La Chine «joue un rôle indispensable dans le progrès mondial»: l’argument de l’administration Biden pour justifier sa politique d’assouplissement

Par Andrew Thornebrooke
22 juin 2022 18:52 Mis à jour: 22 juin 2022 18:52

Comment rivaliser avec un adversaire tout en se faisant voler sa technologie de pointe ? Comment le vaincre si on le considère comme essentiel à sa propre survie ?

Voilà les questions auxquelles sont confrontés les Américains face au programme politique concernant la Chine de l’administration Biden.

C’est au 26 mai que le secrétaire d’État Anthony Blinken a officiellement exposé les choix politiques de l’administration Biden concernant la Chine.

Les États-Unis ne chercheront en aucun cas à prendre du recul avec le régime, ni sur le plan économique, ni sur le plan politique.

« La concurrence ne doit pas nécessairement conduire au conflit », a déclaré Blinken. « Nous ne le recherchons pas. Nous nous efforcerons de l’éviter. Mais nous défendrons nos intérêts contre toute menace. »

L’annonce de l’administration Biden concernant son orientation politique vis-à-vis de la Chine était très attendue. On s’impatientait d’avoir des informations claires depuis 17 mois. Tout cela s’avère extrêmement décevant. Sans avancer aucun changement concret, le discours de Blinken consistait à résumer ce que l’administration Biden a fait jusque-là. Donc, les États-Unis n’amorceront aucun réel changement politique ou stratégique à l’égard de la Chine.

Selon Derek Grossman, chercheur indo-pacifique pour le think tank Rand Corporation, dans un tweet, tout cela est une « occasion manquée » de poser de nouvelles bases.

Dans les grandes lignes, les choix de l’administration Biden face à la Chine ont fait (implicitement) passer le message suivant : les États-Unis ne s’opposeront pas l’ascension de la Chine ni l’agressivité croissante du Parti communiste chinois (PCC).

C’est de manière très explicite que Blinken a signalé que les États-Unis n’allaient en aucun cas intervenir pour contrer l’ascension de la Chine au rang de grande puissance. Néanmoins, a promis le secrétaire d’État, le gouvernement américain s’assurera que le PCC adhère aux règles internationales… bien que cela n’ait jamais été le cas jusqu’à aujourd’hui.

La nouvelle politique propose une sorte de changement d’image, que Blinken a appelé le « modèle américain », dont la stratégie implicite a été décrite en ces termes : « Investir. Uniformiser. Concurrencer. » Mais que signifient concrètement ces belles paroles ?

« Investir » ou « perdre de l’argent » ?

L’aspect le plus controversé du nouveau « modèle américain » est peut-être l’accent mis sur l’utilisation de l’argent des contribuables pour investir dans certaines industries et poursuivre coûte que coûte les affaires avec la Chine.

« Les États-Unis ne veulent pas couper les ponts avec l’économie chinoise, ni l’isoler de l’économie mondiale, bien que Pékin, par sa rhétorique, poursuive un découplage asymétrique, cherchant à rendre la Chine moins dépendante du monde et le monde plus dépendant de la Chine. »

« Nous investirons dans les fondations de ce qui fait notre force, chez nous », a déclaré Blinken, « dans notre compétitivité, notre innovation, notre démocratie ».

Des « investissements stratégiques » seront réalisés, a-t-il annoncé, dans les domaines de l’éducation, de l’intelligence artificielle, de la biotechnologie et de l’informatique quantique. Comment ces investissements seront réalisés ? Quels seront leurs montants ? Quels seront les organismes concernés ? Quelle est leur finalité ? Rien de tout cela n’a été expliqué plus en détail.

Au moment d’aborder les fonds spécifiques que le gouvernement dédicacera à la question chinoise, Blinken est resté très vague. Il a évoqué deux projets de lois relatifs aux dépenses, qui ont été adoptés l’année dernière.

Le premier était le projet de loi sur les infrastructures, prévoyant une dotation totale de 1200 milliards de dollars dans divers projets de rénovation ainsi que dans l’internet haut débit. Ce projet de loi a été adopté après l’échec du projet Build Back Better, un plan de réforme sociale et environnementale de 1800 milliards de dollars.

Le second est le projet de loi U.S. Innovation and Competition Act. Il a été voté par le Sénat le 8 juin dernier à une large majorité visant à débloquer plus de 100 milliards de dollars dans la technologie. La version de la loi de la Chambre des représentants, l’America COMPETES Act, a été adoptée plus tôt cette année, et les deux projets de loi sont actuellement examinés par un comité bicaméral visant à concilier les différences entre les deux textes.

La décision de l’administration de ne pas encourager le découplage entre les États-Unis et la Chine soulève des inquiétudes quant au caractère véritablement stratégique de tout investissement américain, étant donné que le PCC vole régulièrement les nouvelles technologies développées par les États-Unis.

Il est probable que cette décision a été motivée par deux groupes d’intérêt.

Le premier groupe d’intérêt : les grandes sociétés américaines qui entretiennent des liens commerciaux avec la Chine.

Les grandes entreprises américaines craignent, non pas que le PCC vole leurs technologies, les contraigne à adopter des pratiques commerciales différentes ou utilise les travaux forcés pour produire leurs biens, mais que leurs investissements en Chine soient perdus.

« Nous sommes toujours plus conscients qu’une de nos principales faiblesses, c’est le fait que les sociétés de Wall Street, les banques américaines et les sociétés d’investissement continuent sans démordre à considérer la Chine comme un grand marché ou une grande opportunité d’investissement », a déclaré Arthur Herman, chercheur principal de l’Hudson Institute, un think tank basé à Washington.

De même, un article du magazine Harvard Business Review de l’année dernière indiquait succinctement : « Aucun des cadres interrogés ne souhaite voir tomber à l’eau le temps, les efforts et les investissements qu’il a consacrés au développement de son activité en Chine. »

Un autre article d’opinion paru dans l’hebdomadaire Barron’s s’inquiétait d’un découplage forçant les entreprises à devoir choisir entre les lois chinoises ou américaines.

La deuxième force qui cherche à empêcher l’administration Biden d’adopter une position plus ferme à l’égard de la Chine est, de manière quelque peu ironique, l’administration Biden elle-même, et plus précisément les membres les plus progressistes.

Un rapport (pdf) de Michael Sobolik, chercheur sur les questions indo-pacifiques pour le think tank American Foreign Policy Council, basé à Washington, indique que de nombreux membres de l’administration souhaitaient adopter une position plus ferme à l’égard de la Chine. Cependant, leurs voix ont été étouffées par les membres les plus engagés selon lesquels le partenariat avec la Chine est indispensable pour poursuivre les initiatives mondiales en matière de changement climatique.

Selon M. Sobolik, l’administration Biden n’a pas réussi à adopter des mesures strictes qui auraient permis de mettre un frein aux entreprises impliquées dans le travail forcé dans la région chinoise du Xinjiang, en raison d’une « lutte acharnée entre les agences … entre les équipes chargées de la sécurité nationale et celles en charge du changement climatique ».

Les commentaires de M. Sobolik indiquent que l’administration Biden a d’abord envisagé d’interdire totalement les panneaux solaires produits via le travail forcé dans le Xinjiang, mais qu’elle s’est finalement contentée d’interdire les importations d’une seule grande entreprise, la Hoshine Silicon Industry.

Le département du Commerce a ensuite ajouté trois entreprises du solaire à la liste des exportations interdites. À noter que ces sociétés peuvent sans difficulté se dissoudre et se reformer sous un nouveau nom pour contourner les interdictions.

« Le message est clair », écrit M. Sobolik, « l’administration Biden réfléchira à deux fois avant de sanctionner des entités étrangères si cela menace l’agenda climatique ou irrite des alliés clés ».

Qui devra s’uniformiser ?

Blinken a reconnu que la Chine est toujours plus brusque depuis l’ascension de Xi Jinping pour mettre au pas la communauté internationale. Les États-Unis s’efforceront, a-t-il expliqué, de créer un environnement stratégique qui leur soit favorable.

« Nous ajusterons nos efforts à notre réseau d’alliés et de partenaires, en agissant dans un but commun et pour une cause commune », a-t-il annoncé.

« Nous ne pouvons pas compter sur Pékin pour changer sa trajectoire. Nous devrons donc façonner l’environnement stratégique autour de Pékin afin de faire avancer notre vision d’un système international ouvert et inclusif. »

À cet égard, les États-Unis ont une certaine influence, bien qu’elle s’estompe, et la décision de l’administration de ne pas confronter directement la Chine sur des questions extrêmement importantes telles que la défense de Taïwan, entamera sans aucun doute la confiance de bien des pays.

Néanmoins, quelques progrès ont été réalisés.

L’administration a contribué à accroître l’importance du Quad (un groupe informel composé des États-Unis, de l’Inde, de l’Australie et du Japon), elle a signé l’accord AUKUS visant à fournir à l’Australie des sous-marins à propulsion nucléaire, et s’efforce de renforcer la légitimité de l’ANASE dans l’espoir d’unir les nations d’Asie du Sud-Est plus favorables à l’Occident, dans une quête commune de marchés ouverts et d’accords de sécurité.

Elle a également signé récemment le Cadre économique indo-pacifique (IPEF), un accord entre 14 pays, qui vise à développer les économies participantes par le biais du développement de chaînes d’approvisionnement communes et de politiques de lutte contre le changement climatique.

Les États-Unis ont toujours considéré la Chine comme un cas problématique en termes d’uniformisation. Très attachée à sa propre souveraineté, la Chine refuse régulièrement de modifier ses objectifs stratégiques ou politiques pour s’accommoder aux autres nations.

Cette attitude évolue subtilement néanmoins, notamment envers la Russie, mais aussi au niveau mondial.

Le dévouement indéfectible du PCC envers la Russie, tout au long de la guerre en Ukraine, constitue un point litigieux avec la communauté internationale. La Chine s’est dotée, semble-t-il, d’un allié officiel.

Le régime communiste a également tenté récemment de précipiter la conclusion d’un accord de sécurité avec dix pays du Pacifique, probablement dans le but d’étendre sa propre présence militaire mondiale et de bénéficier d’un avantage maritime stratégique par rapport à la marine américaine.

Il y a aussi l’Initiative Ceinture et Route. Le régime investit plusieurs milliers de milliards de dollars dans des infrastructures sur l’ensemble du monde dans le but d’étendre son influence économique et politique. Dans le cadre de la stratégie dite du « collier de perles », le régime prévoit de construire un réseau de ports et d’installations militaires allant de l’Afrique à Hong Kong en intégrant plusieurs points névralgiques du commerce mondial.

« La Chine monopolise les passages stratégiques dans la région de l’océan Indien, en investissant dans des ports importants sur le plan géopolitique, de Hong Kong au Soudan », indique un rapport de l’Institute for Security and Development Policy (ISDP), un think tank basé à Stockolm. « Le collier de perles encercle littéralement les pays voisins, notamment l’Inde. »

Les États-Unis ont donc déjà perdu un avantage non négligeable dans leur capacité à façonner l’environnement stratégique de l’Indo-Pacifique, et les efforts croissants du PCC pour englober les intérêts des petites nations dans ses propres projets soulèvent des doutes quant à la manière dont l’administration Biden sera capable d’assumer efficacement le troisième point de sa politique chinoise : « Concurrencer. »

Quelle concurrence ?

Blinken a déclaré que les États-Unis étaient « bien placés pour concurrencer la Chine dans des domaines clés » en poursuivant leur stratégie d’investissement et d’uniformisation. En réalité, pour l’heure, les résultats sont peu probants.

Globalement, l’administration Biden a maintenu un bon nombre de politiques chinoises mises en place par Trump, mais elle envisage désormais de lever les droits de douane sur les produits chinois, sous prétexte de réduire les taxes.

Elle s’est également attiré les critiques pour son manque de fermeté face aux efforts d’espionnage industriel effrénés du régime, ses efforts expansionnistes dans les mers de Chine orientale et méridionale et ses nombreuses violations des droits de l’homme (dont un génocide admis officiellement).

De plus, l’administration a mis fin à la China Initiative de l’ère de Trump visant à lutter contre l’espionnage chinois, sous prétexte qu’elle créait un climat d’intolérance envers les Sino-américains, malgré une enquête du département de la Justice qui n’a abouti sur aucune preuve de racisme antichinois exacerbé.

Blinken a déclaré que les États-Unis devaient contrer l’appareil répressif du parti unique chinois, en démontrant la validité du système libéral, qui, selon lui, n’est pas fondé sur des « valeurs occidentales », mais sur des « aspirations universelles ». Blinken a également déclaré que le fonctionnement libre des États-Unis était exploité par la Chine, afin d’être miné.

« Notre tâche est de prouver une fois de plus que la démocratie peut relever les nouveaux défis, créer des opportunités et faire progresser la dignité humaine. L’avenir appartient à ceux qui croient en la liberté. »

Au nom du progrès mondial, une position plus souple envers la Chine

Dans l’ensemble, la stratégie de l’administration Biden à ce jour, pourrait être décrite comme une conciliation. Une conciliation avec les intérêts des entreprises, et une conciliation avec le lobby du climat.

Dans quel but ?

Faisant écho aux progressistes de l’administration Biden qui relaient les questions de sécurité nationale derrière celles du changement climatique, Blinken a déclaré que les États-Unis ne pouvaient tout simplement pas réaliser leurs ambitions climatiques et sanitaires sans l’aide de la Chine.

En d’autres termes, les États-Unis se dévouent et sont prêts à collaborer avec la Chine en sacrifiant leurs propres intérêts au nom de la planète.

« Il n’y a tout simplement aucun moyen de résoudre le problème du changement climatique sans le leadership de la Chine, le pays qui produit 28% des émissions mondiales », a déclaré Blinken.

« La Chine fait également partie intégrante de l’économie mondiale et de notre capacité à résoudre des défis allant du climat au Covid-19. En termes simples, pour l’heure, les États-Unis et la Chine doivent composer ensemble. »

 » Inverstir, uniformiser, concurrencer, certes, mais nous collaborerons avec Pékin là où nos intérêts se rejoignent », a ajouté le secrétaire d’État. « Nous ne pouvons pas laisser les questions qui nous divisent nous empêcher d’avancer sur les priorités pour lesquelles nous devons collaborer, pour le bien de nos peuples et pour le bien du monde. »

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