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Pourquoi les Taïwanais devraient-ils se souvenir de Tiananmen?

Écrit par Sophie Hsu, Global Voices
11.06.2014
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  • L’affiche de la veillée sur Liberty Square montre deux tanks arrivant sur la place Tiananmen. Le slogan proclame: «De passage à Tiananmen, nous sommes tous Tank Man». (Capture d’écran/Facebook)

Source: Global Voices 

Malgré la prédominance de Hong Kong comme lieu de commémoration du massacre de Tiananmen, d’autres communautés sinophones à travers le monde organisent chaque année des veillées aux chandelles en mémoire de l’incident, et ce notamment à Taïwan.

En 1989, des milliers de Taïwanais avaient exprimé leur soutien aux manifestations étudiantes qui se déroulaient alors sur la place Tiananmen de Pékin. Le mouvement avait été écrasé par les autorités chinoises, dans une démonstration de force militaire qui avait fait de nombreuses victimes parmi les étudiants et les civils présents. Cette année aussi, des centaines de Taïwanais se sont rendus à la veillée sur Liberty Square à Taipei, afin de marquer le 25e anniversaire du massacre.

Cette année, la veillée avait pour thème «De passage à Tiananmen». Une affiche géante y montrait des tanks entrant sur la place, le message sous-jacent étant que le peuple peut arrêter les véhicules qui, dans ce cas, symbolisent le système autoritaire chinois. Les trois groupes qui organisaient l’événement, l’Association taïwanaise pour les droits de l’homme en Chine, l’Association des étudiants taïwanais pour l’avancée de la démocratie en Chine et la nouvelle École pour la démocratie, ont expliqué dans leur manifeste pourquoi il était si important que la société taïwanaise se souvienne du massacre de Tiananmen: «Sous l’égide du Président Ma Ying Jeou, le gouvernement taïwanais s’est efforcé de renforcer les liens économiques avec la Chine et cette alliance a progressivement évolué vers des négociations politiques qui renforcent le lien entre les deux pays.

«Le peuple taïwanais peut se voiler la face et croire que le status quo actuel du «pas d’indépendance, pas d’unification et pas de confrontation armée» reste inchangé. Mais la politique du gouvernement taïwanais sera toujours de renforcer les liens avec la Chine.

«L’incident du 4 juin n’est pas seulement un événement historique. C’est l’acte fondateur du «facteur chinois» auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. Se souvenir du 4 juin, c’est résister au modèle chinois et à l’émergence d’un État fort qui a pour base la répression des droits de l’homme. C’est aussi critiquer le capitalisme de copinage appliqué par certains pays d’Asie de l’Est, dont la richesse et les intérêts reposent sur l’existence du système politique chinois à parti unique. [...]

«Le 4 juin n’est pas seulement un problème qui concerne le lointain «royaume». Il a également une portée politique au niveau local. Se souvenir du 4 juin, ce n’est pas seulement se soucier de la démocratisation de la Chine, c’est aussi être conscient qu’il faut empêcher le gouvernement taïwanais de retomber dans l’autoritarisme.»

Cette déclaration a trouvé un écho auprès de nombreux militants des droits de l’homme. Yang Hsien-hung, un défenseur des droits civils des Chinois, exhorte ses compatriotes à ne pas oublier: «Si un jour la société taïwanaise oublie le 4 juin, ce sera la fin de Taïwan. Et si un jour la société américaine oublie le 4 juin, ce sera la fin du monde tel que nous le connaissons. Heureusement, ce n’est pas encore le cas puisque c’est la tradition tant à Taïwan qu’aux États-Unis de commémorer Tiananmen tous les ans. Taïwan est entré dans l’ère des mouvements étudiants, et cette fois-ci les étudiants ont lancé le rassemblement ‘De passage à Tiananmen, nous sommes tous Tank Man’».

  • Des centaines de personnes étaient présentes à la veillée sur Liberty Square, à Taipei. (Avec l’autorisation de Paul Huang)

En réponse aux critiques sur ses six années de silence vis-à-vis de Tiananmen, le Président taïwanais Ma Ying-jeou a publié une «réflexion» cette année. Au lieu de condamner fermement l’incident, il a préféré décrire les événements du 4 juin comme une tragédie et une «blessure historique très profonde», mais a fait part de son optimisme quant au développement d’un État de droit et d’une démocratie en Chine. De son côté, le Parti démocratique et progressiste (DPP), parti d’opposition, a fait un point sur la situation actuelle des droits de l’homme en Chine et a condamné l’arrestation et la poursuite des dissidents à la veille de l’anniversaire du 4 juin.

Malgré les efforts fournis pour établir des liens entre la condition des droits de l’homme en Chine et les inquiétudes du peuple taïwanais, il y a eu très peu de discussions en ligne à propos des commémorations de Tiananmen.

Jeff Huang, qui a participé à la veillée, observe un détachement émotionnel des Taïwanais par rapport à cet événement historique: «À  Taïwan, le 4 juin n’est qu’une question d’examen inscrite dans les livres d’histoire. Il n’y a aucun sentiment d’identification. Je me souviens avoir conduit une étude sur les Chinois de Hong Kong, et là-bas ce sentiment d’identification était très fort. Pour preuve, des dizaines de milliers de personnes participent aux veillées du 4 juin chaque année.

«Les Taïwanais se soucient du 4 juin non pas par identification, mais plutôt parce qu’ils persistent à croire en la démocratie et la liberté, n’abandonneront pas l’idée d’une démocratisation de la Chine et n’accepteront jamais l’autoritarisme chinois envers Taïwan. Peu importe de quelle région du monde il provient, l’idéal des droits de l’homme doit être promu d’une seule et même voix par nous tous.»

Lin Feifan, un des leaders du Mouvement Tournesol (un mouvement mené par une coalition d’étudiants et de groupes civils du 18 mars au 10 avril dernier, en opposition à l’accord de libre-échange sino-taïwanais), explique pourquoi la jeunesse taïwanaise paraît apathique quand on parle de Tiananmen: «Les Taïwanais ne sont pas apathiques aux commémorations du 4 juin, c’est plutôt qu’ils ne ressentent pas de connexion avec la Chine. Les jeunes en particulier ne se sentent pas concernés, et cela a bien sûr une raison historique.»

Néanmoins, vu le nombre de personnes présentes à la veillée aux chandelles, il est évident que de nombreux Taïwanais ne sont pas indifférents. Au contraire, ils veulent se souvenir des événements de Tiananmen à la fois pour défendre les droits de l’homme en général, mais aussi pour s’assurer que Taïwan garde ses valeurs démocratiques et ne s’engouffre pas sur «le chemin chinois».

Traduit par Chloé Millet.

Version en anglais: Why Do the Taiwanese Need to Remember the Tiananmen Massacre?

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