Désendettement: la Banque de France et la Cour des Comptes demandent « plus d’engagement et de crédibilité »

Par Michel Pham
18 septembre 2023 22:27 Mis à jour: 19 septembre 2023 10:35

Au premier trimestre de 2023, la dette publique française avait dépassé pour la première fois le seuil symbolique des 3.000 milliards d’euros (114,8% du PIB), s’étant massivement accrue depuis la crise sanitaire. Pour désendetter il faudrait plus d’« engagement et de crédibilité » selon Pierre Moscovici  et François Villeroy de Galhau. Cependant, tandis que le premier président de la Cour des Comptes redoute la hausse des taux d’intérêt et ses conséquences sur le remboursement des « services de la dette », le gouverneur de la banque de France construit son discours sur la dette publique autour de l’inflation.

Fin septembre, le gouvernement prévoit de présenter au Parlement une loi de programmation des finances publiques (LPFP) qui doit définir, pour chaque année entre 2023 et 2027, les objectifs de réduction de la dette et du déficit public que se fixe Paris. L’exécutif ambitionne de réduire l’endettement du pays de 111,8% du PIB en 2022 à 108,1% en 2027. Le déficit public devrait passer de 4,8% du PIB en 2022 à 4,9% en 2023 puis diminuer à 4,4% en 2024 et à 2,7% à la fin du quinquennat, sous l’objectif européen des 3%.

« J’espère sincèrement que la prochaine loi pluriannuelle de programmation des finances publiques et le budget 2024 feront preuve de plus d’engagement et de crédibilité », s’est inquiété le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Lors d’un discours à Saint-Jacques-de-Compostelle (Espagne), où se sont réunis vendredi 15 septembre les ministres de l’Économie et des Finances de l’Union européenne, le banquier central français a regretté que « dans le passé, mon pays n'[était] pas parvenu à respecter ses engagements budgétaires ».

Engagement et crédibilité sont également les mots d’ordre pour Pierre Moscovici. Devant la REF 2023, l’université d’été du Medef, le premier président de la Cour des Comptes s’est dit « un peu préoccupé (…) car par rapport aux autres pays européens, nous avons augmenté davantage notre dette et nous la réduisons beaucoup plus lentement ». L’ancien ministre de l’Économie presse le gouvernement de non seulement passer rapidement à l’action mais aussi d’agir avec « des objectifs ambitieux, des hypothèses réalistes et un chemin crédible ».

« Nous avons 58% de dépenses publiques dans le PIB (…) presqu’un record du monde » 

Augmenter les impôts n’est ni une « hypothèse réaliste » ni « un chemin crédible » d’après Pierre Moscovici, pour qui « le consentement [des Français] à l’impôt touche la limite » avec 45,4% du PIB de prélèvements obligatoires. Au lieu des impôts, la thèse que le premier président de la Cour des Comptes défend depuis la rentrée politique et budgétaire 2023 est de réduire « considérablement » les dépenses publiques, afin de réaliser des économies qu’il a évaluées à quelque 60 milliards d’euros d’ici à 2027, soit « une douzaine de milliards par an ».

« Nous avons 58% de dépenses publiques dans le PIB. Presque 60%, c’est énorme. C’est presqu’un record du monde », accentue Pierre Moscovici dans « L’invité de C dans l’air » de France 5. « Par rapport au reste de l’Europe, nous sommes à 8 points au-dessus. »

Face à son hôte – Axel de Tarlé – qui lui faisait remarquer que l’« on n’arrive pas » à « maitriser les dépenses publiques » en France, Pierre Moscovici a avancé une série d’exemples démonstratifs du fait que les dépenses publiques françaises ne sont pas nécessairement efficaces, et cela dans de nombreux domaines ; pour ensuite postuler que des « revues de dépenses publiques » pourraient être réalisées sans dégrader la qualité des services publics :

« Est-ce que les Français ont le sentiment que le service public est en forme ? » s’est interrogé Pierre Moscovici. « Est-ce que quand ils regardent les écoles ils disent que c’est formidable. Je regarde le classement international PISA, nous ne cessons de reculer. Il est donc temps de faire, comme en Europe et partout ailleurs, des revues de dépenses publiques. [C’est-à-dire] de regarder comment fonctionnent les dépenses publiques. Et de se dire est-ce que la dépense publique est de qualité ? »

« Un autre exemple, [celui] du logement : nous dépensons pour le logement deux fois et demi plus que n’importe quel pays dans la zone euro. [Mais] est-ce que ça marche ? » a continué de questionner le premier président de la Cour des Comptes. « Non, on ne construit pas. Il n’y a pas de rotation dans le logement social. Cela veut dire que nous avons des politiques publiques – et on pourrait dire la même chose pour l’apprentissage, les aides aux entreprises, ou pour ce que l’on appelle les dépenses fiscales – qui sont historiquement sédimentées. Avec des dépenses publiques qui ne cessent d’augmenter, il faut regarder comment ça marche. Soulevons le capot [des dépenses publiques], et faisons des réformes intelligentes », a-t-il conclu.

La hausse des taux d’intérêts renchérit la sortie du « quoi qu’il en coûte »

D’après l’Insee, les dépenses publiques françaises ont dépassé les 1500 milliards d’euros, soit 58,1% du PIB, en 2022. Ainsi, « la France se place au plus haut niveau mondial », selon Bertrand Blancheton, professeur d’Économie à l’université de Bordeaux. À date, le rapport des dépenses publiques au PIB de la France a atteint son record absolu – 61,4% – en 2020. Cette année-là, après avoir déclaré « être en guerre » contre le Covid-19, Emmanuel Macron a décidé que « le gouvernement mobilisera(it) tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoi qu’il en coûte ».

Pour réduire le lourd endettement de la France, le gouvernement a indiqué jeudi 14 septembre qu’il présenterait fin septembre un budget pour 2024 qui scelle la fin progressive du « quoi qu’il en coûte » et identifie 16 milliards d’euros d’économies, essentiellement grâce à la fin programmée du bouclier tarifaire pour l’électricité.

Selon Bruno Le Maire, « cette accélération du désendettement est fondamentale au moment où tous nos partenaires européens sont engagés dans cette voie ». Elle serait selon lui soutenue par une croissance qui « continuera de progresser » en 2024. Cette dernière« sera tirée par notre production manufacturière, par la sortie définitive de la crise inflationniste et par la reprise de la consommation », continue le ministre de l’Économie tout en admettant : « La récession en Allemagne, les difficultés en Chine et la persistance de taux d’intérêt élevés auront néanmoins un impact sur cette croissance. »

C’est précisément la remontée des taux d’intérêts qui préoccupe Pierre Moscovici, et cela, beaucoup plus que le chiffre des 3000 milliards de la dette publique : « Chaque année on rembourse près de 50 milliards d’euro pour les services de la dette. Il y a deux ans c’était 21 milliards. Dans trois ans ce sera 75 milliards » a alerté le premier président de la Cour des Comptes sur France 5. Avant d’ajouter : « Pour donner un ordre aux idées, 46 milliards d’aujourd’hui c’est équivalent du budget de la défense, 75 milliards, c’est équivalent au budget de la nation. On pourra avoir en 2027 la dette publique comme premier budget de l’État. C’est pourquoi il faut absolument désendetter (…) pour [pouvoir] investir et préparer l’avenir de nos enfants. »

D’après lui – sans remettre en cause la hausse des taux d’intérêt qui ont été accrus dix fois de suite par la Banque centrale européenne –, le gouverneur de la Banque de France a mis l’accent sur le fait que la dette s’accumulait et atteignait « des niveaux historiques » « en même temps que l’inflation ». « Les gouvernements doivent éviter d’avoir des positions excessivement expansionnistes qui viendraient alimenter davantage les pressions inflationnistes », a ainsi affirmé François Villeroy de Galhau.

L’AFP a contribué à la rédaction de l’article.  

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