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Felahikum, une rencontre au-delà des genres

Écrit par Michal Bleibtreu Neeman, Epoch Times
27.03.2015
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  • Felahikum, Rocío Molina et Honji Wang. (@Ghostographic)

Il y a des danseurs classiques, il y a des danseurs contemporains,  Il y a des danseurs de flamenco, il y a des danseurs qui font du hip hop et il y a des danseurs qui dansent la poésie. Sébastien Ramirez appartient à cette dernière catégorie et ses chorégraphies invitent ceux qui ont choisi cette option à danser avec lui. 

C’est à l’occasion de la 2e biennale de l’art flamenco qu’on a pu voir sa dernière création, Felahikum, produite pour deux danseuses de différentes orientations, une danseuse hip hop et une danseuse flamenco, qui ensemble trouvent un terrain commun. Ensemble, elles créent un nouveau langage, car il ne s’agit à proprement parler ni de flamenco ni de hip hop, même si elles ont su garder toute la beauté, la puissance et l’agilité qui caractérisent ces danses.

Les créations de Sébastien Ramirez sont la preuve que la danse est faite de la même matière que la poésie, sonnets ou ballades, Tanka ou Haïku, idylle ou ode en alexandrins ou en vers libres, peu importe la forme qu’elle prend, elle touche l’âme, la caresse ou la saisit avec force.

C’est aussi le cas de sa dernière création Felahikum. Felahikum, vient des mots arabes felah-menkoub qui faisait référence aux gitans et signifiait «paysans errants ».

Felahikum de Sébastien Ramirez est une rencontre entre deux danseuses, deux cultures, deux techniques. Mais au-delà des différences, c’est une rencontre entre deux femmes, voire d’une femme avec elle-même. 

Sébastien Ramirez, champion de France de hip hop 2007, se déploie depuis un moment dans le champ de la danse contemporaine. Avec la magnifique danseuse berlinoise d’origine coréenne Honji Wang, il a fondé la compagnie Sébastien Ramirez. Leur travail a été primé par le Bessies Award.

Rocío Molina, l’enfant prodige du flamenco est considérée comme la meilleure bailaora (danseuse de flamenco) d’aujourd’hui et a reçu plusieurs récompenses pour son apport à l’innovation de l’art flamenco. À 26 ans, elle est la plus jeune danseuse à remporter le prix national de la danse, la plus haute distinction dans le monde de la culture espagnole.

Quant à Honji Wang, elle s’est perfectionnée dans le hip hop après avoir appris la danse classique et les arts martiaux. Comme Ramirez, elle élargit les confins du hip hop. Ensemble, ils créent un espace poético-magnétique qui transcende les styles et les genres.  

La femme et son double

Honji Wang, aérienne et légère, se déplace avec fluidité et rapidité répondant en écho à la puissance des pas enracinés de Rocío Molina. Un duo hypnotisant commence. Une alternance de gestes doux et d’attitudes martiales. En effet, le flamenco, influencé par les mouvements issus de la tauromachie, est proche – comme beaucoup d’autres danses ethniques – de l’art martial.

Chaque danseuse nous offre le meilleur d’elles-mêmes et de leur savoir-faire sans pour autant s’exprimer dans des styles codifiés. Honji Wang nous offre un pas souple et silencieux, un recueillement fragile, alors que Rocío Molina nous présente une puissante autorité, un dérivatif sauvage et provocateur, un jeu de rythme ahurissant entre ses pieds, ses mains, ses doigts et sa langue.

Sur un sol blanc, un miroir brisé sur un tapi noir. Les danseuses tentent de remettre les morceaux à leur place dans un effort pour rassembler les débris de leur mémoire. Des voix – leurs voix enregistrées – se répondent en évoquant des souvenirs.

Qui est qui? Les deux femmes habillées en noir et blanc se complètent. L’une porte le blanc en haut, l’autre le porte en bas. Elles commencent en faisant un corps à quatre mains puis à deux têtes et se séparent pour devenir indépendantes. Yin et Yang, la dualité selon le Tao, réside en chacun de nous.

Les deux portent un chignon plus asiatique qu’espagnol. À un moment, elles portent un long voile noir sur la tête telle la mantilla que les femmes espagnoles portaient pour aller à la messe, immortalisée dans les tableaux de Goya. Un jeu d’ombres chinoises se dessine sur les murs peints en or. Elles se multiplient, les voiles s’envolent et tombent, reliant les deux femmes au ciel – une scène fantastique qui rappelle les origines différentes des deux danseuses avec une coiffure chinoise et un voile espagnol – différences qui s’effacent dès lors que les danseuses deviennent des ombres projetées sur le mur, créant un tableau tout à fait goyesque parsemé d’une rare étrangeté à la Gustave Moreau.

Cette nouvelle forme singulière jette un pont entre les deux danseuses et leur monde. Mais il faut aussi se rappeler que, bien que le flamenco soit une danse traditionnelle avec des racines bien ancrées dans l’histoire, avant de devenir un art scénique officialisé, il est né – tout comme le hip hop d’aujourd’hui – de la rue, de ce peuple errant qu’on appelait alors Felahikum.

Après le Théâtre National de Chaillot, Felahikum se produira le 31 mars à Alès au Cratère, scène nationale.

Lumières: Jani-Matti Salo

Régie lumière: Cyril Mulon

Scénographie: Thomas Pénanguer

Styliste: Soo-Hi Song

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