« Coparentalys » ou l’univers de l’enfantement clandestin

Par Etienne Barreau
27 février 2024 13:31 Mis à jour: 28 février 2024 18:36

Depuis 2021, la PMA (procréation médicalement assistée) est autorisée en France, y compris pour les couples lesbiens. La GPA (grossesse pour autrui), quant à elle, est encore interdite. En marge des débats de bioéthique, le pouvoir de mise en relation d’internet a fait naître un marché clandestin du don de sperme et du don de ventre, à la frontière de la légalité, abrité derrière la notion de « coparentalité ».

Co-parents.fr, DonneurNaturel.com, groupes Facebook aux milliers de membres… les sites et plateformes de rencontres pour faire un bébé pullulent sur l’internet francophone et semblent ne faire l’objet d’aucune régulation. Certains ont plusieurs années d’existence. C’est le cas de Coparentalys, qui se présente comme le « numéro 1 » dans la recherche de coparentalité et propose depuis 2014 des solutions aux parents en devenir : « Si l’adoption, la fécondation in vitro, le don de sperme (médicalisé, ndlr) sont des pratiques longues et semées d’embuches, le concept Coparentalys simplifie toutes les démarches nécessaires en mettant en relation des personnes ayant un objectif commun » peut-on lire sur sa page d’accueil.

Une formule payante avec les caractéristiques du géniteur ou de la porteuse

La coparentalité dont parle le site doit être comprise comme un enfantement sans relation de couple et sans amour entre les géniteurs, remplacés par une sorte de contrat. Coparentalys dit s’appuyer sur la loi n°93-22 du 8 janvier 1993 qui prévoit que les deux parents concubins ayant reconnu l’enfant, même sans être mariés, exercent l’autorité parentale. L’enfant ainsi conçu a bien, aux yeux de la loi, un père et une mère. Mais parfois, seul l’un des deux est présent (maman ou papa solo), ou l’enfant est élevé par un couple homosexuel, ceux que Coparentalys désigne comme les « parents sociaux », terme inopérant en droit français. À partir de là, le concept recouvre aussi bien du don de sperme non déclaré (dans le cas où le père ne reste pas auprès de l’enfant), comme de la GPA pour couple homosexuel, mais aussi un partage de l’éducation d’un enfant entre deux personnes séparées. Le tout dans une totale invisibilité vis-à-vis des autorités.

La plateforme revendique 50.000 inscrits et sa page Facebook affiche 10.000 abonnés. Elle se présente sous une forme rétro mais simple et intuitive, semblable à un site de rencontres banal. Si l’écriture inclusive et les fautes d’orthographe de la page de présentation n’ont pas découragé l’internaute, le grand marché du désir d’enfant s’offre à lui. Quoique pour accéder à toutes les fonctionnalités de Coparentalys, il faut sortir la carte bancaire. Comptez 30 euros par mois pour un abonnement standard et 40 euros pour un abonnement « premium ». Vous saurez ainsi qui a consulté votre profil, comme sur LinkedIn. Lucratif pour les créateurs du site, cela a le mérite de faire le tri entre ceux qui ont un projet concret et les hommes cherchant une simple aventure, permise par la méthode « naturelle » de fécondation – comprendre le rapport sexuel. Car oui, de telles propositions existent.

Toutefois, sans payer, vous pouvez déjà créer un compte en quelques minutes, après avoir rempli vos informations de patrimoine génétique : taille, poids, silhouette, couleur des cheveux et des yeux… Il y a également une fenêtre où renseigner vos loisirs. Beaucoup l’utilisent pour indiquer leur classe sociale (élevée) ou leur forme physique. Vous l’aurez compris, tout cela peut servir pour faire son choix du meilleur géniteur ou de la meilleure mère porteuse.

« On a besoin d’un simple géniteur qui ne souhaitera pas garder contact »

Une fois inscrit, c’est avec une simplicité « enfantine » que vous pouvez interagir avec des milliers d’utilisateurs, notamment ceux proches de chez vous. Du côté des femmes, les trentenaires approchant la quarantaine dominent. L’urgence face au temps qui passe ? Elles se partagent en trois profils.

La maman solo, comme Jessica, 30 ans : « Je désire faire un bébé toute seule sans m’encombrer d’un mec. » Le couple lesbien, comme Ciara, 35 ans, et sa compagne : « Bonjour, nous somme mariées depuis 2 ans ensemble […] notre rêve serait d’avoir un enfant, pour ça on a besoin d’un simple géniteur qui ne souhaitera pas garder contact avec l’enfant, merci de nous aider. »

Le procédé ici ressemblerait à une PMA. La procédure normale et légale en France est qu’un couple lesbien se voit proposer une semence issue d’une banque de sperme et donc anonymisée. Cependant, la démarche peut être longue. Ici, le sperme n’est pas anonymisé et Ciara peut faire son marché selon le type génétique qu’elle cherche, mais aussi demander au géniteur d’être présent pour l’enfant qui se demanderait quelles sont ses origines ou de disparaître après avoir reconnu l’enfant.

Dernier profil plus rare, la femme en couple, comme Pauline, 39 ans : « Je suis en amour avec un gentil géant alpin. Mais ce bel amoureux ne veut pas d’enfants (snif). Alors, comme une prodigieuse femme du 21e siècle, je pars à la conquête des internets pour trouver un futur papa à mes petits bouts en devenir. »

Du côté des hommes, les géniteurs volontaires sont nombreux et très entreprenants. Si vous avez un compte féminin, les messages pleuvent. Ils sont en concurrence avec quelques couples homosexuels cherchant une femme pour porter leur enfant. C’est le cas de Daniel, 24 ans, et son compagnon, dans leur annonce franche : « Nous sommes un couple homosexuel et nous sommes ouverts à tout moyen pour concevoir un enfant. Merci si vous pouvez nous aider d’une manière ou d’une autre. » Voilà un profil plus litigieux s’approchant de la GPA et de la rupture du lien mère-enfant.

Coparentalys en a conscience et demande à ses utilisateurs : « Merci de respecter la législation en vigueur dans votre pays. » Mais qui sait ce qu’il advient une fois que le contact est établi ?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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