverait leur activité commerciale, mais le pouvoir d’arbitrage serait conféré à une autorité indépendante, même lorsque des questions de santé publique sont en jeu. Les États européens risquent donc de se trouver en position de faiblesse face aux multinationales américaines, comme c’est déjà le cas avec l’Uruguay, petit pays au PNB de 50 milliards de dollars dont la législation anti-tabac est attaquée par Philip Morris International, un cigarettier géant pesant quelque 77 milliards de dollars.

Inversement, l’affaire BNP-Paribas démontre bien la faiblesse des banques, et par ricochet, celle des grandes entreprises européennes, face à la puissance de la justice américaine combinée à l’hégémonie du dollar. L’Europe ne joue assurément pas encore à armes égales avec les États-Unis.

L’Europe doit se consolider avant les négociations

Même négocié au mieux par les experts de la Commission européenne, ce traité TAFTA va impacter chaque Européen dans sa vie quotidienne. Les chefs d’État lui ont donné pouvoir pour négocier en leur nom un traité qui doit ensuite être approuvé par le Parlement européen.

Alors que son marché unique existe depuis près de vingt ans, l’Europe souffre de déséquilibres fiscaux, sociaux, et réglementaires issus des législations nationales des 28 pays qui la composent. De leur côté, les États-Unis, avec une structure fédérale opérationnelle depuis longtemps et le dollar comme bras armé de leur politique, sont clairement en position de force. Si le morcellement et la diversité de l’Europe sont à l’origine de sa puissance passée, ils constituent à présent une faiblesse majeure qu’il est prioritaire de corriger avant de finaliser toute négociation commerciale transatlantique.

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