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Soif de vérité 25 ans après le massacre de Tiananmen

Les survivants se souviennent tandis que le Parti communiste impose l’amnésie

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
08.06.2014
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  • Des milliers de personnes se sont rassemblés au parc Victoria à Hong Kong, le 4 juin 2014, pour commémorer le 25e anniversaire du massacre de la place Tiananmen. (Jessica Hromas/Getty Images)

Pour ceux qui connaissent la fameuse photo de l’homme qui stoppait les chars d’assaut, le symbolisme est clair : celui de l’individu courageux qui se dresse devant l’État répressif.

Cependant, pour Fang Zheng, qui était étudiant chinois à l’époque et qui est maintenant en fauteuil roulant, la photo elle-même a été pour lui un outil de répression.

«J’ai souvent été confronté avec cette photo de l’homme et des chars», alors qu’il récupérait sur son lit d’hôpital, peu après le massacre du 4 juin 1989, après qu’un char d’assaut qui roulait à vive allure sur l’avenue de la Paix éternelle (Chang'an) eut écrasé ses jambes.

Fang Zheng est l’un des nombreux étudiants ayant dénoncé la corruption du régime et ayant demandé plus de démocratie et de libertés. Des centaines de milliers de jeunes étudiants idéalistes comme lui avaient occupé la place Tiananmen, au cœur de Pékin, depuis le mois d’avril. Probablement 3000 d’entre eux, selon la plus récente recherche, ont été abattus le 4 juin 1989, il y a maintenant 25 ans.

«Ils m’ont mis beaucoup de pression. Les autorités me disaient, photo en main : “Regarde ça. Le char ne l’a pas écrasé. Si tu t’es fait écraser, c’est parce que tu devais être violent.”»

Il s’agissait de mensonges et les tentatives des autorités de les enfoncer dans la tête de M. Fang l’ont traumatisé. Le matin du 4 juin, M. Fang était en fait retourné pour secourir une étudiante qui s’était évanouie en raison des armes chimiques utilisées par l’armée. La majorité des coups de feu était passée, lui et d’autres personnes ont tenté de regagner leurs domiciles. Il s’est dépêché de la ramasser et de la mettre hors de danger du char, mais ce dernier est alors passé sur ses jambes.

«La première chose qu’ils ont voulu que j’oublie est la vérité, que je déforme les faits. C’était une lutte constante. Ils voulaient que j’étouffe ce qui venait de se produire.»

M. Fang est un athlète qui n’a pas reçu l’autorisation de participer aux Jeux paralympiques en Chine, puisqu’il n’était pas prêt à mentir sur la manière dont il était devenu handicapé. Il a été placé en détention à domicile, isolé et victime de discrimination dans son lieu de travail. S’il avait simplement menti pour le compte du régime, il aurait eu la vie plus facile. «Cela a duré pendant 20 ans, une lutte avec les autorités au sujet de la vérité.»

  • Les jambes de Fang Zheng ont été écrasées par un char d'assaut le 4 juin 1989 près de la place Tiananmen de Pékin. (Matthew Robertson/Époque Times)

Les exilés de Tiananmen s’expriment

Fang Zheng a relaté son expérience à l’Université Harvard en avril dernier, lors d’une discussion organisée par une autre survivante du mouvement de 1989, bien qu’elle n’ait jamais réussi à se rendre à Pékin.

Rowena He était une adolescente à Guangdong en 1989. Elle et d’autres préoccupés par les événements à Pékin s’étaient rassemblés durant la nuit, sans savoir à quel point cela était dangereux.

Neuf ans plus tard, elle a quitté la Chine pour le Canada, avant d’aller à l’Université Harvard où elle enseigne un cours sur les manifestations de 1989 et leur violente répression.

Son nouveau livre, Tiananmen Exiles, est un recueil d’expériences de certaines personnes clés du mouvement étudiant ainsi que de sa propre histoire.

La partie centrale du livre est composée d’entretiens profonds avec Wang Dan, Shen Tong et Yi Danxuan, tous des leaders étudiants. Elle relate leurs luttes personnelles à travers la violence politique qui a refaçonné leurs vies. Le mouvement de Tiananmen a été l’événement formateur dans la vie de tous ces gens, dont Mme He.

Le livre aborde également les répercussions de la répression sur les familles. Par exemple, le cas de Cheng Renxing, un diplômé de 25 ans qui a été tué par balles alors qu’il tentait de quitter la place le 4 juin. Son père, un fermier de la province du Hubei, a été anéanti émotionnellement et est décédé six ans plus tard.

«La mère de Cheng a tenté de se pendre à la maison, écrit Mme He, mais elle a été sauvée par son petit-fils de dix ans, qui a utilisé son petit corps pour soutenir le poids de sa grand-mère pendant une heure jusqu’à ce que des adultes arrivent sur les lieux.»

Mme He explique précisément, en fait, comment le Parti communiste a cherché à détruire les liens familiaux, tentant de s’infiltrer entre père et fils pour augmenter son contrôle politique et idéologique. Pour les Chinois perçus comme une menace, le Parti a toujours cherché à contrôler les esprits en isolant et neutralisant les signaux de ses sujets, pour les remplacer par une loyauté et une obéissance inconditionnelles.

Shen Tong explique comment son père, un fonctionnaire du gouvernement municipal de Pékin, a été exhorté d’espionner son fils. Dans ce qui fut clairement un échange douloureux, son père a dit à sa mère : «J’ai toujours fait ce que le Parti m’a demandé, mais jamais je vais trahir mon fils.»

  • Un étudiant chinois demande aux soldats de rentrer chez eux le 3 juin 1989 à Pékin. (Catherine Henriette/AFP/Getty Images)

Amnésie forcée

L’esprit humain, la soif de vérité et la résistance aux pires instincts du régime sont toujours vivants, malgré tous les efforts du Parti communiste chinois. Un autre livre, The People’s Republic of Amnesia, écrit par Louisa Lim, une ex-correspondante de NPR, aborde précisément ce phénomène.

Mme Lim a voyagé dans toute la Chine, Taïwan et Hong Kong pour recueillir des témoignages révélateurs au sujet des gens ayant participé au mouvement et ayant été affectés par le massacre. Le thème général aborde comment le Parti a effacé l’histoire véritable et imposé l’amnésie à la population. Les mêmes méthodes de pression sociale et de contrôle discutées par Mme He ressurgissent ici. Il s’agit du mode opératoire du Parti communiste et il y a une quantité limitée de personnes courageuses prêtes à s’accrocher à leurs idéaux et à lutter contre l’oubli.

Dès le début du livre, Mme Lim présente par le témoignage de Chen Guang, un des soldats venus de la campagne, comment la place a été «nettoyée». Son unité a été placée dans la capitale en tenue civile. Ils ont ensuite transporté les mitrailleuses et les munitions dans le Palais de l’Assemblée du peuple avant d’enfiler leurs uniformes militaires et d’abattre les étudiants sur la place.

M. Chen affirme qu’il ne tenait qu’une caméra, pas un fusil. Lui et ses camarades «ne savaient pas que plusieurs milliers de travailleurs, même des ministères gouvernementaux, s’étaient joints au mouvement», écrit Mme Lim. «Ils ne savaient pas qu’il y avait désaccord dans les plus hautes sphères du gouvernement sur la manière de réagir aux manifestations […] Ils ne savaient pas non plus qu’eux-mêmes allaient devenir les pions d’une lutte politique aux plus hauts enjeux.»

Mme Lim raconte aussi comment un militaire de haut rang aurait refusé de participer à la répression, et fait état des peurs qu’une mutinerie éclate parmi les soldats.

Le dernier chapitre du livre raconte un autre massacre qui est survenu en Chine le 4 juin, dans la ville de Chengdu au sud-ouest. Là, comme à Pékin, des soldats ont ouvert le feu sur des manifestants non armés qui avaient occupé le centre-ville. L’histoire de ce massacre, et le peu qu’on en sait même aujourd’hui, démontre l’efficacité avec laquelle le Parti communiste chinois réussit à réprimer et à effacer les traces de ses crimes mais, de toute évidence, cette stratégie peut fonctionner seulement jusqu’à un certain point.

Version originale : Yearning for Truth 25 Years After Tiananmen Massacre

 

 

 

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