La Chine perd de son influence économique en Occident

Par Milton Ezrati
18 août 2023 16:05 Mis à jour: 18 août 2023 16:05

Alors que la Chine progresse sur le plan diplomatique en Europe et au Moyen-Orient, et que Washington s’inquiète de la montée en puissance de la marine chinoise, l’économie de ce pays perd de son influence en Occident, en particulier aux États-Unis.

Autrefois premier partenaire commercial de l’Amérique, la Chine est passée au troisième rang, derrière le Mexique et le Canada. Ensemble, l’Inde et l’Asie du Sud-Est éclipsent l’importance de la Chine du côté pacifique des États-Unis. Ce changement reflète en partie l’hostilité croissante entre Washington et Pékin, mais ce n’est pas tout. Ce phénomène s’explique en grande partie par les tendances dans le développement de l’économie chinoise. Et le déclin se poursuivra probablement dans un avenir prévisible.

Les chiffres récemment publiés par le département américain du Commerce illustrent bien la situation. Au cours des six premiers mois de cette année, la Chine n’a représenté que 13,3% de l’ensemble des importations américaines. Il s’agit d’une baisse par rapport au pic de 21,6% atteint en 2017 et du pourcentage le plus bas depuis 2003, peu après l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

L’érosion touche toutes les catégories de produits. Chacun des dix principaux groupes de produits suivis par le département du Commerce a vu la part de la Chine diminuer entre 2022 et 2023. Même les exportations de jouets et de jeux chinois, un pilier du commerce sino-américain depuis des décennies, ont perdu leur part dans les importations américaines. Il est particulièrement révélateur que la Chine ait perdu sa part dans le secteur de l’électronique – un facteur d’une importance cruciale dans la stratégie de Pékin. La part de la Chine est passée de 32% en 2022 à 27,9% au cours du premier semestre de 2023, ce qui représente un changement considérable en une seule année.

Les chiffres du Bureau national des statistiques (BNS) de Pékin confirment cette tendance. Dans l’ensemble, les exportations chinoises ont baissé de 14,5% en juillet par rapport à l’année précédente, ce qui représente une détérioration par rapport à la baisse déjà inquiétante de 12,4% enregistrée en juin. Les exportations vers les États-Unis ont été les plus touchées, avec une chute de 23%. Les exportations vers l’Europe et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) ont chacune chuté de 21%. Si les demandes de la Russie, soumise à des sanctions par de nombreux pays, n’avaient pas augmenté les ventes de la Chine de 52% en juillet par rapport à l’année précédente, la situation de l’économie chinoise, toujours dépendante des exportations, aurait semblé extrême.

La politique américaine explique en grande partie cette détérioration. Les problèmes de la Chine ont commencé en 2018 lorsque Donald Trump, président des États-Unis de l’époque, a imposé des droits de douane sur une série d’importations chinoises. Il a élargi cette gamme en 2019. Bien que le président Joe Biden ait semblé déterminé à annuler tout ce que son prédécesseur Trump avait fait, il a maintenu ces droits de douane en place.

Intensifiant la rhétorique anti-Pékin au-delà de celle de Trump, Biden a imposé l’année dernière des limites à certaines exportations américaines vers la Chine et a accordé des subventions à toute entreprise qui produirait des semi-conducteurs aux États-Unis. Cette année, son administration a limité les investissements américains dans les technologies chinoises. Aucune de ces mesures n’a eu d’incidence directe sur les exportations chinoises vers l’Amérique, si ce n’est que de nombreuses exportations chinoises, en particulier dans le domaine de l’électronique, dépendent de l’importation de pièces en provenance des États-Unis.

Toutefois, Washington n’est pas responsable de la totalité de la diminution des exportations de la Chine. Pékin a également joué un rôle. Ses politiques ont érodé l’ancienne réputation du pays en tant qu’endroit fiable pour l’approvisionnement en différents produits. Au cours de la pandémie du Covid-19, l’État-parti chinois a entravé les ventes à l’exportation de masques et d’autres fournitures médicales nécessaires. Les acheteurs américains, européens et japonais ont perdu encore plus confiance dans la fiabilité des sources d’approvisionnement chinoises après que la pandémie s’est largement résorbée, lorsque la politique du « zéro Covid » de Pékin a interrompu la production et les exportations chinoises d’une manière qui semblait arbitraire.

Dans cette situation, il est essentiel de noter que les coûts de production en Chine ont augmenté beaucoup plus rapidement qu’ailleurs dans le monde. L’augmentation des salaires chinois a dépassé celle des salaires occidentaux, japonais, asiatiques et latino-américains. Selon la BNS, les salaires urbains en Chine ont augmenté à un taux annuel moyen de 8,6% au cours des cinq dernières années. C’est presque le double du taux annuel moyen de 4,4% des gains salariaux aux États-Unis.

Certes, les salaires occidentaux restent bien supérieurs aux salaires chinois, mais l’écart est beaucoup moins important qu’auparavant et certainement moins convaincant pour les décideurs des entreprises. L’augmentation des coûts de production chinoise est devenue une raison majeure pour les producteurs et les acheteurs occidentaux et japonais de commencer à penser, par exemple, à l’Inde, à l’Amérique latine ou à l’Asie du Sud-Est. Le Viêt Nam, les Philippines, l’Indonésie et le Mexique, en particulier, ont détourné l’attention de la Chine en matière d’investissements et d’achats.

La situation actuelle exige que la Chine modifie son modèle de développement économique. Pendant des décennies, elle s’est appuyée sur sa réputation à l’étranger d’un producteur fiable et bon marché pour stimuler sa croissance. Comme cela n’est plus possible, la Chine ferait bien de réorienter son modèle de croissance vers une plus grande dépendance à la demande intérieure en général.

Dans le passé, Pékin s’est contenté d’un discours sur cette nécessité mais, dans la pratique, les dirigeants du pays se sont plutôt engagés dans une rhétorique de changement que dans des efforts réels de réajustement économique. En fait, cette rhétorique allait à l’encontre de l’objectif déclaré du dirigeant chinois Xi Jinping de parvenir à dominer dans plusieurs secteurs au niveau mondial. Compte tenu de cette contradiction, il n’est pas évident que Pékin soit à la hauteur du défi actuel, même si celui-ci est devenu plus urgent.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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