Cessons de mégoter sur les tests de dépistage en France

Par Nicolas Marques
5 mai 2020 13:59 Mis à jour: 5 mai 2020 13:59

Avec 1,1 test pour 100 habitants, la France est très en retard dans le dépistage du coronavirus. Elle teste deux fois moins que les pays européens, en moyenne à 2,1 tests pour 100 habitants. Or les tests, outils de responsabilité individuelle, sont clefs pour le déconfinement et la reprise des activités sociales et économiques. L’expérience montre qu’ils ont aidé à contenir l’épidémie dans des pays d’Asie comme la Corée du Sud ou Taïwan ou en Allemagne. Ils permettent de limiter le recours aux mesures drastiques pour la société et l’économie. Texte d’opinion par Nicolas Marques, directeur général de l’Institut économique Molinari, publié dans La Tribune.

Le nombre de tests reste en retrait en France, en dépit de dépenses de santé significatives. C’est la conséquence des pratiques malthusiennes franco-françaises. La régulation publique est conçue pour limiter l’offre (numérus clausus, autorisations préalables à la création de capacités d’accueil ou aux investissements, T2A…), dans l’espoir de limiter les dépenses. Elle représente autant de freins, en temps normal comme en période de crise.

Au début de la pandémie, les laboratoires privés n’avaient pas le droit de pratiquer des tests de dépistage, alors qui maillent les territoires et font près de 60 % des examens réalisés chaque année en France. Lorsqu’ils ont été habilités, le 7 mars, les pouvoirs publics l’ont fait en introduisant une discrimination tarifaire, avec un tarif trois fois moindre pour les labos de ville.

Le tarif sécurité sociale pour un test PCR réalisé en laboratoire de ville est de 54 euros. Cet acte est remboursé à 60 % par la Sécurité sociale, la somme restante étant prise en charge par les mutuelles. Dans le même temps, les tests de dépistage réalisés en milieu hospitalier sont facturés à 135 euros dans le cadre de la Tarification à l’activité (T2A). Ce différentiel tarifaire est censé s’expliquer par des différences de structures de coûts. Les 135 euros du public correspondant au Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), avec des manipulations par des techniciens de laboratoires de recherche ou de CHU. Les 54 euros des labos de ville correspondent à des tests automatisés à haut débit. Un tarif bien faible au vu des contraintes liées aux mesures barrières, à la nécessité d’aménager l’activité pour protéger les clients traditionnels et à l’envol du prix des consommables (matériel de protection, écouvillons …).

Discrimination tarifaire contreproductive

D’un point de vue économique, cette discrimination tarifaire est contreproductive. Il est impossible de développer la capacité de test française sans s’appuyer sur les laboratoires privés, qui sont la clef d’une banalisation des tests. Il faudrait leur envoyer un signal prix fort, au lieu de chercher à faire des économies qui n’en sont pas.

La politique malthusienne française, freinant le déploiement des tests, risque d’être un gouffre pour la société et l’économie française. Limiter le nombre de tests réalisés dans les laboratoires de ville permet d’éviter un envol des dépenses de santé, mais cette « économie » est bien chère payée.

Faute de capacité de tests, nous confinons de façon non sélective, ce qui pénalise la société et l’économie. Au premier trimestre, le PIB a reculé de -5,8 % en France. C’est plus qu’Espagne (-5,2%), qu’en Italie (-4,7%), que dans la zone euro (-3,8%) ou que dans l’Union européenne (-3,5%).

Un manque à gagner mensuel de 72 milliards d’euros

A ce stade, l’INSEE estime que ce confinement non sélectif ralentit l’économie de 35 %, ce qui représente un manque à gagner de 72 milliards d’euros par mois. Même à 135 euros, le dépistage resterait un très bon investissement. Tester toutes les personnes ayant un emploi coûterait de l’ordre de 3,7 milliards d’euros, alors que chaque jour de confinement coûte de l’ordre de 3 milliards. Économiser sur les tests est donc une aberration économique. Le développement d’une capacité massive de tests devrait, au contraire, être considéré comme un investissement stratégique et une source d’économies.

Article de Nicolas Marques avec l’aimable autorisation de Institut économique Molinari

Directeur général de l’Institut économique Molinari Auteur d’un grand nombre d’articles publiés dans des journaux, Nicolas Marques intervient régulièrement à la radio et à la télévision sur des questions de politiques publiques. Il est docteur en économie.

L’Institut économique Molinari (IEM) est un organisme de recherche et d’éducation. Il vise à entreprendre et à stimuler l’approche économique dans l’analyse des politiques publiques. Il a été baptisé du nom de Gustave de Molinari. Économiste et journaliste franco-belge, il a lui-même oeuvré toute sa vie à promouvoir cette approche.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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