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Courir avec son esprit critique

Heurt des opinions concernant les chaussures de course

Écrit par Mathieu Côté-Desjardins, Epoch Times
04.08.2014
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  • Président fondateur de La Clinique du Coureur et copropriétaire des cliniques de physiothérapie et de médecine du sport PCN, Blaise Dubois se pose la question : «Grosses chaussures de course ou chaussures minimalistes?» (Gracieuseté de Blaise Dubois)

Il y a quelques jours, on apprenait par une étude publiée par le Journal of the American College of Cardiology que cinq à dix minutes de course à pied chaque jour serait raisonnable pour faire baisser le risque de maladies cardiovasculaires. Cette étude n’indique pas de quelle manière courir. L’idée que la course à pied s’arrête à une paire de chaussures et que l’on sorte de la maison pour s’y adonner saurait opter pour la voie simpliste qui comporte étonnamment ses risques et périls. Courir de manière simple et plaisante compte quelques détours nécessaires.

Perpétuellement stupéfait que bien des acteurs importants autour de la course à pied ignorent volontairement les avancées scientifiques qui sont censées être au service des coureurs, Blaise Dubois, physiothérapeute de formation, continue sa croisade pour faire valoir les droits et des options véritablement adaptées aux coureurs, lui et des dizaines et dizaines de partenaires au Québec et de par le monde, grâce au mouvement créé par La Clinique du Coureur, dont il est président fondateur. M. Dubois est aussi copropriétaire des cliniques de physiothérapie et de médecine du sport PCN et a été consultant pour Athlétisme Canada.

La Clinique du Coureur est principalement un organisme de formation continue pour les professionnels de la santé à travers le Québec, en plus de fournir des enseignements donnés partout dans le monde. Elle est devenu une référence pour les professionnels de la santé quant aux données scientifiques dans la prévention des blessures en course à pied. Difficile de trouver ce genre de regroupement qui offre des cours qui s’appuient rigoureusement sur les données probantes, c’est-à-dire ce que l’on sait en ce moment avec la science sur la course à pied, ainsi que les meilleures pratiques médicales sur le sujet. L’organisme international compte également un volet plus populaire : des conférences grand public sont proposées. On retrouve sur le site un registre de boutiques qui basent leurs recommandations sur les données probantes. Un sceau de compétence orne les cliniques spécialisées reconnues par la Clinique.

Plus de blessures que jamais?

«Une chose est sûre, l’incidence des blessures n’a pas été réduite et a même augmenté avec les années. Il est encore difficile de savoir quels sont les facteurs qui influencent la création de blessures. Il y a certes une évolution dans la science, on est de plus en plus rigoureux scientifiquement, à savoir quoi faire pour moins se blesser, mais l’application clinique et sociale demeure relativement laborieuse. Par exemple, on a des données qui commencent à nous orienter sur quel type de chaussures il faudrait prescrire aux patients dans une boutique spécialisée. La reconnaissance et la mise en pratique de ces données scientifiques se font très frileusement. Le respect pour les données probantes est peu présent», insiste M. Dubois.

«Environ 97 % du marché, il y a trois ou quatre ans de ça, était occupé par la vente de “grosses chaussures” absorbantes, “coussinées”, arborant des technologies de toutes sortes. On sait que ces chaussures-là ne préviennent pas les blessures, mais les augmentent. Il y a eu la mode des chaussures minimalistes [amènent des comportements biomécaniques comparables au pied nu] qui a, un peu, bouleversé les pourcentages. Le minimaliste, qui représentait 3 % des ventes, représente maintenant 15 % des ventes. Il y a eu un gros boum. On sait actuellement que si on veut prévenir les blessures, l’idéal serait pour le débutant de commencer la course à pied avec une chaussure minimaliste», assure le physiothérapeute chevronné.

«Pourtant, les détaillants continuent à vendre davantage des grosses chaussures parce que leur modèle d’affaires tourne autour de la chaussure et la marge de profit est plus importante. L’influence commerciale des fabricants de chaussures est très lourde et continue d’orienter le coureur vers d’éventuelles blessures. La science a évolué, mais la science n’a pas été mise en application. C’est relativement lent à changer», se désole Blaise Dubois.

Du côté de La Clinique du Coureur, on a formé plus de 2000 professionnels de la santé. On augmente leur compétence clinique quant à la prévention des blessures et au traitement des blessures venant de la course à pied. Dans des cours de deux jours qui sont offerts, cette personne va apprendre une tonne de concepts qu’elle va pouvoir enseigner à ses patients», raconte l’ancien consultant pour Athlétisme Canada.

  • Blaise Dubois, diplômé en physiothérapie du sport, anciennement consultant pour Athlétisme Canada, est en traitement sur une piste de course. (Gracieuseté de Blaise Dubois)

«Personnellement, je suis assez confiant dans ma pratique. J’arrive à mieux prévenir les blessures, plus que j’arrivais à le faire dans le passé en prescrivant des “grosses chaussures”. J’ai prescrit des grosses chaussures et j’ai aussi été influencé commercialement. Avant que la science soit rigoureuse, on pensait qu’il fallait mettre l’accent sur l’absorption dans les chaussures. Cela réduirait l’incidence de blessures. On constate le contraire actuellement. Comme clinicien, je pense m’être amélioré, comme plus de 2000 cliniciens, professionnels de la santé, qui suivent nos formations et qui deviennent plus performants dans leur travail. Malheureusement, trop de professionnels gardent leurs anciennes habitudes. Pour ma part, je vois entre 200 et 300 coureurs par année. Une boutique populaire peut chausser autour de 10 000 clients par année. De là est apparue l’idée du registre des boutiques basé sur les données probantes sur notre site», dit M. Dubois.

«Pour la prescription des chaussures par les compagnies, il y a sept règles pour faire partie de notre organisme. Si les boutiques respectent ça, on les place sur le site, on fait de la promo pour eux, nous avons une liste d’envoi de 20 000 personnes, on fait de l’orientation positive pour ces professionnels, même si ce n’est pas ce qui est le plus payant pour eux. La Clinique du Coureur récompense l’ouverture à la rigueur scientifique. Le plus absurde, ce sont ces boutiques qui refusent d’adhérer à nos principes et qui nous reprochent cette rigueur ou encore d’être trop minimalistes. Bien des boutiques font des choses aberrantes, elles ne veulent que vendre beaucoup et faire du profit», poursuit M. Dubois.

Quelques règles à respecter

«On s’entend tous, même ceux qui sont “promaximalistes” pour dire que le fitting est la chose la plus importante dans une chaussure. Il faut que la chaussure soit faite pour la forme du pied, il ne faut pas qu’elle déforme le pied, qu’elle soit trop étroite ou trop courte», suggère Blaise Dubois.

«Deuxième chose, on sait maintenant que le débutant devrait commencer en chaussure minimaliste. Il y a des preuves que si on est habitué au minimaliste, on se blesse moins comparativement à ceux qui sont habitués au maximaliste. Si vous êtes habitué de courir avec de grosses chaussures et que vous ne voulez pas améliorer vos performances, je recommande de garder vos grosses chaussures. On fait la différence avec “je change parce que c’est la mode” ou “je change parce que je veux améliorer mes performances”. Vous avez tout l’intérêt du monde à avoir une chaussure plus légère. Elle aura une influence phénoménale sur vos performances», soutient le président fondateur de La Clinique du Coureur.

«Ne pas se fier au poids de l’individu pour prescrire des chaussures : ce n’est pas parce que vous êtes lourd, pesant, que vous avez besoin d’une grosse chaussure. C’est pourtant ce qui arrive trop souvent. Vous entrez dans une boutique, vous avez un poids considérable, on va vous recommander une grosse chaussure absorbante, par exemple si vous faites plus de 77 kilos. Toutes les preuves indirectes montrent que ce serait le contraire. Plus tu es pesant, plus tu dois avoir des bons comportements de modération d’impact, autrement dit être plus proche du sol, avoir le moins d’épaisseur de chaussure possible. Cette mécanique sera protectrice pour ses genoux, parce qu’une personne plus lourde est susceptible d’avoir des problèmes de genoux», précise Blaise Dubois.

«Une autre règle est de ne pas prescrire une paire de chaussures selon la forme du pied, chose que font toujours les boutiques les plus populaires à Montréal. Dans la majorité des boutiques partout dans le monde, on procède de cette façon. Cette technique initialement appuyée par les scientifiques a été invalidée par la suite. Elle irait jusqu’à augmenter les blessures. C’est pourtant un concept très simple à retirer chez le détaillant. Le problème est que le modèle d’affaires a été basé là-dessus. On va jusqu’à utiliser une machine, un miroir ou encore une plaque de force qui mesure le pied. Il y a un consensus entre les gros magazines de course, les boutiques et les compagnies, même si c’est faux pour ce qui est de la recherche», dénonce-t-il.

«Parmi les sept règles se retrouve celle qui stipule que les enfants devraient être en ultra minimaliste. Les enfants dans leur développement devraient être le plus longtemps possible pied nu et leurs chaussures devraient être “ultraminimalistes”. Sur les données probantes, on ne peut pas avoir des grosses chaussures. Il faut arriver à changer les conseillers dans les boutiques», tranche M. Dubois.

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.