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Le complot finalement évoqué dans les médias de Chine continentale

Les intentions d’ex-dirigeants communistes de monter un coup d’État avaient été rapportées il y a trois ans par Epoch Times

Écrit par Matthew Robertson, Epoch Times
21.01.2015
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  • L’ex-membre du Politburo chinois Bo Xilai (Feng Li/Getty Images)

Jusqu’à tout récemment, ce genre de propos se trouvait presque uniquement dans les médias chinois à l'étranger. Parmi les sinologues occidentaux, ces propos étaient souvent balayés du revers de la main. Mais voilà que d’importants sites Web chinois rapportent maintenant la nouvelle : avant d’être expulsés du Parti communiste, l’ex-chef de la sécurité intérieure et un membre du Politburo se sont rencontrés en secret pour parler de sédition.

Les personnages impliqués – Zhou Yongkang, chef de la sécurité intérieure, et Bo Xilai, dirigeant de la mégalopole de Chongqing et fils d’un puissant dirigeant révolutionnaire – pourraient sortir tout droit des films Le Parrain à la sauce chinoise.

Zhou, qui a grimpé les échelons dans l’industrie pétrochimique étatisée, dirigeait un empire sécuritaire avec un budget d’environ 120 milliards de dollars, soit plus important que celui des forces armées.

Sous sa responsabilité se trouvait la Police populaire armée, ayant la taille d’une véritable armée avec un million d’hommes. Il contrôlait également les agences de sécurité, que ce soit la police politique secrète ou les espions, ainsi que les tribunaux, les prisons, la police régulière, les camps de travail et plus encore.

Bo Xilai est le fils du sbire révolutionnaire maoïste Bo Yibo et fait donc partie de la «noblesse rouge». Ses ambitions politiques étaient sans borne. Il organisait des rassemblements et imposait des politiques sociales de style maoïste à Chongqing, une ville de 30 millions d’habitants, et ne cachait pas qu’il visait un poste très important au sein du Parti – peut-être le plus important.

Pourquoi Zhou et Bo tenaient-ils des discussions secrètes durant la période sensible avant la transition politique générationnelle du Parti communiste qui devait survenir à la fin 2012?

Faire un «grand coup»

Ils voulaient faire un «grand coup», selon un article paru dans le Phoenix Weekly, un magazine politique publié à Hong Kong. Il n’est pas rare que les reportages politiques de Hong Kong soient utilisés par les dirigeants du Parti pour guider l’opinion publique ou pour diffuser des nouvelles qui favorisent leur programme politique.

Par la suite, c’est souvent un indice de leur utilité politique si ces articles sont republiés ou s’ils circulent sur les portails chinois. Dans ce cas-ci, des portails comme Hexun et Sina ont republié la nouvelle sans aucune censure. Très rapidement, la nouvelle s’est répandue à travers la Chine : Zhou Yongkang et Bo Xilai ont conspiré pour faire la promotion de leur propre forme d’idéologie néo-maoïste, visant à remplacer la structure de pouvoir actuelle du Parti.

L’article du Phoenix Weekly affirme que Zhou a rencontré Bo à Chongqing, alors que Bo était toujours le secrétaire du Parti de la ville. «Selon des sources, le sujet principal de discussion était comment complètement réfuter la théorie de réforme et d’ouverture de Deng Xiaoping et son application», indique un sommaire de l’article sur Sina, un portail Web chinois populaire.

«Les deux hommes croyaient que la théorie proposée par Mao dans ses dernières années – soit que le conflit le plus important dans la société chinoise est la lutte entre le prolétariat et la bourgeoisie, entre le socialisme et le capitalisme – est encore exacte, et que la théorie de réforme et d’ouverture de Deng Xiaoping doit être révisée», poursuit l’article.

Dans la théorie communiste chinoise, il s’agit d’une «lutte de ligne», soit une compétition féroce sur la bonne «ligne» de théorie à appliquer en Chine.

Une lutte de ligne a également un autre nom en Chine : une lutte de pouvoir pour contrôler le Parti. «Le terme “lutte de ligne” est une autre façon de dire “coup d’État”», estime Shi Cangshan, spécialiste des affaires du Parti communiste établi à Washington, D.C. «Cela veut dire qu’ils appelaient à un changement de régime. C’est perçu de cette façon par les membres du Parti.»

Opportuniste idéologique

L’article du Phoenix affirme que Bo, fidèle à lui-même, devait aider Zhou à «accélérer les choses» (chong yi chong). Le sens de la phrase chinoise est que Bo serait le premier à mettre en avant l’idée que le programme de réformes de Deng Xiaoping a créé un lot obscur de problèmes, soit souvent les mêmes que ceux avancés par les critiques étrangères : la pollution extrême de l’environnement, la décadence morale, une structure politique lourdement corrompue, une paupérisation grandissante, etc. Les néo-maoïstes estiment que l’héritage de Deng Xiaoping est responsable de tous ces problèmes.

Bo Xilai avait en fait déjà commencé à emprunter cette voie avec ses politiques sociales populistes à Chongqing.

«Bo Xilai a vu ce sentiment maoïste-gauchiste grandir parmi des segments de l’intelligentsia du Parti et l’a coopté», explique Shi Cangshan. «Il a organisé des séances de chants maoïstes, comme durant la Révolution culturelle. Ses campagnes contre le crime organisé ressemblaient aux campagnes de confiscation des terres avant la révolution. Il soutenait les maoïstes-gauchistes et leurs sites Web, qui s’en prenaient ouvertement au premier ministre Wen Jiabao. Croyez-vous que cela pouvait être permis s’il n’y avait pas quelqu’un comme Zhou Yongkang pour les protéger?»

Bo Xilai, bien entendu, était un opportuniste et non pas un vrai croyant. Lui et sa famille ont probablement détourné d’immenses sommes. «C’était seulement une manière de s’emparer du pouvoir», commente Shi Cangshan. «Zhou Yongkang et Bo Xilai voulaient renverser les bases du système actuel.»

Observateurs dédaigneux

Début 2012, le complot entre Bo Xilai et Zhou Yongkang – et d’autres hauts dirigeants du Parti – a commencé à s’éventer. La fuite de Wang Lijun, le chef de police et bras droit de Bo Xilai, vers le consulat américain de Chengdu en février a mis la puce à l’oreille aux autorités centrales.

  • Bo Xilai et Wang Lijun participent à un événement du Bureau de la sécurité publique de Chongqing en décembre 2009. (Weibo.com)

Les observateurs étrangers n’arrivaient pas à y voir quelque chose de substantiel. Bill Bishop, qui produit une infolettre populaire sur l’actualité chinoise, a avisé ses lecteurs de «prendre avec un grain de sel» les informations selon lesquelles «une faction de nationalistes intransigeants au sein du Parti veut le pouvoir», comme l’a rapporté le journaliste américain Bill Gertz au début de 2012. Epoch Times et le site de nouvelles en chinois à l’étranger Boxun avaient rapporté des informations similaires, qui apparaissent maintenant dans la presse chinoise.

En mars 2012, l’Associated Press a cité Huang Jing, un professeur à l’École de politique publique Lee Kuan Yew de l’Université nationale de Singapour, disant que «Bo semble au moins s’être assuré un “atterrissage en douceur”» et que «si Bo est destitué et fait l’objet d’une enquête, cela va causer une grande instabilité pour le régime et les dirigeants actuels veulent éviter cela […] C’est dans leur intérêt de fermer le dossier le plus vite possible sans causer trop de dommages».

L’idée selon laquelle même Zhou Yongkang, l’ex-chef de la sécurité, serait arrêté, expulsé du Parti et traîné en cour semblait encore plus farfelue et à peu près pas considérée par les spécialistes occidentaux de la Chine.

Prédictions justes

Ces idées ont toutefois été rapidement prédites et ont circulé dans les médias chinois étrangers en 2012, dont dans les éditions chinoises et francophones d’Epoch Times.

«En février, lorsque Wang Lijun a fui au consulat américain, j’ai publié un article indiquant que l’avenir de Bo Xilai était sombre», affirme Xia Xiaoqiang, un chroniqueur politique de l’édition chinoise d’Epoch Times, appelée Dajiyuan, établi en Europe. Xia était officier dans l’armée chinoise dans les années 1980 et possède encore un réseau de contacts en Chine. Il affirme que les journalistes et rédacteurs chinois de la publication ont de «nombreuses sources à l’interne» qui informent et influencent ses analyses et prédictions.

  • Zhou Yongkang, ex-chef de la sécurité intérieure en Chine (Liu Jin/AFP/Getty Images)

«J’ai plus tard publié un article disant que Zhou Yongkang était dans les coulisses et qu’il allait aussi avoir de gros ennuis», explique Xia. «Personne ne croyait que ce serait le cas, mais les développements ont prouvé le contraire. Peut-être que nous étions un peu en avance.»

Watson Meng, le rédacteur du site Web Boxun, a aussi publié des informations au sujet d’un complot de sédition impliquant Bo Xilai et Zhou Yongkang. «La politique chinoise est une boîte noire. Si vous vous en tenez uniquement aux normes journalistiques occidentales, beaucoup de choses sont très difficiles à vérifier.»

Il reconnaît que les informations privilégiées sont souvent passées par une faction du Parti qui veut véhiculer son message. «Nous ne sommes pas préoccupés par leur motif, juste par la crédibilité.»

Question fondamentale

Xia Xiaoqiang a présenté le cadre théorique qu’il utilise en général pour analyser les récents événements relatifs à la lutte de pouvoir en Chine.

«Pourquoi est-ce que ces gens ont comploté pour prendre le pouvoir? Parce que la faction de Jiang Zemin n’est plus au pouvoir et ils s’inquiètent que l’héritage politique de la persécution du Falun Gong revienne les hanter.»

Beaucoup de luttes de pouvoir au sein du régime chinois ont été livrées durant de vastes campagnes politiques. Les mieux connues sont le Grand bond en avant et la Révolution culturelle de Mao Zedong, durant lesquelles il s’est attaqué au reste du Parti pour protéger son pouvoir et défendre ses politiques désastreuses.

Par la suite, le massacre des étudiants sur la place Tiananmen en 1989 a mené à la formation d’un autre groupe de cadres intransigeants qui a comploté pour s’assurer qu’aucune enquête publique du massacre n’ait lieu afin de ne pas être tenu responsable.

La persécution de la discipline spirituelle Falun Gong a suivi une formule semblable : Jiang Zemin, en juillet 1999, a déclaré que le groupe était un ennemi du Parti et du peuple et a lancé une campagne nationale pour le calomnier et l’éliminer.

Dans une lettre adressée au Politburo plus tôt dans la même année, il a qualifié la discipline – qui comprend des exercices de méditation et des principes moraux enseignés librement – d’ennemi idéologique. Selon des statistiques officielles, il y avait à l’époque 70 millions de pratiquants de Falun Gong en Chine, soit une énorme population à transformer en ennemi du jour au lendemain.

La violence perpétrée contre le Falun Gong dans la persécution comprend des méthodes de torture variées, dont les électrochocs et le viol, ainsi que les prélèvements d’organes forcés sur des personnes toujours en vie, selon diverses recherches.

«Zhou Yongkang et Bo Xilai étaient des lieutenants de Jiang Zemin et leurs carrières politiques sont indissociables de cette campagne», affirme Xia Xiaoqiang. «En aucun cas voulaient-ils être tenus responsables et ils ne pouvaient permettre que cesse la persécution.»

Xia affirme que pour la faction de Jiang Zemin, la priorité est d’assurer qu’elle ne sera jamais tenue responsable de ses crimes. Pour l’actuel dirigeant Xi Jinping et ses lieutenants, la priorité est plutôt d’adopter des réformes politiques et sociales afin de garantir la croissance économique.

En fait, comme l’indique un récent rapport de Freedom House, la persécution du Falun Gong n’a pas cessé sous le mandat de Xi Jinping.

Néanmoins, Xi Jinping a apporté des changements qui n’auraient jamais pu survenir dans un régime contrôlé par Jiang Zemin : le directeur du Bureau 610, l’organe extrajudiciaire du Parti (une sorte de Gestapo) responsable de coordonner et d’appliquer la campagne de persécution, a été destitué et expulsé du Parti. Le système de «rééducation par le travail» (les camps de travail forcé), un des endroits principaux où les pratiquants de Falun Gong sont détenus, a été démantelé (bien que dans certains cas les camps subsistent sous une autre bannière). Et Zhou Yongkang a été destitué et il attend son procès communiste.

Il n’y a toutefois pas d’indication que Xi Jinping, avec son idéologie et ses pratiques en matière de sécurité, pourrait modifier le système de répression communiste. «C’est la nature du système d’utiliser la propagande et la violence», estime Xia Xiaoqiang.

Version originale : Mainland Chinese Media: Purged Party Heavyweights Plotted Together

 

Plus de 204 718 434 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.