BlackRock et le gouvernement américain s’unissent pour forcer la transition vers les véhicules électriques

Par Katie Spence
12 octobre 2022 14:36 Mis à jour: 12 octobre 2022 14:36

En août, la Californie a adopté une loi interdisant la vente de nouveaux véhicules à essence en 2035. Dix‑sept États, dont les États de Washington, de New York et de l’Oregon, devraient lui emboîter le pas.

Le même mois, le président Joe Biden a signé la Loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act). Malgré un nom sans rapport apparent, ce projet de loi est en réalité le plus important projet de loi sur l’action climatique de l’histoire des États‑Unis. Selon des analystes extérieurs non partisans, ce dernier ne réduira pas l’inflation.

La guerre de Biden contre les énergies fossiles et le changement climatique s’est intensifiée ces derniers mois. Or, elle n’est que l’aboutissement d’une campagne menée depuis des années par le gouvernement américain et un colossal fonds d’investissement du secteur privé en faveur des véhicules électriques dans le cadre du programme zéro émission nette.

Dans une lettre adressée en début d’année aux entrepreneurs, Larry Fink, PDG de BlackRock, a écrit que « le capitalisme a le pouvoir de façonner la société et d’agir comme un puissant catalyseur du changement », cependant les entreprises doivent collaborer avec le gouvernement pour obtenir les résultats souhaités.

« Lorsque nous mettons à contribution les capacités des secteurs public et privé, des choses vraiment incroyables peuvent se réaliser. C’est ce que nous devons faire pour atteindre le niveau zéro émission nette », a ajouté Fink. Cette lettre n’est que le plus récent mouvement de la campagne menée depuis des années par Fink pour allier le pouvoir des entreprises à celui des États afin de réaliser son programme climatique et politique.

BlackRock fait avancer son programme politique en accumulant des fonds et en exerçant son influence dans les conseils d’administration des entreprises. Parallèlement, le gouvernement américain adopte une législation qui contribue à la réalisation de ses objectifs.

« En quelques années seulement, nous avons tous été témoins d’innovations visant à réinventer l’industrie automobile », a écrit Fink. « Aujourd’hui, chaque constructeur automobile emboîte le pas vers un futur électrique. »

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva avec le président‑directeur général de BlackRock, Laurence D. Fink, lors du Forum économique mondial (FEM) à Davos, le 23 janvier 2020. (Fabrice Coffrini/AFP via Getty Images)

Transition vers le zéro émission nette

Selon Fink, les nations doivent adopter une législation conséquente, et les entreprises telles que BlackRock doivent forcer le changement grâce à l’adoption des critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).

Ceci est d’autant plus vrai pour atteindre le zéro émission nette, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), il faut remplacer les voitures à combustion thermique par des véhicules électriques.

Le peuple américain a montré peu d’intérêt pour la question environnementale En 2017, 280.000 véhicules électriques ont été vendus aux États‑Unis, selon l’AIE. À titre comparatif, en 2017, 17,25 millions de voitures ont été vendues au total.

En janvier 2018, Fink a envoyé une lettre aux directeurs généraux des plus grandes entreprises publiques du monde, pour les exhorter, essentiellement, de suivre le programme politique et climatique de BlackRock, sous peine de perdre des fonds importants.

En 2018, BlackRock était le plus grand gestionnaire d’actifs au monde (depuis 2009). Selon son rapport du quatrième trimestre 2018, BlackRock avait un peu moins de 6000 milliards de dollars d’actifs sous gestion.

En d’autres mots, BlackRock contrôlait 6000 milliards de dollars d’investissements et menaçait de les retenir, voire de les retirer, si les entreprises ne se pliaient pas aux critères ESG.

Voiture Tesla  après avoir rechargé sa batterie à San Bruno, en Californie, le 10 mars 2022. (Justin Sullivan/Getty Images)

Dans sa lettre de 2020, Fink est allé plus loin et a déclaré que BlackRock réallouerait de manière conséquente le capital des « investissements présentant un risque élevé lié au développement durable, tels que les producteurs de charbon thermique », et passerait au crible les investissements dans d’autres énergies fossiles. Il a ensuite lancé un avertissement aux chefs d’entreprise.

« L’année dernière, BlackRock a voté contre ou s’est abstenu de voter pour 4800 directeurs de 2700 entreprises différentes. Lorsque nous estimons que les entreprises et les conseils d’administration ne rendent pas publiques des informations pertinentes sur le développement durable ou ne mettent pas en œuvre des cadres pour s’occuper de ces questions, nous demanderons des comptes aux membres du conseil d’administration », a écrit Fink.

« [BlackRock] sera toujours plus enclin à voter contre la direction et les conseils d’administration d’entreprises qui ne font pas suffisamment de progrès en matière de divulgations d’informations liées au développement durable et aux pratiques et projets commerciaux qui les sous‑tendent. »

BlackRock détient un levier majeur dans son arsenal : son emprise sur les conseils d’administration des entreprises. Pour de nombreuses sociétés, une partie de leur conseil d’administration est directement nommée par les principaux actionnaires, qui sont généralement loin de détenir la majorité des parts – leur part peut n’être que de 5%, voire moins. Sauf pour les nominations directes, les principaux actionnaires exercent une influence majeure sur le vote des autres membres du conseil.

Selon la lettre de Fink, la société a utilisé ce levier sur 2700 entreprises, dans le cadre de son programme politique, social et climatique.

BlackRock a également exercé son influence grâce à des investissements stratégiques visant à promouvoir des politiques et des programmes spécifiques.

Mine de lithium du désert d’Atacama, Albemarle Corporation, le 24 août 2022. (John Moore/Getty Images)

Financement de la transition électrique

BlackRock a investi dans les trois plus grandes sociétés d’extraction de lithium au monde, cotées à New York (NYSE), et a investi massivement dans Tesla.

BlackRock détient 8% des actions d’Albemarle, une société minière américaine évaluée à plus de 33 milliards de dollars. BlackRock est le deuxième plus grand détenteur institutionnel de SQM et FMC, avec respectivement 3% et 9% du total des actions.

Tesla est le constructeur de véhicules électriques le plus influent de la planète, avec une capitalisation boursière de plus de 960 milliards de dollars. BlackRock, qui fait une fois de plus étalage de sa puissance institutionnelle, est le deuxième plus grand détenteur institutionnel de Tesla, avec environ 5,3% du total des actions.

Tout pourcentage compris entre 5 et 10% de participations directes ou indirectes dans une entreprise est considéré comme une « participation importante ». Cela donne au détenteur un certain pouvoir lors du vote sur le fonctionnement de l’entreprise. Par conséquent, BlackRock peut influencer certaines des plus grandes sociétés minières ainsi que Tesla.

Orienter les États et les entreprises

Fink ne pense pas que les entreprises puissent, ou doivent, agir seules pour faire avancer la transformation sociale.

En mai 2021, l’AIE a publié la « première feuille de route mondiale et complète sur l’énergie ». Celle‑ci prévoit notamment l’interdiction de vendre des voitures à combustion thermiques aux particuliers d’ici 2035.

L’AIE a déclaré que sa feuille de route avait une finalité informative lors des négociations de la 26e Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (COP26) en novembre 2021.

Lors de la COP26, 153 pays ont pris de nouveaux engagements de réduction des émissions pour 2030, et les pays développés se sont engagés à débloquer 100 milliards de dollars pour le climat d’ici 2035.

La COP26 a indiqué que « les institutions financières privées et les banques centrales s’apprêtent à réorienter des milliers de milliards de dollars vers le zéro émission nette mondial », en raison des nouvelles règles, réglementations et objectifs climatiques.

Quelques mois plus tôt, lors du BlackRock’s 2021 Future Forum, l’envoyé spécial du président américain pour le climat, John Kerry, a fait allusion à la nécessité de lois, de réglementations et d’objectifs.

« Le gouvernement devra intervenir et… mettre au point les balises et les règles du jeu afin de stimuler les capitaux et, évidemment, les sécuriser, offrir la confiance nécessaire à la réalisation d’investissements à long terme », a déclaré Kerry.

Lors du forum, Kerry a également souligné la responsabilité de BlackRock, qui a le devoir d’inciter le secteur privé à atteindre les « objectifs climatiques ».

« Il y a un mouvement de grande envergure dans le secteur privé avec lequel nous avons travaillé de très près. BlackRock a été un meneur dans cet effort et d’autres banques américaines, les six plus grandes banques américaines, ont joué un rôle primordial en rendant disponibles environ 4160 milliards de dollars afin d’aider à affecter et accélérer cette transition. »

En tant que chef de file de la « transition énergétique », BlackRock a lancé le Future of Transport Fund en septembre 2018.

BlackRock a également lancé le fonds Global Renewable Power, qui investit dans les infrastructures, nécessaires à la transition vers les véhicules électriques. BlackRock a déclaré y voir une opportunité de croissance des infrastructures de 5000 milliards de dollars pour 15 prochaines années.

Ces fonds sont des moyens de combler le fossé « entre là où il faut investir et la où le capital réside actuellement », a déclaré BlackRock lors de son Future Forum.

BlackRock a lancé le Future of Transport Fund après que Fink a envoyé sa lettre de 2018 aux PDG exigeant que leurs entreprises s’engagent à soutenir la communauté et l’environnement. Mais le véritable changement s’est opéré en 2020, l’année où Fink a écrit aux entrepreneurs qu’un « remodelage fondamental de la finance » était en cours.

Trump, un grain de sable temporaire dans l’engrenage

Lorsque Donald Trump a battu Hillary Clinton en 2016, il a jeté un pavé dans la mare en ce qui concerne la progression, qui était alors constante, des États‑Unis dans la « lutte contre le changement climatique », déplorent les scientifiques du secteur de l’énergie. Alors qu’il mettait en œuvre son « American First Energy Plan », l’indépendance énergétique et le marché boursier ont grimpé en flèche, alors que le prix de l’essence a chuté. En conséquence, l’intérêt pour les véhicules électriques était très faible.

Toutefois, lorsque Biden a battu Trump en 2020, BlackRock a publié un communiqué indiquant que cette victoire permettrait aux marchés de « revenir » là où ils étaient avant la présidence de Trump.

« Nous voyons un intérêt accru pour le développement durable sous un gouvernement divisé, mais au moyen d’actions de réglementations, et non grâce à une politique fiscale ni des dépenses en infrastructures vertes », déclarait alors BlackRock.

Le président américain de l’époque Donald Trump à Daytona Beach, en Floride, le 16 février 2020. Le candidat démocrate à la présidence américaine et ancien vice-président Joe Biden à Wilmington (Delaware), le 28 juillet 2020. (Chris Graythen/Getty Images ; Andrew Caballero-Reynolds/AFP via Getty Images)

La formule « actions de réglementations » s’est vérifiée dans le temps. Depuis son entrée en fonction en 2021, Joe Biden a signé plusieurs décrets relatifs à la réglementation climatique et a renforcé l’autorité de l’U.S. Environment Protection Agency (EPA) en adoptant la Loi sur la réduction de l’inflation.

Parallèlement, la révocation par Biden du permis de construction de l’oléoduc Keystone XL et d’autres actions à l’encontre du développement des énergies fossiles ont conduit à la montée en flèche du prix de l’essence. L’État de Californie a rejoint le mouvement en interdisant en 2035 la vente de nouveaux véhicules à combustion thermique.

L’intérêt des consommateurs pour les véhicules électriques a augmenté depuis 2018. Selon le Consumer Reports, 36% des Américains déclarent qu’ils prévoient d’acheter ou de louer une voiture électrique.

BlackRock balise le marché

BlackRock a des positions dans 5832 entreprises, selon ses documents. En 2021, l’entreprise a connu « la plus forte croissance organique de son histoire », générant 540 milliards de dollars d’entrées nettes (liquidités supplémentaires qui entrent dans une entreprise).

En outre, en mars 2021, BlackRock a rejoint l’initiative Net Zero Asset Managers en tant que signataire, s’engageant à des objectifs zéro émission nette d’ici 2050 ou plus tôt.

Dans le cadre de cette démarche, BlackRock a annoncé en début d’année : « Une transition ordonnée vers le zéro émission nette d’ici 2050 sera bénéfique à l’économie mondiale et à nos clients dans leur ensemble. » Ainsi, « d’ici 2030, au moins 75% des actifs sociaux et souverains de BlackRock gérés pour le compte de ses clients seront investis dans des émetteurs avec des objectifs basés sur la science ou équivalents ».

En réponse à la décision de BlackRock, Mindy Lubber, PDG de Ceres, a déclaré : « Lorsque le plus grand gestionnaire d’actifs au monde augmente son objectif de 25% à 75% des actifs investis dans des émetteurs ayant des objectifs basés sur la science, les autres devraient en prendre acte. »

Locaux de BlackRock à New York. (Andrew Burton/Getty Images)

Dernièrement, selon Mme Lubber, BlackRock signalait au reste du marché qu’« il devait adapter leurs stratégies d’investissement en conséquence », car « la transition des investisseurs vers une économie sans carbone est bien engagée ».

BlackRock a déclaré dans son rapport de juin 2022 de l’Investment Institute que « la transition vers une économie zéro carbone est en cours » et implique « une réaffectation massive des ressources ».

« Près de 90% de l’économie mondiale détient des engagements zéro émission nette, et environ la moitié des grandes entreprises et des institutions financières en ont », indique le rapport.

La pression exercée par les entreprises et les gouvernements en faveur d’une transition vers des émissions carbones nulles et les véhicules électriques est au plus fort et toute entreprise s’opposant à BlackRock risque des pertes financières.

BlackRock n’a pas répondu à une demande de commentaires.

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