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Réforme pénale: victoire fragile pour Taubira

Écrit par David Vives, Epoch Times
11.06.2014
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  • La garde des Sceaux Christiane Taubira s’entretient avec une gardienne de la prison de Nanterre le 25 avril dernier. (Thomas Samson/AFP/Getty Images)

C’est devant une assemblée quasi-vide que Christiane Taubira a entamé mardi dernier la présentation de son projet de loi sur la réforme pénale. Comme si après des mois de discussions sur le sujet, la fatigue l’avait déjà emporté chez les députés des deux camps. Quelques jours plus tard, alors que l’on vote la «contrainte pénale», l’enthousiasme peine toujours à montrer son nez dans l’hémicycle: seuls 21 députés se sont prononcés – elle fut adoptée avec 16 voix pour et 5 contre, l’UMP s’étant abstenue.

Pourtant, les désaccords qui prenaient place au sein même du gouvernement promettaient une bataille difficile à la garde des Sceaux, aux arrière-goûts de ce qui s’était passé lors du mariage pour tous. Pourtant, le débat n’a pas eu lieu, la réforme est donc passée, après un durcissement préalable en commission. Les mesures décidées dans cette réforme, adoptée dans une procédure rapide, prendront effet avant mi-août, après un examen préalable au Sénat au mois de juin.

À l’heure actuelle, la ministre se déclare «réjouie» de la situation. Pourtant, la complexité de la mise en œuvre de la réforme et sa popularité très relative ne jouent pas vraiment en sa faveur.

Laxisme, vous avez dit laxisme?

Côté UMP, chacun y va de son mot, et si la forme et les manières sont différentes, tout se résume en un mot: «laxisme». Rachida Dati, qui occupait anciennement la fonction, reproche à Christiane Taubira de vouloir «vider les prisons», le député UMP Georges Fenech évoque une «calinothérapie» sur la sortie de la ministre concernant les peines sèches. Pour le député UMP Éric Ciotti, en supprimant les peines planchers, le message envoyé aux délinquants potentiellement récidivistes est très mauvais. Sergio Coronado, député écologiste, estime que la mise en place tardive de la contrainte judiciaire (prévue en 2017, donc sujette à ne jamais voir le jour) revient à «se moquer du monde».

Dans son propre camp, les soutiens ne se bousculent pas. Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, a protesté suite au durcissement en commission, une attitude similaire à celle de Manuel Valls – opposé à la contrainte pénale – qui a pressé le président de rappeler à l’ordre sa ministre. Selon Le Monde, François Hollande aurait donc recadré Christiane Taubira en lui demandant de veiller à «garder la logique et les équilibres du texte et à faire attention aux amendements qui pourraient venir».

Ce n’est pas non plus auprès du peuple français que la ministre trouvera le soutien qui lui fait défaut; dans une enquête menée conjointement par l’Institut pour la Justice et le CSA, 60% des sondés désapprouvent la suppression des peines planchers, 66% la libération sous contrainte et 69% la création d’une contrainte pénale. La moitié des sondés estiment que la réforme mènera à une montée de la délinquance, et 70% auraient préféré un renforcement des jugements à l’égard des récidivistes.

Quel avenir pour les alternatives à l’enfermement en France?

Mais qu’importe la critique, la ministre tient son cap. C’est sur la base de rapports – une «analyse du réel», selon les termes de la garde des Sceaux, que cette nouvelle réforme trouve sa justification. «Nous sommes dans une philosophie et un rapport à la justice différents», affirme-t-elle à ses détracteurs, soulignant que l’«inflation législative» et la sévérité n’ont pas fait reculer la récidive. D’après la ministre, le nombre de détenus a augmenté de 35% en dix ans alors que le taux de récidive est passé de 4,9% en 2001 à 12,1% en 2011; de plus, le rapport semble indiquer que les condamnés bénéficiant d’aménagements de peine se représentent moins souvent devant la justice.

Le Conseil de l’Europe souligne aussi l’importance de développer les mesures alternatives et de faire baisser le niveau des courtes peines (inférieures à un an de prison). Arrivant aux mêmes conclusions que la ministre, le Conseil estime que les courtes peines sont un facteur important de récidive. Mais il n’y aurait pas trop à s’en faire: en effet, selon l’étude Space II, et sous réserve des données disponibles, la France est un pays d’Europe pratiquant le plus la probation. En 2012, dans notre pays, le nombre de prisonniers bénéficiant d’alternatives à l’emprisonnement était de 187 614.

Reste que pour la réforme  pénale, les difficultés ne font peut-être que commencer. Pour le Syndicat de la magistrature, «la confusion est totale». «C’est une atteinte fondamentale à la séparation des pouvoirs et, sous prétexte d’efficacité, des prérogatives relevant strictement de l’autorité judiciaire, garante constitutionnelle des libertés individuelles», explique-t-il. Les conseillers d’insertion devront ainsi faire face à un paradoxe: donner sa chance au détenu par une mesure probatoire sachant que le préfet pourra le renvoyer en prison.

Réforme pénale

Quoi et comment?

En premier lieu, la réforme supprime les «peines planchers», mesure phare de l’ère de Rachida Dati, votée en 2007. La réforme prévoit ensuite l’application de la «contrainte pénale», c’est-à-dire une peine de probation destinée à remplacer l’emprisonnement – en imposant par exemple un suivi médical, des sanctions réparatrices, une formation – et assortie d’un certain nombre de restrictions et d’obligations. Visant initialement les peines de moins de cinq ans, la contrainte pénale a été portée à tous les délits.

Dans la lignée de ces mesures, Christiane Taubira compte mettre fin aux «sorties sèches» des détenus ayant purgé leur peine au complet sans avoir bénéficiés de libération conditionnelle. Désormais, il y aura une évaluation systématique de la situation du détenu aux deux-tiers de sa peine, et selon les cas, le juge d’application des peines sera en mesure de décider d’une «sortie sous contrainte».

Pour appuyer l’effort du suivi des condamnés dans le cas de peines alternatives à l’emprisonnement, la ministre a annoncé la création de 1.000 postes supplémentaires d’ici à 2015 dans les services de probation et d’insertion (SPIP). D’autre part, le nombre des dossiers suivis par les conseillers sera réduit à 40 (contre 120 actuellement). «Alors là, nous atteindrons l’objectif de quarante dossiers, quarante personnes suivies», affirme la ministre.

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