De la terre à l’appli: « On voit que le sol vit »

Par Epoch Times avec AFP
2 mars 2023 08:50 Mis à jour: 2 mars 2023 09:24

Une silhouette arpente la ferme, téléphone et bêche à la main. Elle prélève de la terre qui sera géolocalisée, échantillonnée, analysée pour voir si l’agriculteur bichonne ses sols, et le faire valoir auprès des consommateurs.

Pierre-Édouard Coulange enfonce sa bêche dans une parcelle de colza de l’ouest de la France. Les plants ne font qu’une vingtaine de centimètres, ils seront récoltés à l’été. Un ver s’échappe de la motte qu’il vient d’extraire. « Les racines suivent les galeries des vers, c’est plutôt bon signe », observe le préleveur de la start-up Genesis qui se définit comme une agence de mesure d’impact environnemental. Glissée dans des tubes à essai, la terre sera expédiée dans plusieurs laboratoires pour mesurer une foule d’indicateurs et dresser un bilan de santé du sol (capacité de rétention d’eau et de captation du carbone, pollution éventuelle, biodiversité…)

Quelques grammes de la parcelle échoueront dans un laboratoire américain pour des analyses ADN, afin d’évaluer la présence des micro-organismes – ces bactéries et champignons indispensables à la fertilité du sol. « Ce séquençage de la biodiversité du sol, il n’y a pas grand monde qui le propose aujourd’hui », remarque Thomas Monville, responsable agronomie de la coopérative céréalière Axéréal qui fait appel à Genesis pour « avoir un référentiel assez costaud » et « valoriser les bonnes pratiques auprès des clients ».

Fabien est heureux de voir ses efforts « récompensés »

« Les racines suivent les galeries des vers, c’est plutôt bon signe ». (Image d’illustration : JEAN-FRANCOIS MONIER/AFP via Getty Images)

Concrètement, Genesis traduit, sur une application numérique, les données issues des analyses de terrain en score des exploitations agricoles. Ses clients : les entreprises « biosourcées » – qui utilisent des ressources issues de la nature (alimentation, vins et spiritueux, mais aussi habillement pour le coton ou le cuir, ameublement pour le bois).

« Là, tout est A, c’est très rare », observe sur sa tablette Adrienne de Malleray, cofondatrice de la start-up d’une vingtaine de salariés. Fabien May, qui cultive ces 150 hectares dans les vallons du Perche, est heureux de voir ses efforts « récompensés ». Le céréalier de 39 ans a pour principe de ne « jamais laisser un sol nu ». Quand du colza, blé, orge ou maïs n’est pas en train de pousser, d’autres plantes couvrent les parcelles pour les nourrir de matières organiques utiles aux cultures.

« Ces plantes vont me servir quoi qu’il arrive. Elles prennent la place d’une mauvaise herbe, captent du carbone, nourrissent le sol en azote. » Fabien May ne laboure plus depuis une quinzaine d’années. La pratique, millénaire, relâche du carbone, accélère la destruction de la matière organique et rend le sol plus sensible à l’érosion. Il n’a pas banni la chimie (pour désherber, fertiliser ou traiter) et sort le pulvérisateur « à bon escient ». « Les sols, c’est comme des enfants. On les chouchoute, on les cajole pour les emmener le plus loin possible », image l’agriculteur en effritant une motte entre ses doigts. « Elle est friable, cette terre. On trouve des racines, des trous de ver, on voit que le sol vit. »

De la qualité de la terre aux étiquettes des supermarchés

Genesis cherchait un moyen de faire figurer « ce que constate Fabien sur l’emballage d’un paquet de gâteau ». Dans leurs rapports annuels ou sur leurs étiquettes, les grands groupes se targuent de pratiques vertueuses, au risque de se voir taxer de « greenwashing » ou verdissement de façade si aucun indicateur objectif n’est fourni. « Quand les entreprises font des allégations environnementales, en réalité elles ne connaissent pas les impacts » de leur activité, affirme Quentin Sannié, l’autre fondateur de Genesis et ex-patron de la société d’enceintes haut de gamme Devialet.

Le concept « d’agriculture régénératrice » a été adopté par les géants de l’alimentation, du luxe et de la mode (Nestlé, PepsiCo, LVMH, Kering…). Sur le papier, « le concept est top » mais « prouvez que le sol se régénère », défie Quentin Sannié. Pour noter les sols sur lesquels les entreprises s’approvisionnent, les créateurs de Genesis espéraient pouvoir compter sur les drones et les satellites. Mais « comment mesurer les racines par satellite ? » Alors la petite société pratique – ou fait pratiquer – des carottages des sols. Et revient à intervalles réguliers dans les exploitations pour mesurer les changements.

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