Les nouvelles technologies de surveillance en Chine

Les autorités chinoises ciblent les journalistes étrangers, les étudiants et les femmes

Par Anders Corr
8 décembre 2021 11:36 Mis à jour: 8 décembre 2021 11:36

Les autorités provinciales du Henan sont très sérieuses en matière de surveillance des populations. Elles ont récemment lancé un appel d’offres pour un système de surveillance de près d’un million de dollars qui traque spécifiquement les étrangers, notamment les journalistes, les étudiants et les femmes migrantes cherchant illégalement du travail dans le pays – ce sont des « personnes suspectes » selon les autorités du Henan.

Le système est probablement opérationnel en ce moment même, il fonctionne avec 3 000 caméras de sécurité et une technologie de reconnaissance faciale. Il attribue un code de couleur aux personnes en fonction de leur niveau de risque (rouge, jaune ou vert) et dispose d’une armée de policiers prêts à entrer en action contre toute menace de niveau rouge, comme, par exemple, les journalistes ayant un casier judiciaire.

Selon Reuters et la BBC, dont les journalistes ont consulté des documents fournis par la société IPVM spécialisée dans la vidéosurveillance, le gouvernement de la province du Henan a lancé l’appel d’offres le 29 juillet, peu après la couverture négative des inondations du Henan ayant fortement contrarié les autorités. Les autorités ont apparemment été incapables de retrouver les journalistes étrangers qui avaient publié des photos montrant, par exemple, des dizaines de voitures renversées flottant sur l’autoroute.

Le nouveau système de surveillance du Henan brise le moule déjà orwellien du Parti communiste chinois (PCC).

« Alors que la RPC [République populaire de Chine] a toujours détenu et puni les journalistes pour avoir fait leur travail, ce document illustre le premier cas connu où la RPC construit une technologie de sécurité personnalisée pour optimiser la suppression des journalistes par l’État », a déclaré le directeur des opérations d’IPVM, Donald Maye, selon Reuters.

Le 17 septembre, la société chinoise Neusoft, dont le siège est à Shenyang, près de la Corée du Nord, a remporté le contrat de 782 000 dollars. Le Henan se trouve juste au nord de Wuhan. Neusoft devait terminer le projet dans les deux mois suivant la signature du contrat.

Les personnes ciblées par cette technologie feront l’objet d’un recoupement informatique avec les fichiers texte et image provinciaux et nationaux déjà existants, stockés dans la base de données nationale du contrôle social toujours plus puissant du PCC.

Le siège de Hikvision à Hangzhou, dans la province chinoise du Zhejiang (est), le 22 mai 2019. (STR/AFP via Getty Images)

« La proposition préliminaire consiste à classer les principaux journalistes concernés en trois niveaux », selon les documents. « Les personnes marquées en rouge sont la préoccupation clé. Le deuxième niveau, marqué en jaune, est constitué de personnes de préoccupation courante. Le troisième niveau, marqué en vert, concerne les journalistes qui ne sont pas nuisibles. »

Les étudiants seront également classés, en « excellents étudiants étrangers, personnel général et personnes clés, ou personnel instable », selon les documents.

De mauvaises notes semblent donc pouvoir transformer les étudiants étrangers en « menace rouge » et attirer l’attention de la police.

« L’évaluation de la sécurité est effectuée en se concentrant sur la fréquentation quotidienne des étudiants étrangers, leurs résultats aux examens, le fait qu’ils viennent ou non de pays clés et le respect de la discipline scolaire », selon les documents. Les écoles seront, semble-t-il, tenues d’informer la police des étudiants considérés comme des menaces pour la sécurité.

La police recevra une alerte pour tout individu considéré comme une « menace rouge » (c’est-à-dire avec un casier judiciaire) réservant un voyage à destination de la province.

Un « mécanisme d’alerte comme en temps de guerre » pourrait être activé, notamment lors d’événements politiques majeurs comme le Congrès national du peuple, au cours desquels la vigilance de la police sera accrue.

Le système absorbera des quantités massives de données personnelles provenant de téléphones portables, de médias sociaux, de véhicules, de séjours à l’hôtel, de billets de voyage, de propriétés et de photos dans les bases de données existantes.

Parmi les migrants illégaux suivis, on retrouvera probablement « un grand nombre de femmes [qui] entrent en Chine pour trouver du travail », selon la BBC. « D’autres qui auront été amenées de pays voisins [victimes] de traites [des êtres humains]. »

La technologie sera « connectée », entre autres, aux bases de données de la police du Henan, du ministère de la Sécurité publique et du Bureau national de l’immigration.

Le PCC a déjà ciblé des catégories particulières de personnes avec une surveillance par intelligence artificielle (IA). En 2020, le Washington Post révélait que Pékin construisait des algorithmes d’IA visant à reconnaître les Ouïghours et à alerter la police. Les Ouïghours, sans parler des Tibétains et des Falun Gong, sont actuellement la cible d’un génocide.

Si la technologie est suffisamment efficace, tous ces individus seront repérés dans la foule en se rendant au supermarché, par exemple, et la police sera alertée. Au lieu de réussir à faire leurs courses, ils seront expédiés dans un camp de concentration où ils pourront éventuellement être stérilisés de force (ou autre).

Ce que le régime du PCC fait aujourd’hui à son propre peuple, il pourra le faire demain partout où il aura pris le contrôle, qu’il s’agisse de Hong Kong, Taïwan, certaines régions du Japon en mer de Chine orientale ou de l’Inde dans l’Himalaya.

La surveillance exercée par le PCC devenant de plus en plus puissante, le pays tout entier se transforme en une gigantesque prison à ciel ouvert dans laquelle quelques fonctionnaires seulement surveillent l’immense majorité. Ils peuvent guetter le moindre geste des populations.

Au 17e siècle, le philosophe Jeremy Bentham a élaboré le concept de structure « panoptique ». L’objectif d’une telle structure carcérale est de permettre à un gardien, logé dans une tour centrale, d’observer tous les détenus, enfermés dans des cellules individuelles autour de la tour sans qu’ils puissent avoir la certitude d’être observés. Le but du panoptique est de donner aux prisonniers le sentiment d’être constamment surveillés sans savoir si c’est véritablement le cas. À supposer que Pékin parvienne à ses fins, il exportera son techno-panoptique dans le monde entier.

Si les pays occidentaux manquent de fermeté, la Chine pourrait généraliser sa forme extrême de communisme et son impitoyable système de surveillance.

Anders Corr est titulaire d’un BA/MA en sciences politiques de l’université de Yale (2001) et d’un doctorat en administration de l’université de Harvard (2008). Il est directeur de Corr Analytics Inc. et éditeur du Journal of Political Risk, et a mené des recherches approfondies en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Il est l’auteur de « The Concentration of Power » (La concentration du pouvoir), à paraître en 2021, et de « No Trespassing » (Entrée interdite) et a édité « Great Powers, Grand Strategies » (Immenses pouvoirs, stratégies globales).


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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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