George Simion à Epoch Times : « Les cadres communistes du régime de Ceaușescu sont toujours aux commandes sous un vernis pro-européen »

Par Etienne Fauchaire
11 mai 2025 06:50 Mis à jour: 25 mai 2025 16:37

ENTRETIEN EXCLUSIF – Porté par plus de 40 % des suffrages au premier tour de l’élection présidentielle roumaine, George Simion incarne pour ses partisans une révolte contre un système. Pour le candidat national-conservateur, la révolution de 1989 n’a été qu’un trompe-l’œil : les cadres du régime de Ceaușescu auraient conservé les rênes du pays, ne faisant que troquer l’uniforme communiste contre le costume démocrate. Depuis l’annulation, le 6 décembre 2024, du scrutin présidentiel, une décision qu’il n’hésite pas à qualifier de « coup d’État » orchestré par les « néo-marxistes » au pouvoir, il veut se poser comme la « voix du peuple roumain » face aux « forces mondialistes », dans son pays et à Bruxelles. Fraude électorale, vision de l’Europe, guerre en Ukraine… À une semaine du second tour, le leader du parti souverainiste Aur répond aux questions d’Epoch Times sur cette séquence politique qu’il juge déterminante pour l’avenir démocratique de la Roumanie.

Epoch Times : En remportant plus de 40 % des suffrages au premier tour de la présidentielle, vous avez réalisé un score d’ampleur, qui dépasse de dix points les meilleures projections et creuse un écart très important avec votre adversaire du second tour, Nicușor Dan. À quoi attribuez-vous cette percée jugée historique par certains observateurs ?

George Simion : La Roumanie traverse une situation extraordinaire : le 6 décembre 2024, l’élection présidentielle a tout simplement été annulée. Le peuple roumain vit cette décision comme une profonde humiliation, une blessure infligée à la souveraineté populaire. Cette dérive totalitaire porte atteinte à la dignité humaine. Et c’est précisément pour cela que les Roumains ont voté pour moi.

Le peuple nous soutient car nous sommes restés fidèles à l’État de droit, à l’ordre constitutionnel et aux principes fondamentaux de la démocratie.

Les Roumains aspirent à demeurer une nation démocratique. Ils ne veulent pas que leur pays devienne une copie de la Biélorussie, de la Chine ou de l’Iran. En Iran, par exemple, des élections ont lieu, mais ce sont les ayatollahs qui décident seuls qui a le droit de se présenter. Une démocratie privée de choix n’en est plus une.

Ce qu’il s’est produit le 6 décembre n’a aucun équivalent dans l’histoire démocratique des États membres composant l’Union. Mépriser ainsi la souveraineté populaire, c’est non seulement une menace pour la démocratie roumaine, mais aussi un coup porté à la crédibilité même de l’Union européenne.

Comment évaluez-vous vos chances de victoire au second tour de l’élection présidentielle ?

Si les élections du 18 mai sont réellement libres et équitables, alors ce sera une victoire écrasante.

Mais ici, en Roumanie, nous faisons face à une vague massive de désinformation, savamment orchestrée par des médias mondialistes, dont nombre sont financés par des organisations à la solde de Soros. Ces relais de propagande multiplient les mensonges : ils prétendent que je m’apprêterais à licencier des enseignants, déclencher des élections anticipées ou encore plonger le pays dans le chaos.

Le lendemain de ma victoire au premier tour, le gouvernement a présenté sa démission, son candidat ayant été éliminé dès cette première phase du scrutin. Dès le jour suivant, notre monnaie a chuté et, sans attendre, on m’en a rendu responsable. On m’a accusé de semer l’instabilité économique, simplement parce que le système n’a pas obtenu le résultat qu’il espérait.

Nous faisons face à un appareil puissant, soutenu par l’élite en place, les bureaucrates de Bruxelles et certaines forces politiques françaises. Mais je garde foi en la force du peuple roumain et en le courage de ceux qui se battent pour la vérité et la liberté. Je sais que ce combat, nous pouvons le gagner.

Toutefois, vous avez mis en doute l’intégrité du processus électoral à l’approche du second tour et accusez le gouvernement en place d’être prêt à recourir à la fraude pour se maintenir au pouvoir. Sur quels éléments concrets repose une telle accusation ?

Le scrutin du 4 mai s’est, dans l’ensemble, déroulé dans de bonnes conditions. Aucun signalement significatif de vol de bulletins ou de détournement manifeste n’a été rapporté. Cependant, nous avons découvert une faille majeure qui entache profondément la crédibilité du processus électoral roumain : les listes électorales sont massivement corrompues par la présence de citoyens… décédés.

Des millions de morts figurent toujours parmi les électeurs inscrits.

Selon les données officielles du recensement de 2021, la Roumanie compte environ 19 millions d’habitants. Or, parmi eux, plus de 3,5 millions sont mineurs, donc inéligibles au vote. Pourtant, les listes électorales « officielles » recensent près de 18 millions d’électeurs inscrits. Cette anomalie statistique est flagrante : mathématiquement, elle est impossible à justifier autrement que par une grave négligence ou une volonté délibérée de maintenir des électeurs fictifs dans le système.

Pour en avoir le cœur net, nous avons mené une enquête. Des lettres personnalisées ont été envoyées à des citoyens âgés dans tout le pays, en nous basant sur les données des registres électoraux. Les réponses que nous avons reçues sont édifiantes. Des familles nous ont informés que leurs parents, grands-parents, parfois décédés depuis dix, quinze ans ou plus, figuraient encore sur les listes. Plus inquiétant encore : lors de précédents scrutins, ces disparus étaient bel et bien « revenus d’entre les morts » pour voter.

C’est là notre préoccupation centrale : que le régime autoritaire de Bucarest, avec l’appui de réseaux mondialistes, utilise ces listes électorales gonflées pour manipuler les taux de participation et fausser les résultats.

Face à ce risque de fraude, une vigilance internationale renforcée est indispensable. Nous saluons la présence de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE ainsi que celle de James E. Trainor III, commissaire de la Commission électorale fédérale des États-Unis. Le monde libre doit prêter une attention particulière à l’intégrité du processus électoral roumain.

Vous affirmez que des millions d’électeurs fantômes figureraient sur les listes électorales et que vous êtes en mesure d’en apporter la preuve. Comment les autorités roumaines ont-elles réagi lorsque vous les avez interpellées à ce sujet ?

Ils n’ont jamais apporté la moindre explication sur la présence massive de personnes décédées sur les listes électorales. À ce jour, il n’existe pas — ni en Roumanie, ni dans la diaspora — 18 millions de citoyens vivants et éligibles au vote. Et pourtant, c’est bien ce chiffre qui est officiellement avancé.

Lorsque la question leur est posée, les autorités se contentent de répondre : « Oui, la liste compte 18 millions de personnes. » Mais pourquoi ? Pas de réponse.

L’Autorité électorale permanente, le ministère de l’Intérieur et les services de police rejettent toute critique en brandissant les étiquettes désormais bien rodées de « fake news » ou de « désinformation ». Mais ce refus de répondre à la question la plus simple — d’où viennent ces trois millions d’électeurs fantômes ? — ne fait que renforcer les soupçons.

Ils éludent un enjeu fondamental : l’intégrité même du processus démocratique.

Dès le premier tour, cette liste électorale artificiellement gonflée a biaisé les seuils de participation requis et ouvert la voie à une manipulation des résultats. Et à l’approche du second tour, notre inquiétude grandit : rien n’empêche désormais une soudaine et suspecte envolée du taux de participation.

Si un million et demi de votes « supplémentaires » apparaissaient sans justification claire, ce serait un signal d’alerte évident : celui d’une tentative de vol électoral orchestrée par l’establishment.

Pour justifier l’annulation du scrutin présidentiel en décembre dernier, la Cour constitutionnelle roumaine s’est appuyée sur des soupçons d’ingérence russe visant à promouvoir Călin Georgescu sur TikTok. Or, s’il n’existe à ce jour aucune preuve formelle d’une telle ingérence, il a été par la suite établi qu’une campagne sur le réseau social a été financée par le parti au pouvoir. Que s’est-il passé selon vous ?

En effet, ce n’est pas la Russie qui a financé des publicités diffusées sur les réseaux sociaux. La réalité est toute autre : c’est le Parti national libéral (PNL), actuellement au pouvoir, qui a financé une part importante des campagnes politiques sur TikTok. Et cela a été formellement prouvé. L’argent laisse toujours des traces. Et dans ce cas, il s’agissait d’argent public, utilisé par le gouvernement à des fins partisanes.

Aujourd’hui, les mêmes mécanismes sont utilisés pour diffuser des mensonges à mon sujet. On m’accuse d’être violent, voire prétendument « pro-russe ». Or, mes positions à l’encontre de l’influence du Kremlin et de tous les régimes autoritaires ont toujours été claires et publiques.

Mais ils n’hésitent pas à instrumentaliser certains rouages de l’État profond et des institutions officielles pour effrayer la population et peser sur l’opinion. Même la Banque nationale de Roumanie a été impliquée, aux côtés d’acteurs financiers comme JP Morgan, dans la dévaluation de notre monnaie nationale.

Vous avez également dénoncé des ingérences françaises dans le processus électoral roumain. Détenez-vous des éléments de preuve pour étayer ces accusations ?

Ces dernières semaines, l’ambassadeur de France Nicolas Warnery s’est comporté comme l’un des plus zélés agents électoraux en Roumanie, au mépris des usages diplomatiques les plus élémentaires. Sa rencontre avec le président de la Cour constitutionnelle et avec des membres du Conseil national de l’audiovisuel constitue une entorse grave au protocole diplomatique.

J’aimerais poser une question à Emmanuel Macron, qui ne bénéficie plus du soutien populaire dans son propre pays : pourquoi ne pas respecter le droit du peuple roumain à décider, en toute liberté, de son avenir politique ?

Nous sommes prêts à dialoguer institutionnellement avec tous les gouvernements du monde, mais nous n’acceptons aucun tuteur. L’ère des empires est révolue.

La France n’a aucune autorité sur la Roumanie, car nous ne sommes pas une colonie : nous sommes un État libre, indépendant et souverain.

C’est pourquoi j’en appelle à l’opinion publique internationale, à nos alliés au sein de l’Union européenne et de l’OTAN : respectez la souveraineté du peuple roumain.

Vous critiquez vivement l’Union européenne, que vous accusez de vouloir imposer « un agenda mondialiste woke », de promouvoir une logique de guerre et de restreindre les libertés. Quelle sera votre approche des relations avec Bruxelles si vous êtes élu président ?

La Roumanie est membre de l’Union européenne, et elle entendrait le rester sous ma présidence. Cependant, nous voulons davantage de pouvoir pour les 27 États membres de l’UE. Le pouvoir doit revenir aux nations européennes, non à une technocratie bruxelloise composée de bureaucrates non élus qui, aujourd’hui, cherchent à modifier les traités de l’UE sans consulter les peuples concernés.

Par ailleurs, la liberté de choisir démocratiquement ses représentants doit être garantie partout en Europe.

Nous assistons pourtant à des dérives préoccupantes : l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques devient une réalité de plus en plus visible. En Pologne, où des élections se tiendront également le 18 mai, des opposants sont victimes de l’État policier. En France, Marine Le Pen est frappée d’inéligibilité. En Allemagne, c’est l’AfD que certains veulent interdire.

Je tiens ici à saluer le discours de JD Vance à la Conférence de Munich sur la sécurité : ce fut un moment fort pour toutes les consciences attachées à la liberté.

Nous voulons la justice. Nous cherchons la vérité. Mais plus encore, nous voulons rester libres, et pleinement membres du monde libre.

Or, certains acteurs, qu’il s’agisse des mondialistes ou de la Russie, cherchent à nous diviser en créant deux blocs géopolitiques antagonistes : l’un structuré autour des États-Unis, l’autre autour de l’Union européenne. Nous, au contraire, plaidons pour l’unité du monde libre.

Comment vous positionnerez-vous vis-à-vis de la guerre en Ukraine ?

Poursuivre l’escalade de cette guerre ne présente aucun intérêt. Aussi, nous soutenons les efforts de l’administration Trump, qui s’engage dans de véritables négociations de paix et œuvre activement à l’obtention d’un cessez-le-feu durable. La paix demeure la seule voie possible.

La situation, toutefois, reste complexe. La Russie a rejeté l’accord de paix proposé par le président Trump. Mais il faut que Moscou accepte de se mettre à la table des négociations, de faire des concessions et de mettre un terme à cette guerre.

Pour conclure, vous soutenez que le régime communiste d’avant la révolution roumaine de 1989 n’a jamais véritablement disparu. Selon vous, Nicolae Ceaușescu, devenu encombrant, aurait été sacrifié pour permettre aux communistes de se maintenir au pouvoir, cette fois sous un vernis “démocrate” et “pro-européen”. Vous affirmez que “ces néo-marxistes cherchent à instaurer une dictature depuis Bruxelles”. Pouvez-vous préciser votre propos ?

En 1989, seule la façade de la dictature s’est effondrée ; ses fondations, elles, sont restées solidement ancrées. Après quarante-cinq années de régime communiste, ni les institutions, ni les services secrets de l’État profond, ni les hommes de l’appareil n’ont disparu. Ils ont alors simplement changé de costume.

La Révolution de décembre 1989 fut en réalité le théâtre d’une opération de manipulation orchestrée par l’élite communiste pour conserver les rênes du pouvoir, avec l’appui de la télévision nationale.

Ceaușescu écarté, ses anciens complices se sont empressés de troquer les symboles du communisme contre les apparats de la démocratie. Certains ont créé des partis de gauche, d’autres de droite — mais tous sont restés les rouages interchangeables d’un même système verrouillé.

Pendant plus de trois décennies, ils ont œuvré main dans la main pour barrer la route à tout outsider et empêcher tout visage neuf d’ébranler leur monopole sur le pouvoir. Après quarante-cinq ans de dictature communiste, le prétendu changement de régime suite à la révolution de 1989 n’était qu’une illusion soigneusement fabriquée. Et aujourd’hui, le peuple roumain a conscience avec amertume de l’ampleur de la tromperie.

Mais cette fois, quelque chose a changé. Avec la victoire de Călin Georgescu, ce système figé a vacillé pour la première fois.

Le peuple ne croit plus aux récits lénifiants des médias dominants, qui ne font pas du journalisme, mais servent de relais de propagande. Les Roumains ne sont plus dupes. Lorsqu’ils voient les attaques coordonnées, les calomnies relayées à l’unisson, ils comprennent qu’ils ont en face d’eux un système prêt à tout pour se maintenir.

À l’approche du second tour, ils feront tout pour me salir, me disqualifier, m’éliminer de la course présidentielle. Mais je ne suis pas ici pour moi-même. Je suis ici pour porter la voix du peuple roumain. Et elle triomphera.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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