Sébastien Laye : « Il est urgent d’appliquer à la Sécurité Sociale une version du DOGE américain »

Par Julian Herrero
28 mai 2025 12:16 Mis à jour: 28 mai 2025 17:06

ENTRETIEN – Pour la deuxième fois, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes des CAF. « Le montant des erreurs non corrigées par les actions de contrôle interne est particulièrement élevé : 6,3 milliards d’euros de versements indus, mais aussi de prestations non versées ont été constatés à la fin de 2024, qui ne seront jamais régularisés », est-il notamment écrit dans un communiqué de l’institution publié le 16 mai.

Sébastien Laye est économiste, entrepreneur, chroniqueur et Economic Policy Advisor de Republicans Overseas. L’économiste pointe du doigt l’irresponsabilité financière des fonctionnaires en charge des CAF. Dans cet entretien, il revient également sur les actifs numériques.

Epoch Times : Que vous inspire la non-certification des comptes des CAF ?

Sébastien Laye : Il s’agit d’une déroute récurrente pour la Sécurité Sociale. Non seulement, comme vous le signalez, c’est la deuxième année que les CAF sont ainsi pointées du doigt (avec comme conséquence la non-certification des comptes par la Cour des Comptes, son organisme de contrôle), mais cette fois-ci, la Cour des Comptes émet des réserves sur 4 des 5 branches de la Sécurité Sociale.

Le problème de mauvaise gestion va bien au-delà des seules CAF. Sur les CAF plus particulièrement, quelques chiffres à garder en tête : cela représente 104 milliards d’euros par an de prestations (plus que le budget de n’importe quel ministère), avec 8 % d’erreurs de calcul ou de fraudes. Ces erreurs sont encore une fois générales : sur l’assurance-maladie par exemple, on enregistre 3,3 milliards d’euros juste de montants mal calculés, et 2 milliards de fraudes minimum. Même pour l’assurance-vieillesse, une pension sur dix contient des erreurs de calcul.

Ces erreurs ont donc un impact très lourd sur notre modèle social et nos finances publiques ?

Pour les CAF, il y a 4,25 milliards d’euros de fraude potentielle, en forte hausse, sur le RSA, la prime d’activité ou les aides au logement. Pour la seule prime d’activité, plus d’un dossier sur quatre est erroné !

Ce n’est donc pas qu’un sujet de fraude, mais aussi un problème d’incompétence ou du moins d’irresponsabilité. Les fonctionnaires en charge de ces programmes sociaux n’ont aucun sens de leurs responsabilités financières.

En tant qu’économiste, que préconisez-vous pour une meilleure gestion des comptes des CAF ?

Cela fait au moins 5 ans que la Cour des Comptes étrille les CAF. Un plan d’amélioration a bien été lancé en 2023. Il a été appliqué aux trois quarts fin 2024. Résultat ? « Aucune amélioration notable », selon la Cour.

La situation s’aggrave avec une irresponsabilité qui essaime. Il est urgent d’appliquer à la Sécurité Sociale une version du DOGE américain à l’aide de la technologie et de l’IA, pour traquer non seulement la fraude qui est réelle, mais aussi les erreurs de calcul et les paiements indus. Cela demande aussi une réorganisation managériale des CAF, avec des changements de statuts et des licenciements de certains managers.

Parlons désormais des actifs numériques. Dans une tribune, vous écrivez notamment que les crypto-actifs constituent un « levier stratégique ». Pourriez-vous développer ?

Chaque nation peut mieux mobiliser ses ressources locales et spécificités en utilisant les cryptos-actifs, qui constituent un édifice financier global et fluide par nature, avec moins d’intermédiaires, de frais et d’obstacles en tout genre aux flux de capitaux.

Si les États-Unis de Donald Trump montrent la voie notamment avec une libéralisation des stablecoins (cryptomonnaies dont la valeur est indexée sur un actif stable, ndlr), qui vont permettre d’ailleurs à l’Amérique de mieux financer sa dette publique, de nombreux États émergents ont intérêt à développer leur infrastructure crypto prioritairement.

Aujourd’hui, les flux financiers dans le monde traditionnel sont encore limités, mais demain, le nouvel écosystème numérique permettra plus facilement d’investir au Brésil, au Kazakhstan ou au Moyen Orient.

Pourquoi les actifs numériques continuent-ils de susciter des réticences, notamment en France ?

Vieux réflexe atavique contre la finance et l’argent… Les pouvoirs publics ne cessent d’entraver l’écosystème des actifs numériques. Dernière attaque en date : l’AMF qui précise que très peu de dossiers de start-up seront in fine validés comme respectant la réglementation européenne MICA.

Ainsi, une institution publique, financée par nos impôts, se permet d’annoncer qu’elle va vraisemblablement détruire de nombreuses start-up « cryptos » – à part peut être celles lancées par les copains de la BPI ou du gouvernement actuel.

Tout cela n’est pas sérieux et montre à quel point les politiques ont une vision dogmatique et rétrograde du sujet.

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