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Entre jazz et flamenco, une histoire d’amour et de génie

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
07.06.2014
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  • Michel Camilo et Tomatito au festival Jazz sous les pommiers. (Michal Bleibtreu Neeman/Epoch Times)

Es la historia de un amor…, c’est l’histoire d’un amour unique comme, comme celui de Romeo et Juliette ou celui de Los Tarantos. Au festival de Jazz sous les pommiers 2014, c’était celui d’une guitare flamenco et d’un piano jazz, la réunion de deux grands talents.

Une histoire d’amour certes, mais cette année, mesdames et messieurs, l’histoire se termine avec un happy end. Les deux amoureux, la guitare et le piano, ont pu vaincre les circonstances. Ils se sont trouvés chacun un musicien de génie, la guitare a déniché Michel Camilo et le piano a mis la main sur José Fernandez Torres alias Tomatito. Les deux instruments ont surmonté tous les obstacles, traversé tous les périples pour faire triompher leur amour – celui de la musique, celui qui fait fondre les différences pour instaurer le règne de l’harmonie. Michel Camilo et Tomatito ont tous deux une carrière brillante chacun dans leur domaine. Michel Camilo est un musicien dont on ne saurait compter les exploits. Il a composé sa première création à l’âge de 5 ans. À l’âge de 16 ans, il intègre l’Orchestre symphonique national de République dominicaine. Puis c’est à New York qu’il se perfectionne à l’école de Julliard pour devenir très vite l’une des figures proéminentes du jazz. Il maîtrise la musique classique, le jazz ainsi que les rythmes caribéens. Il a été primé de nombreuses fois. Entre autres, il a reçu le Grammy, le Latin Grammy et l’Emmy.

De l’autre côté de l’océan, à l’âge de 10 ans, José Fernández Torres, dit Tomatito, a déjà joué dans des tavernes connues. Découvert par Paco de Lucίa, le jeune guitariste a accompagné les plus grands chanteurs de flamenco comme Enrique Morente ou La Susi et bien sûr les 18 dernières années du légendaire Camarón de la Isla. Il enregistrait des albums avec Paco de Lucίa mais grâce à son style unique, il devient rapidement un artiste original. Il a lui aussi reçu le Grammy, le Latin Grammy et un César pour la bande sonore du film Vengo.

Ensemble, Michel Camilo et Tomatito ont enregistré l’album Spain – pour lequel ils ont reçu le Latin Grammy – puis l’album Spain Again.

Les deux génies se sont rencontrés au début des années 90 en répétant avec le groupe Ketama. Il a fallu attendre encore quelques années avant qu’ils ne donnent des concerts ensembles et qu’ils n’enregistrent leurs deux albums. Le troisième est en route.

La rencontre entre Michel Camilo et Tomatito à Coutances était certainement un événement musical extraordinaire. Le rendez-vous de deux instruments, qui au premier abord n’ont rien de commun, joués par deux maestros, deux virtuoses qui ensorcelaient le public. Mais le concert de Michel Camilo et Tomatito à Jazz sous les pommiers était également une leçon passionnante d’entente, d’écoute, de respect mutuel et de confiance, les ingrédients qui mènent vers l’harmonie. La rencontre de Michel Camilo et Tomatito n’est pas seulement une expérience musicale ahurissante de la rencontre de deux genres musicaux caractérisant deux mondes différents, mais le b.a.-ba de toute conversation, de toute relation.


Rencontre avec Michel Camilo et Tomatito

Vous êtes à Coutances au Festival de Jazz sous les pommiers dans le cadre de votre tournée?

Michel Camilo: Oui, nous étions en tournée au mois de mai: au Japon et à Seoul, en Corée. Ici nous concluons la tournée.

Comment vous êtes-vous rencontrés?

Tomatito: J’ai rencontré Michel Camilo il y a 17 ans dans un studio d’enregistrement avec le groupe espagnol Ketama.

Michel Camilo: Je faisais à l’époque de la musique avec ce jeune groupe de flamenco qui mélangeait le flamenco avec de la pop et de la musique latine. Tomatito n’a pas participé à cet album mais venait nous voir. Nous sommes devenus amis. Puis deux ans plus tard, dans un festival de jazz à Barcelone, nous avons joué respectivement nos solos. Puis nous avons fait quelques numéros ensemble. Le public a adoré ! Nous l’avions fait juste pour nous amuser. Après nous avons reçu des invitations à plusieurs festivals puis nous sommes partis en tournée. Deux ans après, nous avons décidé de faire un album.

Comment vous est venue l’idée de jouer avec une guitare flamenco et un piano jazz?

Tomatito: Comme les deux musiques traitent de thèmes semblables, instinctivement j’ai senti qu’on pouvait instaurer un dialogue entre les deux. Il y a aussi l’improvisation qui est la base du flamenco comme celle du jazz.

Michel Camilo: En écoutant Miles Davis dans Sketches of Spain et Chick Corea dans My Spanish heart, puis les expériences de Paco de Lucίa, je savais qu’il y avait cette possibilité. J’ai participé en 1984 à un festival à Madrid et à la fin, nous avons fait une jam session avec un chanteur flamenco. Pour moi, c’était déjà le début.

Vous avez grandi à Almería. Quand avez-vous eu l’occasion de rencontrer d’autres styles de musique?

Tomatito: Je suis né à Almería mais j’ai grandi à Málaga. C’est là où j’ai rencontré Camarón de la Isla quand nous avons travaillé dans un tablao. À l’époque, Camarón et Paco de Lucίa ont révolutionné le flamenco. Ils ont écouté d’autres musiques. C’étaient des novateurs du flamenco et bien sûr nous les avons suivis. Quand j’étais très jeune, j’écoutais déjà Chick Corea, George Benson, Miles Davis, des noms qui se sont intéressés, eux aussi, de leur côté, au flamenco. Mais ce sont Camarón et Paco de Lucίa qui ont frayé ce chemin et notre génération a juste suivi.

Tomatito, vous avez travaillé avec Camarón pendant 18 ans, avec Michel Camilo pendant 17 ans, et vous avez passé encore 18 années avec Paco de Lucίa. Comment expliquez-vous ces longues collaborations?

Tomatito: C’est que je m’entends bien personnellement et musicalement avec eux. Les conflits et les heurts ne m’intéressent pas. Pour moi la musique signifie l’harmonie. Un accord par exemple est agréable à écouter parce que telles et telles notes s’entendent bien ensemble. Un autre sera désagréable et laid, là où les gens se disputent, ça ne m’intéresse pas. La musique est infinie, on peut apprendre l’un de l’autre.

Michel Camilo: Au fil des années, chacun de nous a aussi joué avec d’autres groupes. Nous n’étions pas tout le temps ensemble. Nous avons chacun notre propre groupe et à chaque fois, quand on se rencontre, nous avons de nouvelles idées. Cela nous maintient aussi dans une dynamique de jeunesse. Nous échangeons de nouvelles expériences. Chacun a sa culture, nous faisons des musiques de type différent.

Tomatito: Il y a toujours des surprises.

Michel Camilo: Et aussi, Dieu merci, nous avons toujours la facilité de jouer. Nous nous taquinons parfois en disant: «ça y est, t’es devenu vieux».

Paco de Lucίa racontait qu’il est devenu guitariste grâce à son père qui l’obligeait à s’entraîner pendant des heures. Y-a-t-il aussi des détails ou des événements dans votre enfance qui vous ont influencé?

Tomatito: Mon père ne m’a pas obligé à jouer. J’ai aimé la guitare et à 12 ans, je ne voulais plus aller à l’école. Je voulais seulement jouer de la guitare et j’ai arrêté l’école. Je crois que c’était un peu dur pour mon père mais finalement il a dit: «Bon, si tu veux jouer de la guitare, d’accord mais au moins sois l’un des meilleurs, ne sois pas le meilleur parmi les mauvais mais un des meilleurs. Et je l’ai intégré (rire). Il ne m’a jamais dit sois le premier mais parmi les meilleurs.»

Michel Camilo: Pour moi, c’était l’inverse. Tout le monde chez moi faisait de la musique mais comme loisirs. On faisait la fête et de la musique, mais il fallait devenir médecin, avocat ou ingénieur. Effectivement, j’ai fait des études de médecine. Pendant trois ans, j’ai suivi ce cursus tout en allant au conservatoire. Quand j’ai décidé d’arrêter les études, c’était un grand traumatisme pour ma famille. À 16 ans, je suis devenu membre de l’Orchestre Symphonique National. Quelqu’un m’a invité à New York puis tout s’est enchaîné.

Le jazz et le flamenco sont basés sur l’improvisation. Comment fait-on un album?

Nous laissons la place pour l’improvisation aussi dans l’album. Nous faisons deux ou trois improvisations, puis nous choisissons avant de décider. Mais c’est le défi de ce projet. Pendant longtemps, dans le passé, le piano et la guitare étaient considérés comme des instruments incompatibles pour ne pas heurter l’harmonie. C’était un vrai tabou de mélanger ces deux instruments. Le piano est un instrument puissant donc c’était un défi de les jouer ensemble sans aucun autre accompagnement, ni percussions ni palmas. Il fallait donc avoir confiance l’un dans le rythme de l’autre. C’est beaucoup basé sur la confiance.

Pouvons-nous espérer un prochain album?

Michel Camilo : Oui, l’album s’appellera Spain for ever, ce sera une anthologie. Nous avons produit Spain, Spain again et maintenant Spain for ever. Nous avons déjà une grande partie du répertoire. Pour enregistrer Spain, nous avons travaillé deux ans avant d’enregistrer. De cette façon, au moment d’enregistrer, c’est très fluide et facile. L’album sortira au printemps prochain.

Propos recueillis par MBN


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