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En Tunisie, cuisine nomade et innovation pour revivifier une oasis

mars 21, 2022 22:00, Last Updated: mars 21, 2022 22:17
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« Dans une palmeraie tout pousse », le jardinier Mohamed Bougaa se souvient du paradis qu’était autrefois l’oasis de Nefta, qu’une poignée d’amoureux du sud tunisien tentent de revivifier avec la cuisine nomade et des projets innovants.

« Dans la +corbeille de Nefta+, il y avait 152 sources qui donnaient 700 litres d’eau par seconde », se rappelle M. Bougaa, 63 ans, dont 40 comme métayer à Nefta.

Des employés cultivent le potager de l’hôtel Dar Hi au milieu d’un palmier dans l’oasis isolée de Nefta, à sept heures de route de Tunis, la capitale côtière tunisienne, le 12 février 2022. Photo de Fethi BELAID/AFP via Getty Images.

Mais l’eau a été surexploitée pour créer d’autres palmeraies et produire la fameuse datte « deglet nour », « les sources de Nefta se sont taries il y a 20 ans », explique-t-il à l’AFP dans cette oasis à 500 km au sud de Tunis.

« Tout pousse dès lors qu’on a du soleil et de l’eau »

Normalement, « on peut vivre de la palmeraie, il y a tout ce qu’il faut: de la salade, des fruits, des petits piments, des tomates, des carottes. Tout pousse dès lors qu’on a du soleil et de l’eau », ajoute-t-il, en montrant une pompe alimentée désormais par la nappe phréatique.

L’arbre-roi, le palmier-dattier, peut satisfaire les besoins essentiels: « A midi, les travailleurs ici mangent un peu de dattes avec du lait, c’est nourrissant ».

Cette année, la récolte est médiocre: avec l’absence de pluies et 55 degrés en août, les dattes sont « un peu sèches », note Mohamed.

Un cuisinier tunisien prépare du pain de dessert traditionnel dans la cuisine d’un hôtel de l’oasis reculée de Nefta, à sept heures de route de la capitale côtière tunisienne, le 12 février 2022. Photo de Fethi BELAID/AFP via Getty Images.

Pourtant, la palmeraie c’est « la permaculture (système de production d’aliments organiques imitant la nature, ndlr) avant l’heure: une culture à trois étages, avec le palmier qui protège l’arbre fruitier, le fruitier qui protège le potager, c’est naturel dans une oasis », souligne Patrick Ali El Ouarghi, un Franco-Tunisien qui a créé, en 2011, une maison d’hôte écologique à Nefta.

Dar Hi est aussi un laboratoire d’idées, le « Palm Lab », où sont invités artistes, architectes et ingénieurs pour imaginer comment préserver « ce monde merveilleux » qu’est Nefta, haut lieu du soufisme. Il faut « redonner envie aux investisseurs, aux agriculteurs, de réinvestir l’oasis, qui est un peu en perdition », estime M. Ouarghi, 54 ans.

On introduit de nouvelles techniques, comme l’irrigation goutte-à-goutte et l’énergie solaire

Avec ses associés, ce fan d’innovation y a « introduit de nouvelles techniques, comme l’irrigation goutte-à-goutte et l’énergie solaire ». Il déplore le gâchis du système actuel d’inondation des parcelles — une fois par semaine — avec de l’eau pompée à 100 mètres de profondeur.

Des chameaux regardent dans le désert tunisien près du Chott (lac salé) au nord de l’oasis de Nefta, dans le sud-ouest de la Tunisie, le 12 février 2022. Photo de Fethi BELAID/AFP via Getty Images.

Pour relancer Nefta, M. Ouarghi et ses amis ont également écrit un livre, « La cuisine de l’oasis – Se nourrir de l’essentiel », car « dans une oasis on n’a rien mais on ne manque de rien ».

« C’est une cuisine ancestrale et simple qui date de l’arrivée des nomades », relate-il, quand Nefta était « un lieu de passage des caravanes » qui « déposaient des saveurs et épices inconnues, restées ici comme une tradition ».

On fabrique nos épices

« L’une des particularités de Nefta c’est qu’on fabrique nos épices. Ce n’est pas la même chose que les acheter au marché: le nettoyage des feuilles, l’odeur, le goût, tu sais exactement comment faire », confirme Najah Ameur, la cheffe cuisinière de Dar Hi.

Mme Ameur, 40 ans, prépare « les recettes de sa mère » et d’autres inventées par « Fegh » (Frédérick E. Grasser-Hermé), figure de la gastronomie française. « Beaucoup d’ingrédients viennent de la palmeraie: le persil, le céleri, les blettes, les fèves vertes, les petits pois », dit-elle.

Non loin de Dar Hi, d’autres pionniers tentent de valoriser l’oasis.

Tombé amoureux des dattes et du Sud

Kevin Klay, ex-coopérant américain à Sousse (nord), est tombé amoureux des dattes et du Sud. « On a réalisé que 20 à 30% des dattes sont jetées ou données comme nourriture aux chameaux, juste parce qu’elles n’ont pas un bel aspect », dit-il.

Un employé présente du sucre de datte, produit à partir de fruits du désert certifiés biologiques,  dans l’oasis reculée de Nefta, à sept heures de route de la capitale tunisienne côtière Tunis, le 12 février 2022. Photo de Fethi BELAID/AFP via Getty Images.

Il a acheté quelques kilos, les a fait sécher chez lui puis les a broyées dans une machine à moudre le café. Résultat: une poudre « cinq fois moins calorique » que le sucre blanc et « bien plus saine », contenant « plus de potassium qu’une banane ».

M. Klay, 35 ans, a lancé sa fabrique Dateible en 2018. Elle emploie une dizaine de personnes. Sa société reçoit, dit-il, « une forte demande des Etats-Unis où elle exporte en gros, et a lancé la vente au détail, prévoyant cet été une présence dans les supermarchés (bios) +Whole Foods+ et de se développer en Europe ».

Et puisque rien ne se perd dans la palmeraie, d’autres idées ont germé dans les oasis pour recycler les dattes: du café au noyau de datte ou de la mélasse pour pâtisserie.

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