Deux ans après l’invasion, les États-Unis veulent renforcer l’Ukraine pour lui permettre de mieux « négocier » la fin de la guerre

Il y aura certainement des négociations à mener lorsque l'Ukraine sera dans une position plus forte, a déclaré l'administration Biden

Par Andrew Thornebrooke
27 février 2024 11:28 Mis à jour: 27 février 2024 11:28

WASHINGTON – Deux ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’administration Biden considère la possibilité de la signature d’un accord.

Les dirigeants ukrainiens affirment vouloir récupérer la totalité des territoires occupés dans l’est du pays. Quant à la Russie prétend vouloir la démilitarisation totale de l’Ukraine et la création d’un État neutre qui servirait de tampon entre la Russie et l’OTAN.

Toutefois, selon plusieurs experts, aucune des deux parties n’est sur le point d’atteindre ces objectifs, ni n’est susceptible de le faire.

Pour leur part, les responsables américains pensent que la guerre a suffisamment affaibli la Russie pour qu’un accord puisse être possible tout en préservant le gouvernement et la souveraineté de l’Ukraine.

La preuve, selon la sous-secrétaire d’État Victoria Nuland, ce sont les pertes russes.

« L’Ukraine a retiré du champ de bataille 21 navires, 102 avions russes et 2700 chars russes », a déclaré Mme Nuland.

« Au cas où on se demanderait encore si tout cela en vaut la peine, rappelons-le : nous n’avons pas envoyer un seul soldat américain au combat et avons investi moins d’un dixième du budget de défense annuel des États-Unis, pourtant nous avons aidé l’Ukraine à détruire 50% de la puissance de combat terrestre de la Russie. »

Malgré tout, même les hauts fonctionnaires comme Mme Nuland savent reconnaître que l’Ukraine est pratiquement arrivé à la fin du soutien qu’elle peut espérer des États-Unis, et qu’elle se trouve dans une impasse brutale qui ressemble davantage aux horreurs de la guerre du début du XXe siècle qu’à celles du XXIe siècle.

Qualifiant la ligne de contrôle dans l’est de l’Ukraine de « hachoir à viande », Mme Nuland a déclaré que la Russie semblait se contenter d’attendre que le soutien des États-Unis à l’Ukraine s’amenuise complètement.

« Aujourd’hui, les artilleurs se battent avec seulement 10 à 20 obus de 155 mm par jour pour se défendre », a-t-elle déclaré.

« Le président russe Vladimir Poutine pense qu’il suffit d’attendre que l’Ukraine s’écroule, il pense qu’il peut attendre que nous disparaissions tous. Nous devons lui prouver qu’il a tort. »

Pour Mme Nuland, toute pause dans les combats, même permanente, devra être négociée afin de s’assurer que Poutine ne profitera pas de ce temps pour « reprendre ses forces et se rééquiper » en vue d’une nouvelle invasion.

« Poutine n’a pas atteint son objectif principal », a souligné Mme Nuland. « Il pensait que ça allait être un jeu d’enfant. Il pensait arriver à Kiev en une semaine. Il pensait que les habitants de l’Est, dans des villes comme Kharkiv, diraient : ‘Oui, nous voulons être russes’. Rien de tout cela ne s’est produit. »

« Mais il s’est engagé dans cette guerre d’usure. »

Les États-Unis veulent renforcer la position de l’Ukraine avant un accord de paix

L’administration Biden affirme depuis longtemps qu’elle soutiendra l’Ukraine jusqu’à la victoire. Mais aujourd’hui, même elle admet que la guerre se terminera par un accord et que le mieux qu’elle puisse faire est de donner à l’Ukraine une meilleure position lors de l’ouverture des négociations.

« Les guerres se terminent généralement par une sorte de négociation, mais nous n’allons pas choisir ce moment à la place de l’Ukraine », a déclaré Mme Nuland.

« L’Ukraine prendra ses propres décisions. Elle doit être en position de force. »

Jusqu’à présent, les ouvertures diplomatiques russes se sont concentrées sur les États-Unis et ont totalement laisséles Ukrainiens de côté, a expliqué Mme Nuland. La plupart des propositions russes comprennent un maintien total du territoire actuellement occupé.

L’offre actuelle [de Poutine] est la suivante : ‘Je garde ce que j’ai et nous discuterons du reste qui vous appartient’. Ce n’est pas viable », a-t-elle déclaré.

Ces discussions remontent à 2014, a-t-elle ajouté, lors de l’annexion de la Crimée par la Russie et l’invasion limitée de l’est de l’Ukraine.

Tout en réitérant que c’est à l’Ukraine d’entamer les négociations, Mme Nuland a précisé que les États-Unis étaient prêts à leur offrir une assistance diplomatique si et quand elle choisira de poursuivre un règlement négocié pour mettre fin à la guerre.

« Il y aura certainement des négociations à mener lorsque l’Ukraine sera en position de force, et nous avons clairement indiqué que si notre aide était nécessaire, nous serions là », a-t-elle déclaré.

« Mais je crains que tant que Poutine sera au pouvoir, il ne renoncera jamais à son objectif principal, qui est de soumettre l’Ukraine. »

L’Ukraine est dans une position beaucoup plus forte qu’il y a deux ans. Elle a repris plus de 50% du territoire conquis par la Russie au cours des premiers mois de la guerre et, comme le souligne Mme Nuland, elle a infligé à la Russie des pertes dont elle mettra de nombreuses années à se remettre.

« Nous ne pouvons pas permettre à Poutine de réussir son plan visant à effacer l’Ukraine de la carte des nations libres […] les démocraties seront partout en péril », a-t-elle insisté.

La guerre ne se terminera pas de sitôt

Il est peu probable que la Russie entame des négociations sérieuses pour mettre fin à la guerre, estime Sam Kessler, conseiller géopolitique au sein de la société de conseil en gestion des risques North Star Support Group.

C’est pourquoi les mois à venir seront particulièrement importants pour les deux parties, qui devront s’efforcer d’obtenir des avancées en vue d’un éventuel accord.

« À ce stade, il ne semble pas que la guerre se termine de sitôt, malgré les difficultés dans lesquelles se trouvent les Ukrainiens », a déclaré M. Kessler.

Selon M. Kessler, les deux parties recherchent des capacités économiques et militaires qui leur permettront de lancer des campagnes plus importantes que par le passé, dans l’espoir de sortir de l’impasse actuelle.

Cela signifie que les besoins de l’Ukraine en matière d’assistance à la sécurité ne vont pas seulement se poursuivre, mais qu’ils vont probablement s’accroître, ce que les dirigeants russes savent et exploitent.

« Les avantages sont actuellement en faveur des Russes », a déclaré M. Kessler. « Toutefois, les deux parties tentent de reconstruire leurs forces pour disposer de capacités offensives bien plus importantes que ce que nous avons vu jusqu’à présent. »

« À ce stade, il semble que la stratégie russe à long terme, qui consiste à tenir bon dans l’espoir que l’aide occidentale aux Ukrainiens diminue ou soit suspendue, joue en leur faveur. »

Bien que les Ukrainiens « tiennent bon malgré l’impasse », le manque d’aide aurait « un impact considérable » sur la capacité de Kiev à mener de futures offensives.

En revanche, Moscou dispose de suffisamment de ressources pour mener ses opérations contre l’Ukraine.

Selon Paul Crespo, président du groupe de réflexion du Centre d’études de défense américain, les difficultés que connaît actuellement l’Ukraine sont dues à la réticence de l’administration Biden à fournir à Kiev des systèmes d’armement avancés.

« Alors que Biden a investi d’incroyables ressources américaines en Ukraine, sa réticence à fournir les bonnes armes à l’Ukraine, au bon moment, a également contribué à créer une impasse », a ajouté M. Crespo.

« Sans le soutien continu de l’Occident, la Russie dispose de bien plus d’hommes et de ressources que l’Ukraine pour mener une guerre prolongée. »

Il a estimé qu’une négociation pour mettre fin à la guerre pourrait être envisagée dès l’année prochaine.

« Sans une victoire significative de l’Ukraine, un règlement négocié avant l’année prochaine devient de plus en plus probable. »

Selon M. Kessler, l’issue de la guerre ne se résumera pas à des lignes sur une carte, mais affectera directement la sécurité des États-Unis et de leurs alliés.

Le territoire actuellement occupé par la Russie lui fournit des ports clés, une production céréalière accrue et des installations d’énergie nucléaire, autant d’éléments qui lui confèrent un avantage stratégique à long terme sur la scène mondiale.

Pourtant, si les États-Unis peuvent s’inquiéter des conséquences futures de ces avantages, Washington et Moscou devront néanmoins, selon M. Kessler, trouver un terrain d’entente pour faire face aux nouveaux problèmes qui se posent dans le monde et qui les affectent tous deux.

« La guerre entre la Russie et l’Ukraine, et la manière dont elle est menée par toutes les parties impliquées, aura un effet à long terme sur la capacité des États-Unis à projeter leur puissance et leur influence dans d’autres zones d’intérêt géostratégique », a souligné M. Kessler.

« Washington et Moscou ont une longue histoire de relations mutuelles en période de conflit et de tensions. Les deux parties savent qu’elles doivent finalement travailler et communiquer l’une avec l’autre sur d’autres questions et préoccupations géopolitiques qui se posent dans d’autres parties du monde également. »

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