ENTRETIEN – Le président de l’IREF Jean-Philippe Delsol revient pour Epoch Times sur la victoire de Bruno Retailleau à la présidence de LR et son impact idéologique sur la droite.
Epoch Times : Bruno Retailleau a largement remporté la présidence des Républicains. Il a récolté 74,3 % des voix contre 25,6 % pour Laurent Wauquiez. Sa victoire est-elle, pour vous, révélatrice d’un plébiscite des idées libérales-conservatrices à droite ?
Jean-Philippe Delsol : C’est très probable. Il s’agit d’un retour au bon sens et à une certaine tradition de la droite française. Souvenez-vous de l’élection présidentielle de 2017. François Fillon représentait la droite libérale-conservatrice. Malgré les avanies subies, il avait obtenu plus de 20 % des suffrages au premier tour.
Ensuite, Emmanuel Macron a brouillé l’échiquier politique en affaiblissant les partis traditionnels et en menant une politique extrêmement désordonnée. Mais après huit ans de macronisme, les Français commencent à se détourner du chef de l’État et reprennent leurs anciennes habitudes politiques.
Quand la droite a-t-elle été pour la dernière fois dirigée par un libéral-conservateur ? Vous avez parlé de François Fillon, mais il n’a jamais été à la tête du RPR ou de l’UMP à l’époque.
Oui, mais il a été à la tête du gouvernement français. Il l’a d’ailleurs été pendant les cinq ans du mandat de Nicolas Sarkozy. Ce qui prouve que malgré le côté gaulliste de l’ancien président de la République, le libéral-conservatisme de François Fillon avait déjà une influence à droite.
Cela étant, si on cherche un ancien chef d’État qui incarne le mieux ce courant politique, je pense qu’il faut remonter à Georges Pompidou ou Valéry Giscard d’Estaing.
Qu’a-t-il selon vous manqué à Laurent Wauquiez ? Estimez-vous qu’il n’a pas suffisamment incarné ces idées libérales-conservatrices ?
Laurent Wauquiez n’a tout simplement pas incarné d’idées. Même si les Français y sont très attachés, on ne peut pas seulement faire campagne sur le retour à l’ordre. La politique n’est pas unidimensionnelle, pas plus que l’homme ne l’est.
Ainsi, tout homme politique qui centre sa campagne sur un seul sujet est dans l’erreur.
Laurent Wauquiez n’a également pas su émerger parce qu’il a passé beaucoup de temps ces dernières années à hésiter sur le chemin à emprunter.
Quel analyse faites-vous de l’électorat libéral. N’est-il pas aujourd’hui éparpillé ?
Les électeurs libéraux sont effectivement éparpillés. Certains sont partis au RN parce qu’ils accordent de l’importance à l’immigration. Et d’autres ont choisi d’accorder leur confiance à Emmanuel Macron en pensant qu’il était libéral alors qu’il ne l’a jamais été. Le président de la République est libertaire. Il estime que le respect de l’individu passe par une liberté sans responsabilité et que la liberté passe par l’État.
De son côté, le libéral authentique ne peut pas admettre l’expression de cette liberté sans responsabilité et par la puissance étatique.
Les électeurs libéraux vont se rendre compte que ni le RN ni le bloc central ne sont en mesure de répondre à leurs attentes et vont rejoindre la droite.
Dans un article publié sur le site de l’IREF intitulé : « Retailleau et Lisnard, le pari gagnant, conservateur et libéral », vous prônez un rassemblement des libéraux et des conservateurs. « Il est donc urgent que libéraux et conservateurs s’unissent pour réagir, pour rendre à chacun la maîtrise de sa vie dans le choix de ses assurances médicales, des études de ses enfants, de sa retraite, de son logement…, pour sortir de cette spirale destructrice de l’État providence malade de son obésité », écrivez-vous. L’union entre ces deux courants permettrait-elle de rassembler suffisamment d’électeurs pour que la droite gagne les élections en 2027 ?
Pour ma part, j’en suis convaincu. Encore une fois, beaucoup d’électeurs de droite sont partis au RN parce que le discours de ce parti sur la question migratoire est clair, mais parler d’un seul sujet ne suffit pas. Les Français aspirent à une société qui soit à la fois respectueuse de l’individu et qui libère les initiatives. C’est précisément la marque du conservatisme libéral, c’est-à-dire d’un libéralisme éthique.
Vous dites que le RN parle seulement de la question migratoire. L’alliance passée l’an dernier entre Éric Ciotti et Marine Le Pen est donc une impasse ?
Éric Ciotti a fait un autre pari : celui de convaincre le Rassemblement national et notamment Jordan Bardella du bien-fondé du libéralisme.
Il a considéré que le RN manquait d’idées, ce qui n’est pas entièrement faux et a donc décidé de le rejoindre avec un corpus idéologique rattaché à une forme de conservatisme libéral.
Je pense qu’à son niveau, il peut aussi concourir à cette résurgence de la droite libérale-conservatrice aujourd’hui incarnée par Bruno Retailleau.
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