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Dans son conflit avec la Russie, l'Ukraine tentée par une censure d'Internet à la mode du Kremlin

Écrit par Global Voices
21.08.2014
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  • Une nouvelle loi ukrainienne permettrait au pouvoir de fermer les médias et bloquer les sites internet sans intervention d'un juge. (© Photomontage Tetyana Lokot)

Un récent projet de loi en Ukraine menace de donner compétence à l'exécutif pour fermer des organes de presse et bloquer des sites internet au nom de la sécurité nationale. Le texte, voté en première lecture par le parlement le 13 août, a hérissé les journalistes et personnalités de la société civile d'Ukraine, ainsi que de la communauté internationale. L'indignation a pris tant d'ampleur que le lendemain, les députés sont tombés d'accord de retirer ou adoucir la plupart des dispositions de censure, tout en proposant d'en déplacer certaines vers les lois sur les médias existantes pour créer une certaine dose de contrôle sur les organes de presse contestataires.

On parle largement de l'action constante de la Russie pour restreindre la liberté des médias et introduire des contrôles extensifs sur l'Internet, mais l'Ukraine a tout l'air de vouloir suivre la tendance. Le pouvoir ukrainien, qui subit la domination russe sur le paysage médiatique dans l'est du pays, projetait d'utiliser la nouvelle loi “Sur les Sanctions” pour réprimer les feuilles et sites d'information sans foi ni loi supposés saper les actions de défense nationale.

La loi (dans son texte initial) donnait au président et au Conseil de défense et de sécurité nationale des pouvoirs exceptionnels pour protéger les intérêts et la sécurité de l'Ukraine. Aux termes de la loi, les autorités seraient habilitées à bloquer ou fermer toute télévision ou radio, ou site web, sans ordre de justice. Tout type de média ou d'activité professionnelle, y compris l'activité Internet, serait susceptible de restrictions ou d'interruption. La loi permettrait à l'Etat de sanctionner autant les organisations que les individus, nationaux ou étrangers.

Les organismes internationaux de défense de la liberté de presse ont qualifié le projet de loi de “draconien” et de “revers majeur pour la liberté d'information en Ukraine”, et les militants locaux des médias se sont fait l'écho de ces critiques. Les syndicats ukrainiens de journalistes ont condamné le projet, accusant le gouvernement d'exploiter les inquiétudes sur la sécurité nationale pour introduire la censure. Oksana Romanyuk, directrice de l'Institut de l'Information de masse, a défendu que la loi était bien intentionnée, mais pouvait avoir des conséquences dangereuses: «Le Parlement vient de voter en première lecture le projet de loi franchement inachevé 4453a—au sujet des sanctions. L'objectif paraît noble, il aurait fallu le faire plus tôt, pas vrai? MAIS, en se cachant derrière cet objectif, on nous impose une dictature à la Ianoukovitch—selon cette loi, le président ou le CDSN peuvent simplement décider de limiter l'activité de tout média en Ukraine. Juste comme ça, sans ordre de justice, sans limite définie ni catégories claires.»

D'autres se sont plaints que les sanctions, ostensiblement destinées à faire taire les voix hostiles situées hors d'Ukraine, serviront plutôt à restreindre les droits et libertés des citoyens ukrainiens. Viktoria Sioumar, ancienne secrétaire adjointe du Conseil de sécurité et de défense nationale, a écrit que la loi accorde des pouvoirs excessifs et rendrait l'Ukraine semblable à la Russie: «Cela entraînera, hélas, de mauvaises conséquences. Si on accepte la formule que l'on peut couper quiconque ose critiquer le pouvoir, désolée, mais ça nous conduira en Russie.»

Mme Sioumar a concédé que les responsables n'appliqueraient probablement pas la loi dans toute sa rigueur, si elle venait à être finalement adoptée. Les autorités imposeraient les nouvelles régulations de façon sélective, en affichant des cas ciblés afin d'effrayer le public plus vaste: « Adopter une telle norme ne signifie pas nécessairement qu'elle sera utilisée, mais est effectivement un signal appuyé aux propriétaires de mass médias sur ce qui pourrait leur arriver s'ils choisissent de ne pas soutenir l'Etat dans une période difficile pour le pays.»

L'Ukraine est engagée, le mot est faible, dans la guerre de l'information contre la Russie, ce qui laisse peu de doutes sur la motivation de Kiev pour resserrer le contrôle sur les organes de presse et les leaders d'opinion. Est-ce pour autant une excuse à la décision apparente de reproduire la répression russe contre l'Internet et la liberté de l'information? Mettre sur liste noire des sites web de médias, bloquer les blogueurs critiques et les comptes de lanceurs d'alerte au motif d’ “extrémisme,” et supprimer des programmes télévisés politiques, tout cela n'est pas nouveau en Russie. Bientôt le tour de l'Ukraine?.

L'Ukraine, pour sa part, se targue d'une société civile bien plus vivante qu'en Russie, avec beaucoup de militants toujours à cran après la contestation de d'Euromaïdan et la lenteur des enquêtes anti-corruption qui ont suivi.

Le nouveau projet de loi ukrainien a ravivé les souvenirs de la peu judicieuse loi anti-manifestations adoptée en janvier 2014 par Ianoukovitch et son parlement, qui imitait elle aussi les restrictions et régulations juridiques étouffantes conçues en Russie. Les autorités ont retiré la loi anti-manifestations moins de deux semaines après l'avoir fait voter, mais les dégâts politiques pour le régime Ianoukovitch se sont avérés irrémédiables.

A l'évidence pour répondre sans attendre à l'indignation des médias et de la société civile, le député à la Rada Mykola Tomenko, président de la commission parlementaire de la liberté d'expression, s'est empressé de déclarer le 14 août à la presse que ses collègues et lui travaillaient à exclure du projet de loi les normes de censure des médias. Reconnaissant leur caractère anti-démocratique, la commission a proposé à la place de modifier la législation existante sur les médias pour permettre de sanctionner les rédactions qui propagent le séparatisme et le terrorisme.

L'amendement de ces lois simplifierait toujours les interdictions ou limitations d'activité des médias. Pour les chaînes de télévision, le Conseil national de défense et de sécurité nationale examinerait le cas pendant trois jours, puis bloquerait le diffuseur provisoirement pendant que la transmission à la justice. Le tribunal aurait ensuite aussi trois jours pour prendre sa décision sur l'interdiction finale. Pour la presse, une procédure similaire s'appliquerait, mais c'est la Commission d'Etat de la radio-télévision ou le Ministère de la Justice qui assigneraient les contrevenants devant la justice.

Dans la journée du 14 août, le parlement ukrainien a voté une loi de sécurité nationale aux dents quelque peu limées. Toutefois, si ces amendements ont l'air d'améliorations, les éléments légèrement moins offensants ont été intégrés à d'autres textes, et visent toujours à faciliter la fermeture des organes de médias aux contenus dérangeants.

Les turbulences en Ukraine et le large scepticisme des Ukrainiens sur la capacité du nouveau gouvernement à mettre en oeuvre ses promesses de transparence et de démocratie font que le pouvoir sera de plus en plus scruté à chaque tentative d'imposer des régulations restrictives aux médias et à l'Internet. Les autorités de Kiev sont prises entre le marteau des exigences occidentales de plus grande liberté de l'information, et l'enclume de l'assaut russe dans l'est et sur les ondes.

Source: Global Voices

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d' Epoch Times.

 

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