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Les Bas-fonds du Baroque. La Rome du vice et de la misère

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
14.03.2015
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  • Claude Gellée, dit Le Lorrain, Vue de Rome avec une scène de prostitution, 1632, huile sur toile. (The National Gallery, London. Bought, 1890)

Dans une exposition insolite, le Petit Palais présente le visage moins connu de la Rome baroque du XVIIe siècle, celui de la misère, du vice et de la moquerie, bref, d’une «Rome à l’envers».

70 œuvres de grands peintres qui ont débarqué à Rome de toute l’Europe, tels les Italiens Bamboccianti et Manfredi, le Français Nicolas Tournier, le Hollandais Pieter van Lear ou encore l’Espagnol Jusepe de Ribera, ont été regroupées pour décrire ce quotidien mis en contraste avec le monde fastueux de la papauté. La scénographie du metteur en scène italien Pier Luigi Pizzi situe le visiteur dans cette Rome divisée en deux, la luxueuse et la quotidienne, celle des nobles et celle des bandits. Elle permet également de situer les lieux de rencontre des artistes, leurs ateliers ainsi que les grandes places et les palais.

C’est le monde des gueux, des bohémiens, des tavernes, des travestis, du carnaval et des artistes déchaînés, que l’exposition Les Bas-fonds du Baroque célèbre avec les meilleurs peintres du XVIIe siècle. Ces peintres venus de partout peignent une Rome d’«après nature», contrairement aux représentations d’une Rome du «beau idéal» qu’ils produisent officiellement. Mais au-delà de leur aspect moqueur et provocateur, ces œuvres caravagesques gardent souvent un caractère moraliste, éclairant le spectateur sur l’excès, du jeu, du vice et pointant avec mélancolie  la précarité et la vanité de la vie. Le discours reste donc toujours dans la désignation du beau et du bien. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ces œuvres ont été prisées par les nobles, les rois et même les éminents hommes d’Église.

Les «oiseaux de la bande»

Pour une partie des jeunes artistes venus du nord pour s’installer au pied de la Villa Medicis, les rencontres nocturnes donnaient l’occasion d’enlever toutes les inhibitions et de vivre l’excès. Ces jeunes peintres et leur bande s’appelaient les Bentvueghels – «oiseaux de la bande» et avaient immortalisé sur la toile leur vie nocturne et dionysiaque. Cette association de peintres créée vers 1620, dont l’une des épreuves d’admission consistait à passer la nuit dans les tavernes et à célébrer, jusqu’à la perte de connaissance, Bacchus – dieu du vin bien-sûr, mais aussi de la créativité – comptait les peintres les plus célèbres de l’époque. Parmi eux se trouvaient les plus grands paysagistes et peintres de l’histoire comme Joachim von Sandrart mais aussi les Bamboccianti. Ces derniers se sont spécialisés dans la représentation crue de la vie quotidienne du peuple comme Pieter Van Laer, Andries et Jan Both, Karel Dujardin.

La taverne et ses deux pans

Ces peintres qui sont les protagonistes de leurs propres tableaux représentant le jeu, l’érotisme, l’excès de la boisson et les farces animent les tavernes de Rome.

Ils représentent les deux aspects de la taverne, celui de la volupté et de la violence comme dans La Rixe (1620-1630) de Theodoor Rombouts et celui de l’après-fête, du désespoir et de la mélancolie comme dans Le Concert au bas-relief (vers 1620-1625). Dans les deux cas, le message est moralisant, l’excès se termine dans la violence ou le désespoir.

Dans ces peintures, le geste de la «fica», «la figue» revient souvent. Ce geste qui consiste à mettre le pouce entre l’index et le majeur est l’ancêtre du «doigt d’honneur». Dans le Jeune homme aux figues (1615), le peintre Simon Vouet amplifie la signification de la fica justement en plaçant une vraie figue dans la main d’un homme vêtu en femme. Cette figue remplace alors le geste provocateur.

«La fica» revient souvent chez Simon Vouet aussi bien que le thème de la diseuse de bonne aventure, la femme trompeuse symbolisant souvent l’effet de l’œuvre d’art, basée sur l’illusion et la manipulation. Dans La Diseuse de bonne aventure (1617), Simon Vouet emploie les deux thèmes parmi des personnages archétypes comme la bohémienne, la vieille entremetteuse et le jeune dupe. Alors que la jeune et belle bohémienne joue de ses charmes pour s’emparer de la bourse du jeune homme, une vieille dame regarde le spectateur derrière son dos en faisant la «fica».

Les ruines de l’antiquité face aux édifices chrétiens

Les ruines de la Rome antique sont souvent associées à ce monde des bas-fonds, de l’obscénité et de l’immoralité liées aux pauvres, aux mendiants et aux prostitués. Face aux ruines du passé, émergent les églises et les cathédrales représentant la pureté. Ce contraste est flagrant dans la toile de Claude Gellée, dit le Lorrain, Vue de Rome avec une scène de prostitution (1632). Dans ce tableau, on observe, en marge d’une vue idéale et pastorale, dans la pénombre et sous les ruines, des filles de joie, alors que juste en face émerge en haut de la colline, l’église, baignée de lumière.

Le parcours se termine par une «cabine photo» dans laquelle on pourra se mettre en costume d’époque pour créer un véritable happening caravagesque, et pourquoi pas, jouer le jeu jusqu’au bout et prendre quelques selfies.

Infos pratiques

Du 24 février au 24 mai 2015

Du mardi au dimanche de 10h à 18h

Nocturne le vendredi jusqu’à 21h

www.petitpalais.paris.fr

 

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