Comment la Chine façonne les esprits des Occidentaux

Par Pingping Yu
23 juin 2021 21:42 Mis à jour: 5 juillet 2021 09:32

Les États-Unis attribuent à la défense plus de 700 milliards de dollars par an et les dépenses pour la défense constituent également une partie importante des budgets d’autres pays occidentaux. Cependant, pour une toute petite fraction de ce montant, la Chine mène une guerre différente avec un grand succès : une guerre visant à changer les esprits des Occidentaux de l’intérieur.

Aujourd’hui, les médias et l’industrie du divertissement représentent deux forces majeures qui façonnent l’esprit d’une société. Ils décident non seulement de ce que nous savons, mais aussi de la manière dont nous pensons. En un sens, les médias et les divertissements déterminent qui nous sommes en tant qu’Occidentaux et en tant qu’Occident.

Cependant, nous n’avons que très peu ou pas de défense dans ces domaines. En fait, si on les examine de près, on y trouvera l’infiltration profonde du régime communiste chinois. Par le biais des médias et de l’industrie cinématographique menée par Hollywood, la Chine a introduit ses normes et ses filtres dans les esprits des Occidentaux peu méfiants et dans ceux de nos enfants.

Hollywood ou Chinewood ?

La vidéo de la star américaine John Cena qui rampe à plat ventre en s’excusant d’avoir traité Taïwan de pays (la Chine le considère comme sa province) est un bon exemple de la position de l’industrie cinématographique occidentale, menée par Hollywood, face à la censure de Pékin.

Cependant, deux décennies auparavant, il était impensable qu’une célébrité occidentale s’humilie devant la Chine pour un tel propos. Les choses ont commencé à changer en 1997, lorsque Hollywood a sorti trois films qui ont attiré les foudres de l’État-parti chinois. Kundun et Sept ans au Tibet montraient le dalaï-lama et l’invasion du Tibet par la Chine communiste dans les années 1950. Le troisième film, Red Corner, avec la star américaine Richard Gere présentait une image peu flatteuse du système judiciaire chinois.

Les réactions ultérieures de Pékin ont ouvert les yeux d’Hollywood sur l’ampleur des représailles du Parti communiste chinois (PCC). Non seulement tous les acteurs principaux et les réalisateurs des trois films ont été inscrits sur une liste noire, mais les studios qui ont produit ces films et leurs sociétés mères ont été interdits de faire des affaires en Chine pendant les cinq années suivantes.

Les deux films sur le Tibet ont déclenché un soutien important en faveur du Tibet en Occident. L’une après l’autre, des célébrités comme Brad Pitt et Selena Gomez ont été interdites par Pékin pour avoir ouvertement soutenu le Tibet ou rencontré le dalaï-lama.

Aujourd’hui, il serait impossible qu’un film comme Sept ans au Tibet soit tourné par Hollywood. Pourquoi donc ? Parce que beaucoup de choses ont changé au cours des deux dernières décennies. Alors qu’elle était autrefois un petit marché pour les films, la Chine a actuellement dépassé les États-Unis pour devenir le plus grand marché du film au monde. Avec 9,2 milliards de dollars de recettes au box-office en 2019 et ses 69 787 écrans de cinéma, la Chine avait à peu près la même importance que les États-Unis et le Canada réunis.

Cependant, l’accès à cet énorme marché n’est ni libre ni facile. La Chine limite le nombre de films importés à 34 par an. Le département de la propagande du Comité central du PCC censure et détermine quels films sont acceptés dans ce quota, et quelles modifications doivent nécessairement être apportées. Le processus décisionnel est opaque, incohérent et peut être modifié à la dernière minute. Les censeurs peuvent approuver un film pour ensuite revenir sur leur décision. Il n’est pas rare non plus que de hauts responsables, au sein ou en dehors du département de la propagande, mettent leur veto à une décision antérieure sans explication. Selon l’analyse de PEN America, ce genre d’ambiguïté est souhaité par Pékin qui pousse les studios occidentaux à s’autocensurer d’une manière de plus en plus stricte pour ne pas franchir une certaine ligne rouge variable et invisible.

Les sociétés de l’industrie cinématographique sont prêtes à se plier en quatre pour que leurs films soient « acceptables ». Les cinq sociétés qui dominent le marché chinois des films étrangers sont des multinationales dont les intérêts commerciaux vont au-delà du cinéma. Disney, par exemple, détient une participation de 43 % dans le parc Disneyland de Shanghai, dont la construction a coûté plus de 5,5 milliards de dollars. « Alors à quoi bon mettre en péril les affaires de grandes sociétés à cause des 90 secondes de contenu qui pourraient tout aussi bien être coupées ? » a expliqué Michael Berry, professeur à l’UCLA, dans une interview accordée à PEN America.

Un vendeur chinois vend des sacs Mickey Mouse et d’autres produits dans le magasin de Disney à Shanghai, le 4 novembre 2009. (STR/AFP/Getty Images)

Couper et modifier des séquences pour apaiser Pékin est désormais une pratique courante. En voici deux exemples récents : dans la nouvelle version du film Top Gun, dont la sortie est prévue fin 2021, un écusson du drapeau taïwanais a été retiré de la veste de Tom Cruise ; la Chine a ordonné de supprimer du film Mission Impossible 3 des scènes qui montraient du linge qui sèche sur des cordes à Shanghai et des personnes jouant au mahjong dans un immeuble miteux. Les tableaux de ce genre ne correspondaient pas à l’image de la « Chine moderne » et riche que le PCC veut promouvoir et ils sont considérés par certains médias chinois comme une humiliation et un dénigrement de la Chine.

La conformité avec la censure du régime chinois est si courante que le fait de s’y opposer mérite même d’être annoncé dans les journaux. En 2019, le réalisateur Quentin Tarantino a fait la une des journaux lorsqu’il a refusé « d’adapter » son film Il était une fois à Hollywood aux exigences de Pékin. Mais la plupart des cinéastes ne prendraient pas ce risque. Comme l’a expliqué l’un d’eux à PEN America : « La plupart des gens ne fâchent pas la Chine, car ils craignent de ne plus jamais trouver de travail. » Après tout, même Richard Gere a payé un prix professionnel important pour avoir soutenu le Tibet. « Il y a certainement des films dans lesquels je ne pourrai pas figurer parce que les Chinois diront : ‘Pas avec lui’ », a-t-il confié au Hollywood Reporter en 2017.

La situation ne fera qu’empirer à mesure que les sociétés cinématographiques occidentales se lancent dans la production conjointe avec des entreprises chinoises. Bien que cette forme donne aux studios occidentaux une plus grande chance d’obtenir des approbations en Chine, cela permet également à l’État-parti d’obliger directement ces studios à se conformer à la ligne du Parti et d’exercer en même temps une pression indirecte par le biais des entreprises chinoises qui financent les films.

Par exemple, Transformers: Age of Extinction – une production conjointe réalisée en 2014 par Paramount et la Chine – dépeint les responsables américains de manière peu flatteuse tout en mettant en avant l’altruisme des personnages chinois, notamment dans leur volonté de défendre Hong Kong face à une menace extraterrestre. Cela a dérangé beaucoup de monde, étant donné les manifestations du « mouvement des parapluies » qui ont eu lieu la même année à Hong Kong. Le journaliste et rédacteur en chef David Cohen a écrit une tribune dans laquelle il qualifiait ce film de « film patriotique parfait, si on est chinois ».

De plus en plus, les responsables des studios occidentaux préfèrent intégrer des sujets flatteurs pour la Chine ou couper et modifier des scènes en essayant de faire en sorte que la censure chinoise ne soit pas trop visible. Cela signifie que cette censure détermine non seulement ce que le peuple chinois peut voir, mais qu’elle a également une influence majeure sur ce que le reste du monde peut voir.

La censure chinoise prive le public occidental d’informations et de messages importants. En 2013, pour assurer l’approbation des censeurs chinois, les dirigeants des studios Paramount ont exigé que le film World War Z modifie son récit original selon lequel un virus zombie est apparu en Chine. Cependant, Max Brooks, l’auteur du roman à la base de ce film, a écrit son livre dans le but de faire passer un message. Après l’apparition du virus de Wuhan, il a expliqué dans une interview que, dans son roman, il avait délibérément choisi la Chine comme épicentre du virus du fait que la propagation non détectée des virus se produit avant tout « dans un pays où il n’y a pas de presse libre… dans un pays comme la Chine, qui censure la presse et censure également ses propres citoyens sur les médias sociaux – cela crée un espace obscur qui convient aux théories du complot ». Que le monde entier puisse recevoir des messages aussi perspicaces dépend aujourd’hui largement de l’attitude de Pékin.

Pourtant, l’impact le plus important de la censure chinoise sur l’industrie cinématographique ne se manifeste même pas par ce qui a été modifié, mais par ce qui n’a pas était produit. Les films que le PCC désapprouverait ont très peu de chances de voir le jour. Et la longue liste des « sujets sensibles » du PCC est en train de s’allonger. Comme les studios s’assimilent de plus en plus à la propagande chinoise, l’industrie cinématographique aura encore moins d’options et davantage de sujets ne seront pas couverts.

Est-ce que les Occidentaux doivent accepter que l’État-parti chinois détermine la façon dont les sujets leur sont présentés ? Comment les normes, les propos et l’idéologie du PCC intégrés dans les films occidentaux vont-ils changer l’Occident et le reste du monde ? Alors que la menace de la Chine devient de plus en plus évidente, les gens devraient se poser ces questions avec un fort sentiment d’urgence.

Qui contrôle ce que vous entendez ?

On dit souvent que les médias sont la conscience de la société. Ils sont censés être un miroir réaliste de notre monde et fournir des informations sur la base desquelles les membres de notre société peuvent former leur propre opinion.

Si la conscience ne s’achète pas, on peut toujours dépenser assez d’argent pour obtenir les bonnes grâces de certains journalistes. Le PCC utilise de nombreuses petites faveurs, telles que des voyages gratuits en Chine et des dîners luxueux, pour s’attirer et conserver l’amitié des journalistes occidentaux.

Un récent rapport publié par National Pulse a révélé qu’au moins un des principaux groupes de propagande du PCC a invité plus de 120 journalistes provenant d’une cinquantaine de médias américains à des voyages payés en Chine – et ça, en échange d’une couverture médiatique favorable au régime. Une fois en Chine, les journalistes devaient se rendre dans des villes clés pour des « visites culturelles », rencontrer des représentants du gouvernement et visiter des entreprises pour « voir de leurs propres yeux les développements (de la Chine) dans divers domaines ».

Le groupe qui a organisé ces voyages est la China-United States Exchange Foundation (CUSEF), créée et financée par Tung Chee-hwa, qui est actuellement vice-président de la Conférence consultative politique du peuple chinois – l’organe central du système de Front uni du PCC.

Le Front uni est à l’origine de nombreuses affaires d’espionnage mises au jour. Sa mission est de « mettre sous contrôle et de neutraliser les sources d’opposition potentielle aux politiques et à l’autorité du Parti communiste chinois au pouvoir », précise le rapport du National Pulse. En d’autres termes, son objectif à l’extérieur de la Chine est de transformer les pays libres en alliés du régime chinois ou en régimes similaires.

Qui a accepté ces voyages ? Les lettres d’information de la CUSEF datant de 2009 et 2010 en présentent une longue liste, incluant des cadres supérieurs, des rédacteurs, des reporters et des analystes de CNN, du New York Times, de l’Associated Press, de National Public Radio, du Chicago Tribune, de Vox et de nombreux autres grands médias.

La Chine semble être bien contente de cet investissement (au moins de quelques milliers de dollars par personne). Rien qu’en 2009, au moins 28 contenus médiatiques favorables au régime chinois ont été publiés à la suite de ces visites. Pour illustrer ses réussites, la CUSEF en a même fièrement inclus un exemple dans son bulletin d’information.

Ces voyages se sont poursuivis depuis. En 2019, la même société de relations publiques a organisé des voyages en Chine pour Vox, Slate, le Boston Herald, le Boston Globe et le Huffington Post.

Où tout cela nous mène ?

De nombreux épisodes de l’histoire peuvent donner des indications sur l’avenir. Par exemple, dans la Chine d’il y a plus de 2000 ans, l’État de Qin a dépensé 300 000 unités d’or, soit environ 2,5 millions de dollars en valeur actuelle, pour corrompre les hauts fonctionnaires et les personnes influentes de ses six États rivaux. La direction actuelle de l’État-parti chinois sait bien qu’une telle stratégie a permis à Qin de vaincre ces six États puissants en seulement 10 ans – une mission autrement impossible. Par la suite, les rois et les fonctionnaires de ces États ont été pour la plupart exilés ou tués. Le roi de Qin, Ying Zheng, adopte un nouveau nom Shi Huangdi, le « Premier Empereur », et devient maître de toute la Chine.

L’Amérique et ses alliés occidentaux ont développé des muscles assez forts pour résister à toute attaque de l’extérieur, mais le virus de la cupidité et de la corruption nous dévorera de l’intérieur. Tant que nous, en tant qu’individus ou entreprises, ne retrouverons pas les valeurs morales et le courage pour résister à l’argent du PCC, l’Occident sera extrêmement vulnérable.

Pingping Yu est journaliste, analyste et traductrice à Epoch Times depuis 2007. Elle couvre de nombreux sujets liés à la Chine en mettant l’accent sur des questions des droits de l’homme et des problèmes économiques.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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