Bien que la France et les États-Unis s’accordent sur la menace chinoise, le diable est dans les détails

Par Anders Corr
28 juin 2021 17:52 Mis à jour: 5 juillet 2021 09:30

La France et les États-Unis sont enfin « ‘sur la même longueur d’onde’ dans leur détermination à résister à la possibilité d’un ordre mondial dirigé par la Chine qui serait ‘profondément non libéral par nature' », a déclaré le secrétaire d’État américain Antony Blinken lors de son interview accordée au New York Times et publiée le 25 juin.

Blinken a expliqué que « notre objectif n’est pas de contenir la Chine » ou « d’essayer de la retenir ». Toutefois, lorsqu’il s’agit de défendre un ordre international libre et ouvert, « nous allons le soutenir ». L’alternative serait désastreuse. Ce serait « soit l’absence d’ordre – un monde de chaos qui ‘conduit inévitablement à un conflit et qui nous y amène presque inévitablement’ – soit la domination chinoise ».

Ce sont des paroles fermes qui demandent une réponse ferme pour contrer les démarches de la Chine. Les démocrates américains sont en train d’apprendre.

« Cela revient à quelque chose d’assez basique… nous lançons beaucoup de mots et nous les prononçons en quelque sorte machinalement », a poursuivi Blinken. « Cependant, en faisant de notre mieux, nos pays ont travaillé pour donner un sens à la liberté, à l’égalité, à la fraternité. Ils ont essayé de donner un sens à la liberté d’expression. Ils ont essayé de donner un sens aux droits de l’homme. Ils ont essayé de donner un sens à la démocratie. »

Selon le New York Times, on voyait que Blinken était ému, ce qui doit signifier qu’il le pensait vraiment.

Le secrétaire d’État américain Antony Blinken fait un discours au département d’État, le 12 avril 2021. (Mandel Ngan/Pool/AFP via Getty Images)

En même temps, le New York Times a été surpris par la convergence des points de vue français et américains, étant donné qu’Emmanuel Macron soutenait une Europe militairement plus forte et plus indépendante. Mais ce journal n’aurait pas dû être surpris.

La tendance à la construction d’une Europe plus forte se manifeste depuis des décennies et elle s’est accélérée à mesure que la suppression de la liberté et l’agression territoriale de Vladimir Poutine ont progressé – notamment les agressions russes contre la Géorgie en 2008 et l’Ukraine en 2014. La Chine a fait la même chose en Asie.

Afin de maintenir l’équilibre face à la Chine, les États-Unis ont dû retirer leur attention de la Russie et du Moyen-Orient et, à partir de 2012, se tourner vers l’Asie. L’Amérique perd la capacité de mener deux guerres simultanément contre la Russie et la Chine, tout en essayant de contenir le terrorisme au Moyen-Orient. Cela explique les démarches amicales des États-Unis envers Poutine et Kim Jong Un, même si Poutine a envahi l’Ukraine et la Géorgie, et que Kim Jong Un continue à lancer des missiles.

Ainsi, Donald Trump a vu juste lorsqu’il a averti les pays de l’OTAN qu’ils devraient respecter leurs engagements et attribuer les 2 % de leur PIB à la défense – sinon les États-Unis commenceraient à réduire leur protection militaire. C’était un message difficile pour l’Europe, mais elle l’a compris, a augmenté ses dépenses pour la défense et a commencé à réfléchir plus sérieusement sur une politique européenne commune en matière de relations étrangères et de la défense. Les Européens n’ont pas aimé Trump, mais Biden ne leur offre pas grand-chose de plus, si ce n’est son grand sourire.

Ainsi, une Europe militairement forte et unifiée est absolument nécessaire et elle est bien attendue pour assurer que la Chine et la Russie ne puissent plus recourir aux tactiques de division et de conquête qu’elles utilisent actuellement. Par exemple, on l’a vu récemment lorsque la Hongrie a opposé son veto aux déclarations de l’Union européenne contre les violations des droits de l’homme et l’agression territoriale de la Chine. Avec une politique étrangère et de défense commune de l’UE, la Hongrie ne sera plus en mesure de le faire.

Le soutien de Biden, ou du moins son consentement silencieux, de l’appel de la France pour plus d’autonomie stratégique européenne donnera le même résultat que l’appel de Trump pour l’augmentation de dépenses militaires européennes. Les deux politiques aboutissent au même objectif américain : avoir un allié européen plus fort et plus unifié qui sera un véritable avantage sur les champs de bataille mondiaux de l’avenir.

Une Union européenne forte et indépendante, ainsi que des États-Unis et un Japon forts et indépendants, constitue le meilleur espoir pour la défense du monde de démocraties indépendantes contre les tentatives de domination et de contrôle global par le régime communiste chinois. Nous pouvons et devons assurer la paix grâce à la force unie d’alliés démocratiques forts. L’administration Biden semble l’avoir compris.

Malheureusement, comme on le voit dans son interview, Antony Blinken croit apparemment qu’il peut battre la Chine par le biais de l’initiative « Build Back Better World » (B3W) de Joe Biden. La B3W est une façon dont l’Occident veut essayer de dépasser la Chine pour ce qui est des investissements dans les infrastructures des pays en développement, espérant contrer l’influence grandissante de Pékin et de son programme « Belt and Road Initiative », souvent qualifiée de « nouvelle route de la soie ». Cependant, une grande partie du ciment et de l’acier nécessaires à la construction d’infrastructures dans les pays en développement est actuellement produite en Chine. Si l’Occident veut être compétitif, il devra acheter l’acier et le béton auprès de fabricants occidentaux ou ses alliés et insister pour que les pays bénéficiaires de la B3W fassent de même.

De plus, pour que les pays en développement soient honnêtes dans leur prise de décision en matière de développement, il faudra non seulement faire une meilleure offre que Pékin, mais aussi veiller à ce que Pékin ne soudoie pas leurs dirigeants pour leur faire accepter ses offres moins bonnes. Les pays occidentaux devront ainsi faire preuve d’une plus grande créativité et d’une plus grande fermeté pour poursuivre la corruption dans le monde.

Enfin, si l’Occident et ses alliés dépensent tout leur argent pour construire, par exemple, des autoroutes en Afrique, il ne restera peut-être plus assez d’argent pour les dépenses militaires nécessaires pour se défendre efficacement contre la Chine. Si la Chine continue à développer son armée au rythme actuel, elle sera un jour en mesure de vaincre les forces militaires communes américaines et européennes et, à ce moment-là, la B3W sera pratiquement inutile.

Apparemment, lors de son interview, Antony Blinken n’a pas commenté sur ces pièges stratégiques, et le New York Times ne lui a pas posé de questions. Espérons que les États-Unis et la France ont eu de meilleures idées lors de leurs discussions à huis clos. L’Amérique, l’Europe, le Japon et leurs autres alliés vont devoir améliorer leurs tactiques et stratégies si nous voulons laisser à nos enfants un monde plus sûr, plus libre et plus sécurisé.

Dr Anders Corr est directeur de Corr Analytics Inc., éditeur du Journal of Political Risk. Il a effectué des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie et il est l’auteur de The Concentration of Power (à paraître en 2021), de No Trespassing et a édité Great Powers, Grand Strategies.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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