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La douceur de ne rien faire : redécouvrir l’ennui

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L'ennui favorise l'émerveillement, l'ouverture d'esprit et l'envie de voir le monde sous un autre angle.

Photo: Crédit photo Biba Kayewich

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Durée de lecture: 5 Min.

« Il dolce far niente » – « la douceur de ne rien faire ». Cette expression italienne semble étrange aux oreilles contemporaines, où l’obsession de l’action domine. Pourtant, ne rien faire n’est pas synonyme de perte de temps. L’ennui, loin d’être une faiblesse, constitue un outil essentiel pour la créativité, l’introspection et le bien-être mental.
Une étude de psychologie a révélé que 67% des hommes et 25% des femmes préfèreraient s’administrer une légère décharge électrique plutôt que de rester seuls avec leurs pensées pendant quinze minutes. L’ennui, redouté, nous confronte à nous-mêmes – sans distractions, sans dopamine. Et c’est précisément ce qui le rend si précieux.
L’ennui, moteur de créativité et de réflexion
Les neurosciences et la psychologie s’accordent : le cerveau a besoin de pauses. Chaque activité mobilise ses cellules nerveuses, qui communiquent sans relâche. Seul le sommeil permet une réelle récupération. Mais même éveillé, des moments d’inactivité sont essentiels pour éviter l’épuisement mental et stimuler la pensée créative. Bryan Robinson l’observe ainsi :

« L’ennui peut en réalité favoriser les idées créatives, reconstituer vos réserves en déclin, raviver votre énergie au travail et offrir une période d’incubation où des idées embryonnaires trouvent l’espace nécessaire pour éclore. Dans ces instants qui semblent vides, inutiles, presque superflus, des stratégies et des solutions, déjà présentes en germe, peuvent enfin prendre forme et s’animer. »

Poètes, inventeurs et artistes l’ont bien compris. Le poète Aaron Angello s’est livré à un exercice singulier : 114 matins consécutifs, il réfléchissait trente minutes sur un mot du Sonnet 29 de Shakespeare, avant d’écrire sans interruption. Ce temps d’ennui quotidien a donné naissance à un livre intitulé The Fact of Memory: 114 Ruminations and Fabrications. M. Angello y voit l’une des méthodes d’écriture les plus productives qu’il ait expérimentées.
L’ennui, une porte vers la conscience
Dans son essai You Can’t Have Creativity Without Boredom (Il n’y a pas de créativité sans ennui), Aaron Angello compare son expérience à celle de voyageurs immobiles dans un train : assis, libérés de distractions, ils passent d’une attention superficielle à un état propice à la créativité. Jeffrey Davis, dans le magazine Psychology Today, confirme : « les tâches monotones augmentent ensuite la créativité. L’ennui devient alors un moteur d’ouverture et de curiosité, préparant l’esprit à de nouvelles expériences et idées. »
Seul, mais pleinement présent
L’ennui favorise aussi l’introspection. La solitude, souvent redoutée, est nécessaire pour assimiler nos expériences et construire notre identité. Dans son livre Reclaiming Conversation: The Power of Talk in a Digital Age (Reprendre le contrôle de la conversation : le pouvoir de la parole à l’ère numérique), Sherry Turkle, professeure au MIT, écrit : « La solitude est l’endroit où vous vous retrouvez vous-même, afin de pouvoir ensuite aller vers les autres et tisser de véritables liens. » Apprendre à rester seul, accepter le silence et l’ennui, permet de se reconnecter à l’instant présent et d’observer le monde autour de soi.
Aaron Angello témoigne : « Privé de toute distraction électronique, j’ai passé un moment seul au bord d’un ruisseau. Le temps a ralenti. Je suis passé de l’action au simple “être”, découvrant un monde soudain pleinement présent, et m’émerveillant de sa beauté. »
Intégrer l’ennui dans notre quotidien
Pour Bryan Robinson, ces expériences méritent une place dans nos agendas. Plutôt qu’une «liste à faire », il propose une « liste à être », consacrée à l’existence pure : marcher, méditer, observer, contempler. Loin des obligations et des écrans, le cerveau retrouve un équilibre et une santé optimale.
Peu de personnes réservent un créneau « ne rien faire » ou « s’ennuyer », et pourtant ces moments libèrent notre attention, ouvrent l’esprit et favorisent la créativité. Comme le résume Sherry Turkle : « Restez assis, écoutez, apprenez simplement à devenir silencieux, immobile et solitaire. Le monde se révélera à vous de lui-même. »
Walker Larson enseigne la littérature et l'histoire dans une académie privée du Wisconsin, où il réside avec sa femme. Il est titulaire d'une maîtrise en littérature et langue anglaises, et ses écrits sont parus dans The Hemingway Review, Intellectual Takeout, et dans son Substack, "TheHazelnut".

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