Pourquoi la Chine, l’Inde et les États-Unis s’intéressent-ils tant au Népal?

Par John Mac Ghlionn
20 août 2022 23:08 Mis à jour: 20 août 2022 23:08

Je réside actuellement au Népal, un petit pays enclavé. Le Népal, qui abrite le mont Everest, le plus haut sommet du monde, est connu pour exporter très peu et importer beaucoup. La population népalaise dépend largement du tourisme comme source de revenus.

On peut alors se demander pourquoi trois des pays les plus puissants – la Chine, l’Inde et les États‑Unis – s’intéressent autant à un pays de taille relativement réduite.

Le Népal partage une frontière avec l’Inde. Mais comme le film Grumpy Old Men nous l’apprend, les voisins ne s’entendent pas toujours. Malgré des similitudes linguistiques, religieuses et culturelles, l’Inde et le Népal ne sont pas en bons termes. En réalité, les deux pays sont en mauvais termes depuis des décennies.

Ces derniers temps, les gouvernements des deux pays se sont affrontés au sujet du territoire de Kalapani, une sorte de no man’s land situé à la frontière orientale de l’Uttarakhand, un État du nord de l’Inde traversé par l’Himalaya, et du Sudurpashchim Pradesh au Népal. Même si le territoire est sous domination indienne, les Népalais affirment que leurs voisins leur ont volé ce qui leur appartient de droit. L’Inde ne se lasse pas d’irriter le peuple népalais et, pour cette raison, le gouvernement népalais s’est rapproché toujours plus de la Chine, son autre voisin. Il n’est pas surprenant que le gouvernement indien s’inquiète de la présence croissante du Parti communiste chinois (PCC) au Népal.

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi (à dt.), et le ministre népalais des Affaires étrangères, Narayan Khadka avant une réunion à Singhadurbar, Katmandou, Népal, le 26 mars 2022. (Prakash Mathema/AFP via Getty Images)

Les États‑Unis s’inquiètent également de l’influence de Pékin. En 2015, le Népal a demandé à faire partie de l’U.S. State Partnership Program (SPP), un programme de coopération sur la sécurité entre le département de la Défense (DOD) et des pays étrangers. Créé en 1993, le programme compte aujourd’hui 77 partenaires dans le monde. En juin de cette année, cependant, le gouvernement népalais a changé d’avis. Le pays de 30 millions d’habitants a donc officiellement fait savoir qu’il n’était plus intéressé par une adhésion au SPP.

Pourquoi ?

Certains critiques ont fait valoir que le SPP est étroitement aligné sur l’U.S. Indo‑Pacific Strategy (IPS), un plan tactique conçu pour faire face à la menace que constitue la Chine. Le Népal, semble‑t‑il, n’a guère intérêt à fâcher ses voisins chinois. En effet, les relations sino‑népalaises sont censées être marquées par la réciprocité et la coopération.

Le Népal n’est pas un pays riche. Son revenu par habitant est d’un peu plus de 1000 dollars. Ses infrastructures laissent beaucoup à désirer. Le Népal a besoin de tous les investissements qu’il peut obtenir. La Chine n’est que trop disposée à l’aider. L’année dernière, le Népal a reçu 268 millions de dollars d’investissements directs étrangers. La Chine en a fourni 71% (188 millions de dollars). Mais la question est de savoir pourquoi. Pourquoi la Chine s’intéresse‑t‑elle tant au Népal ?

Premièrement, à un certain degré, la Chine craint d’être dépassée par ses rivaux. Si la Chine n’intervient pas, le PCC redoute que ses deux plus grands rivaux, l’Inde et les États‑Unis, le fassent. Deuxièmement, le Népal, niché en plein entre l’Inde et la Chine, occupe un emplacement d’une réelle importance géostratégique. Troisièmement, le Népal dispose d’une abondance de minéraux précieux comme le charbon, le fer, le cuivre et le calcaire.

Il y a également une quatrième raison, extrêmement intrigante, qui explique l’intérêt de la Chine. Comme l’a récemment noté le lieutenant‑général Chauhan, commandant de l’armée indienne, « la moindre agitation au Népal aura un effet résiduel sur l’Inde et la Chine, en particulier au Tibet ». Le Népal est, à bien des égards, « la porte d’entrée de la région autonome du Tibet (RAT) ». Le général Chauhan estime que le Népal « joue désormais un rôle essentiel dans le rayonnement de la Chine en Asie du Sud et constitue la porte d’entrée des plaines indo‑gangétiques de l’Inde, qui sont à bien des égards le cœur de l’Inde ». Les Chinois, prévient‑il, considèrent le Népal comme « la zone la plus vulnérable au sud du Tibet et sont désormais déterminés à le garder sous leur influence ».

Des Tibétains en exil lors d’un événement en l’honneur du 78e anniversaire du Dalaï Lama, au monastère de Manag à Katmandou, au Népal, le 6 juillet 2013. (Prakash Mathema/AFP/Getty Images)

Cela nous amène au dalaï‑lama, figure symbolique du Tibet.

En 1959, lorsque la Chine a annexé le Tibet, Gyalwa Rinpoché, le 14e et actuel dalaï‑lama, s’est réfugié dans la ville indienne de Dharamsala. Située au bord de l’Himalaya, la ville abrite un grand nombre de Tibétains en exil, dont le dalaï‑lama. Comme nous tous, le chef spirituel ne rajeunit pas. Il a récemment fêté son 87e anniversaire. Un successeur doit être choisi. Le dalaï‑lama a évoqué la possibilité que son successeur vienne d’un « pays libre ». Il a également évoqué l’idée d’une femme « séduisante » qui pourrait le remplacer.

Naturellement, le PCC a d’autres projets. Pékin a clairement fait savoir que le successeur du dalaï‑lama sera choisi par le dirigeant chinois Xi Jinping et ses collègues. Selon le ministère chinois des affaires étrangères, « la réincarnation doit se conformer aux lois et règlements chinois, suivre les rituels et les conventions historiques ».

Nous sommes maintenant confrontés à la possibilité très réelle que deux successeurs soient choisis, un par le dalaï‑lama et l’autre par le PCC. Contrairement à la croyance populaire, le Bouddha est né au Népal, et non en Inde. Si le Népal appuyait de tout son poids le candidat du PCC, cela ajouterait un vernis de crédibilité (bien que très léger) au candidat chinois.

Il est clair que le Népal est un pays d’une réelle importance, ce qui explique pourquoi la Chine, l’Inde et les États‑Unis s’intéressent tant à cet État multiculturel très instable. Le Népal, semble‑t‑il, n’est intéressé que par un seul de ses prétendants. Au moment où je termine la rédaction de ce court article, Narayan Khadka, le ministre des affaires étrangères du Népal, s’apprête à prendre un avion pour la Chine, au grand dam des États‑Unis. À l’heure où les tensions entre Pékin et Washington s’exacerbent, Katmandou se range du côté du premier et évite le second.

John Mac Ghlionn est chercheur et essayiste. Ses travaux ont été publiés par le New York Post, le Sydney Morning Herald, Newsweek, National Review et The Spectator US, entre autres. Il s’intéresse à la psychologie et aux relations sociales, ainsi qu’aux dysfonctionnements sociaux et à la manipulation des médias.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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