Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

«Génération sacrifiée»: un mythe moderne?

Le phénomène du déclin du niveau de vie divise sociologues et économistes

Écrit par David Vives, Epoch Times
18.06.2014
| A-/A+
  • Les jeunes trouvent que leur génération est sacrifiée. (Valery Hache/AFP/Getty Images)

Dans une tribune récente parue dans Le Monde, les sociologues Louis Chauvet et Martin Schröder ont affirmé, études à l’appui, qu’«aucun autre pays [que la France] n’était allé aussi loin dans la maltraitance des nouvelles générations». Depuis 1984, en France, par rapport à celui des sexagénaires, le niveau de vie relatif des trentenaires a perdu 17%, explique Louis Chauvet. Selon le sociologue, l’écart du niveau de vie entre générations dessinerait nettement une spécificité bien française en la matière.

Le sentiment de ce déclassement économique se fait sentir dans les sondages auprès de la jeune génération, qui pour une bonne partie d’entre elle, parle de «perdition», ou de «sacrifice», faisant ainsi écho à ces analyses.

Cependant, certains économistes tirent des conclusions différentes que celles de messieurs Chauvet et Schröder. Ces dernières données ne seraient peut-être que la pointe de l’iceberg. Car en France, même si la crise actuelle et l’expérience du chômage – un chômeur sur quatre a moins de 25 ans – accentuent ce sentiment, on parle de «déclin» du niveau de vie depuis 1975.

Le modèle français en cause

D’après les études effectuées sur les statistiques de 17 pays, les différences entre populations sont marquantes. Aux États-Unis, en Allemagne ou au Royaume-Uni, les écarts entre les niveaux de vie des différentes classes d’âges restent minimes. En France, les babyboomers sont fortement avantagés, avec un niveau qui était, en leur temps, de 10% plus élevé que le reste de la population; l’écart d’aujourd’hui, avec ceux que Louis Chauvet nomme «les enfants de la crise», n’en est que plus saisissant.

En cause, le modèle économique français, qui tend à gommer les inégalités entre classes sociales. D’après le sociologue, «ce qui change [par rapport aux autres pays] est la façon dont l’expansion et la crise ont été partagées par classes d’âge». Ainsi, alors qu’il y a trente ans, un bachelier gagnait plus que son père, ce n’est plus aujourd’hui le cas.

Une conclusion partagée par l’économiste Guillaume Allègre, qui affirme qu’aujourd’hui, la société française vieillit, et qu’«on accède plus tardivement au pic salarial: à 55 ans et non plus à 40 ans, comme dans les années 1980». D’après le Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC), si l’on observe effectivement un écart entre les différentes classes d’âge en France, cette tendance ne date pas d’hier.

Jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, chaque nouvelle génération avait un niveau de vie supérieur à la précédente, une tendance qui s’est par la suite inversée. La faiblesse des revenus ne «s’expliquent pas par un écart de niveau de diplôme. [...] Un nombre croissant de diplômés se partagent un nombre stagnant de positions sociales confortables, dont le niveau de rétribution nette décline», observe les sociologues.

Si les chiffres sont les mêmes pour tous, ils ne parlent pas de la même façon à chacun de nous. Pour Guillaume Allègre, le discours décliniste est courant en temps de crise. En 1993, se souvient-il, «l’économiste Christian Saint-Etienne parlait déjà de "génération sacrifiée" à propos des 20-45 ans. Ce sont ceux-là mêmes, aujourd’hui, que l’on traite de privilégiés».

Des jeunesses différentes

Dans une enquête de France Télévision menée sur 210.000 jeunes, le qualificatif apparaissant le plus souvent chez les sondés, quand on leur demandait de qualifier leur génération, était: «sacrifiée». Les résultats des questions laissaient entrevoir une jeunesse en manque de confiance dans son avenir et dans les opportunités qui lui étaient offertes. Ainsi, 33% d’entre eux sont persuadés qu’ils ne connaîtront jamais autre chose que la crise, et 43% estiment que la vie de leur enfant sera encore pire que la leur.

Là encore, le spectre de la génération «désenchantée» ou «désabusée» – expression propre aux années 90, et remontant jusqu’en 1975, soit une génération avant. Comme si, d’une génération à l’autre, un même ressenti tendait à se décliner face à son propre futur et à la société. D’après la sociologue Camille Peugny, ces tendances sont en partie dues au «poids du discours de crise dans lequel nous baignons désormais, et le sentiment d’être pris dans une spirale du déclassement ». Une façon de conjurer le sort? D’autres sociologues, tels que Geoffrey Pleyers, spécialiste des mouvements sociaux, indique que ce sentiment est «plus marqué entre 15 et 20 ans, à un moment où on ne voit pas encore du tout quelle sera notre place dans la société».

Dans les faits, il apparaît également des clivages forts entres individus de la même génération. Les étudiants ou salariés en CDI sont 20% plus optimistes que les inactifs, chômeurs ou intérimaires, pour lesquels il sera plus difficile de se projeter dans l’avenir. Pour Marie-Thérèse Casman, sociologue de la famille à l’université de Liège, «caractériser l’ensemble d’une génération de façon globale pose des problèmes, sans doute, de tout temps, une partie des jeunes peut se révéler désabusée, mais toute une autre partie s’implique dans sa scolarité, puis dans son job et dans sa famille.»

Epoch Times est publié en 21 langues et dans 35 pays.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.