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Afghanistan: pourquoi les jours à venir sont-ils décisifs?

Écrit par Karim Pakzad, Chercheur à l’Institut des relations internationales et stratégiques Affaires-stratégiques.info
01.09.2014
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  • Le candidat à la présidence de l’Afghanistan Abdullah Abdullah (à droite) s’est retiré du processus électoral. (Shah Marai/AFP/Getty Images)

Comment comprendre la décision du candidat à la présidentielle, Dr Abdullah Abdullah, de se retirer du processus électoral à une semaine seulement de la fin de mandat du président Karzaï?

D’après ses déclarations et celles de son entourage, la décision d’Abdullah Abdullah de se retirer du processus électoral réside dans le fait que l’audit portant sur le recomptage des voix du second tour de l’élection présidentielle n’a pas été à la hauteur de ses attentes.

Rappelons-nous qu’avant même que les chiffres du second tour de l’élection présidentielle ne soient publiés, et qui ne sont toujours pas connus, il est apparu que la Commission indépendante électorale était prête à annoncer la victoire de son rival Ashraf Ghani. C’est pourquoi Abdullah Abdullah avait immédiatement annoncé qu’il rejetait ces résultats et demandait le recomptage des voix, estimant que les partisans de son adversaire avaient bourré les urnes dans les bureaux de vote qui leur étaient favorables.

Abdullah Abdullah, et bon nombre d’observateurs, pensait, en effet, qu’il allait largement remporter ce second tour, et ce, pour plusieurs raisons : il avait failli être élu dès le premier tour (organisé le 5 avril), étant arrivé largement en tête avec 45 % des voix et plus de 14 points d’avance sur Ashraf Ghani qui s’était classé second avec 31,6 % des voix, les autres candidats du premier tour lui avaient également apporté leur soutien. On tenait ainsi pour acquise une victoire d’Abdullah Abdullah avec plus de 65 % des voix lors du second tour (organisé le 14 juin). Or tout le monde a été surpris lorsque des informations en provenance de la Commission ont laissé penser qu’Ashraf Ghani pourrait être le vainqueur de l’élection présidentielle.

Début juillet, avant même l’annonce des résultats, Abdullah Abdullah avait annoncé que si son rival était proclamé président, lui et ses partisans n’hésiteraient pas à mettre en place un gouvernement parallèle, ce qui provoqua une crise politique majeure en Afghanistan avec en arrière-plan la possibilité d’une guerre civile. Cette crise mettait en danger l’ensemble du processus de transition démocratique ainsi que le retrait des troupes américaines (qui devait intervenir d’ici la fin de cette année) et la signature d’un accord de sécurité entre l’Afghanistan et les États-Unis permettant le maintien d’une présence militaire américaine au-delà de 2014.

Devant la conjonction de tous ces éléments extrêmement déstabilisateurs, les États-Unis ont été contraints d’intervenir par deux fois pour stabiliser la situation (voyages du 11 au 12 juillet et du 7 au 9 août de John Kerry à Kaboul). John Kerry avait alors réussi à obtenir in extremis un accord entre les deux candidats pour qu’un audit complet des votes soit réalisé, qu’un gouvernement d’union nationale soit formé et que le candidat arrivé en deuxième position ne rentre pas dans l’opposition, mais soit au contraire nommé chef de l’exécutif – poste qui n’est initialement pas prévu par la Constitution afghane – et que d’ici deux ans la Constitution soit modifiée pour que le «chef de l’exécutif» devienne premier ministre.

C’était l’accord sur le papier, mais Abdullah Abdullah a aujourd’hui le sentiment que cet accord n’a pas été respecté et qu’Ashraf Ghani sera immanquablement proclamé président de la République par la Commission électorale. Également, assuré de se voir proclamé vainqueur du scrutin, Ashraf Ghani semble refuser de reconnaître au «chef de l’exécutif» un pouvoir réel. C’est pour toutes ces raisons que Dr Abdullah a annoncé le mercredi 27 août qu’il se retirait du processus électoral.

Dans ces conditions, un gouvernement d’union nationale peut-il se mettre en place?

L’annonce d’Abdullah Abdullah de se retirer du processus électoral fragilise grandement l’accord passé entre les deux candidats et met évidemment en danger le gouvernement d’union nationale. Cette crise politique est accentuée par la décision d’Hamid Karzaï, qui avait initialement accepté de prolonger son mandat d’un mois supplémentaire pour permettre à la Commission électorale de mener son travail à bien, de ne pas prolonger son mandat une seconde fois et de quitter ses fonctions le 2 septembre. Il faut donc que l’Afghanistan se trouve un président d’ici là.

On est aujourd’hui entré dans une crise potentiellement extrêmement grave si, au cas où Ashraf Ghani serait reconnu vainqueur de l’élection présidentielle, Abdullah Abdullah décidait de ne pas intégrer le gouvernement d’union nationale et de former un gouvernement parallèle. La Commission électorale n’ayant pas eu le temps de vérifier toutes les urnes, tous ces évènements fragiliseraient alors grandement la légitimité du président nouvellement élu. Nous entrons donc dans une phase décisive pour l’avenir de l’Afghanistan.

  • Un employé de la Commission électorale afghane transporte une boîte contenant des bulletins de vote durant une vérification du deuxième tour de l’élection présidentielle. (Wakil Kohsar/AFP/Getty Images)

Quels sont les enjeux du sommet à venir début septembre qui doit définir les contours de l’aide internationale à l’Afghanistan après le retrait des troupes de l’OTAN?

Il existe, en effet, un autre élément extrêmement important à intégrer à l’équation : est-ce que, lors du sommet de l’OTAN du 5 septembre se déroulant au Pays de Galles, l’Afghanistan sera représenté par un président à la légitimité entamée ou bien ne sera-t-il représenté par aucun officiel si aucun président n’était désigné entre-temps, étant donné que le président sortant Hamid Karzaï a annoncé qu’il ne se rendrait pas au sommet de l’OTAN.

Devant l’impossibilité d’un accord entre les deux parties, l’ONU, activement présente dans le processus de vérification des bulletins de vote, a annoncé le 28 août le report de l’investiture du prochain président afghan au 10 septembre. Une autre solution avancée propose la présence des deux candidats au sommet de l’OTAN. Ce serait une première dans les annales des sommets de l’OTAN, mais elle ne résoudrait pas la crise électorale afghane. Ce sommet qui ne peut être reporté risque donc de se réunir et de prendre position sur l’Afghanistan en l’absence d’un président afghan élu.

L’OTAN veut en effet absolument savoir si le prochain président afghan signera ou non l’accord de sécurité bilatéral avec les États-Unis. La signature de cet accord permettrait ensuite à l’organisation de définir sa politique et sa stratégie vis-à-vis du pays. Si les nouvelles autorités afghanes refusent – ce qui ne devrait pas être le cas, car les deux candidats avaient pris position en faveur de la signature de l’accord – de signer cet accord, les troupes de l’Alliance atlantique (et de ce fait celles des États-Unis) devront avoir quitté le territoire afghan d’ici la fin de l’année 2014. Dans un autre cas, si cet accord est signé par un président contesté et dépourvu de légitimité, la présence de l’OTAN sera affaiblie politiquement. Pendant ce temps, la guerre se poursuit sur le sol afghan et les talibans ont de plus en plus l’initiative sur le terrain.

Le résultat de la présidentielle afghane pèsera ainsi également lourdement dans la balance, car les proches d’Abdullah Abdullah ont laissé entendre que la Commission électorale, dans son désir de voir Ashraf Ghani triompher, est soutenue en sous-main par Hamid Karzaï et par des puissances étrangères à savoir les États-Unis. Ashraf Ghani est en effet favorable aux discussions avec les talibans comme on a pu le constater lorsqu’il était ministre. C’est pourquoi ses adversaires l’accusent d’être soutenu par les États-Unis qui caresseraient l’espoir de négocier avec les talibans pour quitter l’Afghanistan dans les meilleures conditions possible. Or, Abdullah Abdullah est la figure représentative de tous ceux qui se sont opposés aux talibans. On risque ainsi d’assister à de fortes tensions, voire à des affrontements, entre ceux qui sont opposés au rapprochement avec les talibans et ceux qui y sont favorables.

Source : Affaires-stratégiques.info

Le point de vue dans cet article est celui de son auteur et ne reflète pas nécessairement celui d'Epoch Times.

 

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