Éloge de la liberté et de la solidarité à Gdansk

août 11, 2017 9:29, Last Updated: août 11, 2017 9:29
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Au moment où la population polonaise descend dans les rues pour manifester contre les excès dictatoriaux d’un gouvernement nationaliste, la ville de Gdansk n’est pas en reste et Lech Walesa a même repris la parole là où il y a bientôt 40 ans, il a créé avec d’autres ouvriers le mouvement Solidarnosc, devant la porte n°2 de l’ancien chantier naval Lénine qui devint un symbole de la lutte contre le régime communiste dans les années 1980.

Le plafond vitré d’une des salles du Centre Européen de Solidarité répète à l’infini les circonvolutions de ce long mouvement de Solidarnosc qui mena à la victoire du syndicat symbolisé par Lech Walesa. (Charles Mahaux)

Le Centre Européen de Solidarité

S’il ne reste rien sur le site de l’activité historique du chantier naval, il n’en est pas moins le lieu d’une incontournable visite d’autant qu’en 2014 y a été inauguré un musée consacré à l’histoire du Mouvement polonais pour la solidarité fondé en 1980 pendant la grève du chantier naval de Gdansk. Planté juste à côté de la fameuse grille où l’icône de la Vierge côtoie le drapeau de Solidarnosc, un bâtiment monumental d’acier rouillé abrite un espace d’exposition permanente et un centre de recherches permettant aux scientifiques de consulter les archives.

Le musée du Centre Européen de Solidarité se trouve au-delà de la fameuse grille de la porte n°2 de l’ex-chantier naval Lénine. (Charles Mahaux)

Au-delà de la reconstitution de l’histoire du mouvement Solidarnosc, le Centre Européen de Solidarité montre encore combien la naissance de ce premier syndicat sous l’ère communiste a contribué à la fin du joug soviétique en Pologne mais aussi dans les autres pays de l’Europe de l’Est. Les accords de la Table ronde signés le 5 avril 1989 restaurent le droit à des élections libres qui s’avèreront être un véritable plébiscite pour l’opposition politique représentée par Solidarnosc. Un vent de libéralisation souffle alors en Europe centrale et orientale et aboutira à la chute du mur de Berlin quelques mois plus tard.

Bas-relief du monument dédié aux ouvriers de l’ex-chantier naval Lénine tombés lors de la révolte de 1970. (Charles Mahaux)

La reconstitution des événements au travers de décors authentiques, la multiplication de témoignages et l’utilisation d’outils technologiques interactifs offrent une visite au coeur d’une agora de l’Europe moderne où sont mis en avant les éternels idéaux de liberté, de justice et de solidarité, encore d’actualité aujourd’hui. www.ecs.gda.pl

Le Musée de la Seconde Guerre mondiale

Le cimetière de Westerplatte commémore les défenseurs de la garnison polonaise tombés lors de l’attaque allemande du 1er septembre 1939. (Charles Mahaux)

Sait-on que c’est à Gdansk, sur la péninsule de Westerplatte, que la marine allemande tira les premiers coups de canon de la Seconde Guerre mondiale le 1er septembre 1939 ? Une petite garnison polonaise résista âprement sept jours durant, ce qui dopa le moral de la population polonaise et après la guerre, le site marqué par une croix et un petit cimetière devint un symbole de la résistance polonaise contre l’envahisseur.

e musée de la Seconde Guerre Mondiale évoque un gigantesque obus planté dans le sol et c’est d’ailleurs sous terre que se déploient les 6680 m2 de collections. (Charles Mahaux)

Pas étonnant donc que ce soit à Gdansk que fut inauguré en mars 2017 un espace de 6800 m2 entièrement dédié à la Seconde Guerre mondiale. Avec sa façade angulaire couleur brique rouge, le musée n’est pas sans évoquer un gigantesque obus planté dans le sol. Tout se passe en sous-sol, de quoi plonger le visiteur dans des ambiances évocatrices des événements qui ponctuèrent ce conflit. La scénographie originale a été conçue par l’entreprise belge Tempora, spécialisée dans l’organisation d’expositions culturelles.

Impressionnant mur composé des valises abandonnées par les Juifs à l’entrée du camp d’Auschwitz. (Charles Mahaux)

Le plus grand intérêt de ce musée est de présenter le conflit en prenant pour épicentre les pays d’Europe centrale, des territoires parmi les plus dévastés et martyrisés par cette guerre. La Pologne a ainsi perdu quelque six millions de citoyens entre 1939 et 1945, dont environ trois millions de juifs, soit 17% de sa population, le taux le plus élevé à l’échelle mondiale. Au travers d’objets (comme la reproduction de la bombe atomique suspendue au-dessus de véritables objets vitrifiés par l’explosion), de témoignages, de films, de reconstitutions de décors sobres parfaitement mis en scène (comme une rue en ruines où trône un char russe), le parcours immerge le visiteur dans le quotidien d’hommes et de femmes qui ont vécu ce conflit.

Dans le musée du Centre Européen dea Solidarité sont exposés les panneaux de bois sur lesquels ont été écrites à la main les 21 revendications des ouvriers en septembre 1980, aujourd’hui inscrits par l’Unesco au registre Mémoire du Monde. (Charles Mahaux)

On ne sort pas indemne de cette visite qui dénonce clairement les manipulations de certains discours en Allemagne mais aussi en Italie, en Espagne, en URSS et au Japon. On réalise encore les multiples répercussions du conflit au lendemain des traités qui partagent l’Europe en deux, l’Est et l’Ouest, sans tenir compte des populations. Les dernières images qui tournent en boucle pointent les dérives du XXIe siècle et on ne peut que s’interroger sur la paix dans le monde menacée par des intérêts souvent très personnels sous des discours nationalistes. www.muzeum1939.pl

Gdansk, perle de la Baltique

La Voie Royale de Gdansk était le plus long axe urbain de l’époque médiévale et elle a conservée intacte toute la magnificence de son patrimoine architectural. (Charles Mahaux)

Ville mythique au même titre que Varsovie, Cracovie et Wroclaw, Gdansk est l’œuvre commune des Polonais et des Allemands. Sa situation exceptionnelle à l’embouchure de la Vistule sur la mer Baltique lui a permis de devenir dès le XIVe siècle une ville portuaire stratégique, d’abord pour les puissants marchands de la Hanse Teutonique, ensuite pour les Prussiens qui lui donnèrent le nom de Dantzig. Complètement détruite et réduite à néant par les bombardements allemands et soviétiques, la ville a été entièrement restaurée en respectant une cohérence architecturale éblouissante qui lui a permis de conserver toute son âme.

Ce havre de beauté gothique avec un tissu urbain caractérisé par de superbes alignements de demeures patriciennes colorées, surmontées de pignons sculptés et ornées de portails imposants propose aux touristes un plongeon fascinant dans un monde tout en harmonie. La Voie Royale qui jadis permettait au Roi de faire des entrées majestueuses dans sa ville offre un parcours unique entre merveilles historiques et une effervescence magnétique qui se vit en croisant des musiciens et des artistes qui attirent les badauds. L’ancien port sur la Motlawa est aujourd’hui un port de plaisance dont les quais grouillent de terrasses et de petites échoppes artisanales. Gdansk est résolument festive et cosmopolite, avec un cocktail détonnant d’ouvriers endimanchés et de touristes plan de la ville à la main, de familles joyeuses léchant des glaces et de jeunes gens bronzés sirotant des mojitos. Tous signent le même selfie devant la statue de Neptune ou un des voiliers amarrés sur les quais. Les vacances !

Pour en savoir plus : www.pologne.travel et www.visitgdansk.com

Se loger : www.hotelhanza.pl idéalement situé le long de la promenade des quais de la Motlawa.

Page du Figaro du 6 octobre 1983 qui salue le prix Nobel de la Paix accordé à Lech Walesa. (Charles Mahaux)
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