Avec la guerre en Ukraine, le déchirement des Russes en Amérique

Par Epoch Times avec AFP
20 mars 2022 14:20 Mis à jour: 20 mars 2022 14:23

Dans les jours qui ont suivi l’invasion de l’Ukraine, l’Ecole russe de mathématiques, un important réseau de soutien scolaire aux Etats-Unis, n’a eu d’autre choix que de prendre position contre la décision de Vladimir Poutine.

En qualifiant la guerre de « source de douleur réelle, grande et concrète pour nous tous », l’école a publié un communiqué pour écarter le moindre doute: « Nous nous tenons aux côtés du peuple ukrainien contre Vladimir Poutine, son régime et l’invasion militaire de l’Ukraine. »

Éviter toute confusion entre l’établissement et les actions du Kremlin

Elle a également demandé à sa communauté d’éviter toute confusion entre l’établissement et les actions du Kremlin.

L’horreur de la guerre en Ukraine atteint les Américains d’origine russe, nombreux à avoir des proches en Russie comme en Ukraine.

– Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy prononce un discours virtuel au Congrès au Capitole américain le 16 mars 2022 à Washington, DC. Photo de Sarah Silbiger-Pool/Getty Images.

Entre vandalisme et menaces visant notamment des restaurants russes aux Etats-Unis, certains craignent que la guerre de Vladimir Poutine n’emporte avec elle tout un pan de leur culture.

Fondée il y a 25 ans à Boston par deux réfugiés juifs venant d’Ukraine et du Bélarus, anciens étudiants à Saint-Pétersbourg, l’école a souligné dans son communiqué devoir son nom « à la tradition historique des mathématiques russes. »

Le monde ne sera plus jamais le même

« Quel que soit son pays d’origine, personne d’autre que Poutine et son régime n’est responsable de cette guerre », a-t-elle écrit.

Au premier jour de l’invasion, Alexander Stessin, un oncologue new-yorkais né en Russie, s’est réveillé avec le texto d’un ami lui apprenant que le monde ne serait plus jamais le même.

Une résidente pleure alors qu’elle se réfugie dans une station de métro, utilisée comme abri anti-bombes, à Kiev le 18 mars 2022. Photo de FADEL SENNA/AFP via Getty Images.

« C’était un choc absolu, une horreur absolue – un sentiment qui ne s’est pas dissipé depuis », raconte-t-il.

« Vivre avec cette honte par le simple fait d’être Russe »

Près de 2,5 millions d’Américains ont des origines russes, selon le recensement officiel, mais la communauté russophone issue d’ex-pays soviétiques, dont de nombreux réfugiés juifs, est encore plus importante.

La famille du médecin new-yorkais a quitté la Russie en 1990, quand il avait 11 ans, mais lui a maintenu des contacts étroits avec son pays de naissance en y publiant des livres.

S’il est conscient de ne pas subir ce que vivent les Ukrainiens, il craint désormais de devoir « vivre avec cette honte par le simple fait d’être Russe ». 

Refus par les grandes revues scientifiques d’articles de chercheurs russes

« Nous ne pouvons y échapper. »

Dans ce climat, le biologiste Eugene Koonin, membre de l’Académie américaine des sciences, est à l’origine d’une lettre ouverte, signée par des dizaines de scientifiques russophones des prestigieux Instituts nationaux pour la santé (NIH), condamnant une « guerre inutile, agressive et génocidaire ».

La fumée s’élève après une explosion à Kiev, les autorités de Kiev ont déclaré qu’une personne avait été tuée tôt le 18 mars 2022. Photo de FADEL SENNA/AFP via Getty Images.

Mais auprès de l’AFP, il s’indigne également du refus par les grandes revues scientifiques de prendre en considération les propositions d’articles de chercheurs russes, ou de l’arrêt des accords de coopération avec eux.

« Les scientifiques russes qui vivent et travaillent en Russie demeurent nos collègues – sauf ceux qui soutiennent » ouvertement le régime, estime Eugene Koonin, qui a étudié en Russie avant de s’installer aux Etats-Unis il y a plus de trente ans.

Déprogrammation des œuvres du compositeur Tchaïkovski

« Ils méritent notre attention et notre aide », ajoute-t-il, assurant qu’un « blocage complet » vis-à-vis des scientifiques russes est « néfaste et de courte vue ».

Alexander Stessin, l’oncologue new-yorkais, s’inquiète également d’une « mise au ban de tout ce qui touche à la Russie », que cela soit lié au régime actuel ou non.

La soprano star Anna Netrebko, critiquée pour sa complaisance supposée envers Vladimir Poutine, a quitté le 3 mars le Metropolitan Opera de New York. Mais des orchestres à Cardiff ou Zagreb ont été jusqu’à une déprogrammation des œuvres du compositeur Tchaïkovski.

Des choix « faciles » et « très dommageables » pour Alexander Stessin.

Ceux nés en Russie subissent le contrecoup

« Tchaïkovski est mort depuis quelques années maintenant, ça ne va pas lui faire grand-chose », ironise le médecin. « Le seul résultat, c’est d’empêcher les mélomanes du monde entier de profiter de sa grande musique ».

Jusque dans la Silicon Valley californienne, ceux nés en Russie subissent le contrecoup.

« Le monde de la tech russophone s’est pétrifié d’horreur », raconte Nick Davidov, qui a quitté la Russie pour les Etats-Unis en 2015 et gère désormais avec sa femme Marina un fonds d’investissement dans la tech.

La semaine passée, « Fridge No More », une entreprise de livraison de nourriture fondée à New York par un patron russe, a subitement cessé ses opérations et licencié 600 personnes après l’échec d’une nouvelle levée de fonds – qui s’explique, selon des médias américains, par la peur d’un risque de se lier à la Russie.

Ces dernières semaines, le couple Davidov s’est activé pour rassembler des fonds afin d’aider les réfugiés ukrainiens et les Russes qui fuient le régime.

« La perte d’une partie de ce qui me constitue »

Ils doivent, en même temps, faire face à une certaine forme de deuil. « Je pleure la perte d’une partie de ce qui me constitue: le patriotisme, mes origines, une forme d’identité », note Nick Davidov.

Le sentiment d’avoir perdu leur terre natale, entachée par l’agression contre son voisin.

 

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