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Interview de Camille Courcy: «Il n’y a jamais d’obstacles, que des chemins»

Écrit par Caroline Chauvet, Epoch Times
16.07.2014
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  • Camille Courcy sur le terrain à Alep en Syrie. (Zakaria Alkafe)

Pour exercer leur métier, de nombreux journalistes mettent leur vie en danger. C’est le cas de Camille Courcy qui enchaîne les reportages dans des zones à risque. Après plusieurs mois en Syrie, la jeune journaliste s’est aussi rendue en Centrafrique et a réalisé un reportage sur les migrants clandestins en Méditerranée.

Passionnée par son métier, Camille Courcy croit sincèrement à la nécessité d’une information libre. Malgré les dangers ou les frilosités des rédactions à envoyer des journalistes sur le terrain, elle veut témoigner. À cette occasion, nous l’avons rencontrée, avec une pensée pour les journalistes d’Epoch Times en Chine qui nous font parvenir des articles non censurés sur l’actualité au péril de leur vie.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées lors de vos reportages, notamment en Syrie?

Avant de me rendre en Syrie, j’ai envoyé des millions de mails à diverses rédactions, sans réponses. J’avais très envie d’aller dans ce pays, tout simplement pour comprendre et raconter ce qui s’y passait. Début 2013, il était déjà devenu très dangereux d’exercer la profession de journaliste là-bas: trop de morts, et aussi des kidnappings.

Gilles Jacquier, grand reporter pour l’émission «Envoyé Spécial», était décédé en janvier 2012 en Syrie. Les rédactions n’avaient plus trop envie d’envoyer des journalistes dans ce pays ou de soutenir des freelances. C’est presque rassurant que les rédactions soient frileuses, qu’elles ne nous considèrent pas comme de la chair à canon.

J’étais pourtant décidée à partir. La veille de mon départ en Syrie, Tony Comiti Productions m’appelle en me disant: «quand tu rentreras, tu nous donneras des images». Ce n’est qu’une fois sur place que j’ai pu travailler pour l’AFP et Arte Journal. France 5 m’a même envoyée à nouveau en Syrie pour réaliser un long documentaire («Syrie, Alep: Vivre avec la guerre», 52 minutes).

Vous n’aviez donc aucun soutien financier ou aucune assurance?

J’ai dû tout payer par moi-même et je suis en effet partie sans assurance. J’avais 1.000 euros en poche – autant dire: rien! En Syrie, il faut environ 100 dollars par jour pour payer un traducteur et un «fixeur» (un guide dans une zone à risques, ndlr). Moi, je n’avais que mon grand sourire pour arme! Heureusement, cela a fonctionné. Les traducteurs et les fixeurs m’accordaient un peu de temps quand ils en avaient. Je ne possédais pas non plus de caméra, seulement mon 450 B Canon, qui peut aussi filmer. J’ai réalisé une partie de mes reportages en Syrie avec cet appareil photo.

Vous êtes allée en Syrie, mais aussi en Centrafrique. Comment s’effectue le journalisme local dans ces pays?

En Syrie, il s’agit plutôt d’activistes. Il y a un vrai besoin de journalistes pour faire de l’information.

J’ai vu que les gens étaient heureux que je vienne témoigner de leur sort. Mais j’ai également ressenti leur lassitude. Malgré les reportages, leur situation n’a pas changé.

En Centrafrique, les gens sont moins éduqués. Beaucoup n’ont pas accès au journalisme. À l’époque où j’y étais, la télévision avait même été fermée par les rebelles. Devenir journaliste est plutôt un poste de prestige, très lié au pouvoir en place. Faire de la véritable information est presque impossible pour des journalistes locaux en Centrafrique.

Avez-vous déjà été confrontée à la censure?

En France, je n’ai jamais connu la censure en travaillant sur des sujets internationaux. On m’a souvent dit de faire attention pour ma sécurité et ma vie, mais je n’ai jamais eu de restriction sur ma liberté d’expression. Selon moi, la censure en France touche plus les journalistes qui traitent de la politique nationale.

Après, on parle souvent de l’autocensure. Moi, je fais simplement attention à ne pas attiser les haines. Dès lors, je me rappelle toujours d’un vieux journaliste congolais quand j’étais en stage dans un journal de Brazzaville. Une fois, il m’a dit: «Pendant la guerre au Congo, j’étais journaliste pour RFI. Un jour, je n’ai pas sorti une information. Pourquoi? J’avais remarqué qu’à chaque fois que je disais qu’un groupe avait fait un massacre chez un autre, s’ensuivaient des représailles». Oui, je m’autocensure si je mets en danger des vies ou si je mets des personnes en grande difficulté.

De même, il faut mesurer l’impact de certaines informations qui peuvent attiser les haines. Je pense à un exemple très concert: en France, j’essaye toujours de prendre des précautions à chaque fois que l’on parle des musulmans, pour ne pas favoriser l’islamophobie.

Enfin, on est obligatoirement «censuré» par sa propre culture et son éducation. Ce n’est pas vraiment de la «censure», mais notre expérience façonne toujours la façon dont on voit les choses.

Il est insensé de prétendre à l’objectivité journalistique.

Pourquoi ne croyez-vous pas en l’objectivité journalistique?

Un journaliste reste un humain et son regard transparaît plus ou moins dans son reportage. Le choix d’un reportage est déjà un choix subjectif. Après, l’objectivité n’annihile pas la neutralité du journaliste: on essaye d’être neutre en ayant les deux versions des faits, par des camps opposés.

Moi j’ai horreur du journalisme embedded (ou «journalisme embarqué»: un reporter est pris en charge par une unité militaire dans une zone à risques, ndlr). L’armée te montre ce qu’elle veut. Mais être embedded est un choix que je comprends. Si un journaliste possède de très bonnes relations avec les militaires, il peut aussi en tirer des informations très intéressantes.

Votre envie de partager l’information semble plus forte que tout, malgré les risques?

Comme on dit souvent: journaliste n’est pas un métier, c’est une vie. Pour moi, il n’y a pas de frontière entre la vie professionnelle et la vie privée. C’est ma façon de travailler. Je pense que c’est une profession que l’on fait avec ses tripes. Il faut avoir beaucoup de convictions. On peut sortir de n’importe où, on peut devenir journaliste, du moment que l’on est persuadé que l’on doit informer les gens de ce qui se passe.

Moi-même, je n’avais pas le droit, normalement, d’être en école de journalisme. Il fallait un bac général et  je n’avais qu’un bac professionnel. Toutes les écoles de journalisme m’avaient refusée, sauf celle de Cannes. Au départ, je n’avais aucune culture générale, mais je me suis rattrapée. J’étais nulle, me disait-on. J’ai même dû redoubler.

Je pourrais dire que, si on a un rêve, il n’y a jamais d’obstacles, que des chemins.

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