L’accord gazier entre Israël et l’Europe transformera la géopolitique et la sécurité énergétique européennes

Israël devient un acteur majeur sur la scène énergétique mondiale et menace directement l'influence russe en Europe

Par James Gorrie
20 juin 2022 20:47 Mis à jour: 20 juin 2022 22:55

La semaine passée, Israël s’est officiellement positionné comme fournisseur naturel de l’énergie en Europe, l’un des plus grands marchés de la planète.

L’annonce d’un accord signé le 15 juin par Israël, l’Égypte et l’Union européenne lors du Forum du gaz de la Méditerranée orientale sera une affaire énorme tant pour l’Europe que pour Israël. La recherche par les Européens de sources alternatives de gaz naturel est une conséquence directe de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Une opération importante pour l’Europe et Israël

Pendant des décennies, l’Europe a compté sur le gaz russe, ainsi que sur les bonnes grâces du Kremlin, pour s’approvisionner en énergie. Moscou a, à plusieurs reprises, coupé à volonté le gaz aux nations européennes afin d’influencer leur politique.

L’obtention d’un nouvel accès au gaz israélien permet à l’Europe de s’éloigner de la Russie en tant que source d’énergie, en particulier pour son approvisionnement en gaz naturel.

Il s’agit également d’une avancée considérable pour Israël, qui tire parti de ses gisements de gaz Léviathan situés au large de ses côtes, en Méditerranée orientale, pour devenir un fournisseur d’énergie mondial. Le plan de transport est simple et permettra aux exportations de commencer plus tôt que prévu.

Un changement de plan

À l’origine, le plan à long terme prévoyait la construction d’un gazoduc reliant les gisements de gaz de la Méditerranée orientale à Chypre, puis à la Grèce et enfin à l’Europe occidentale. Ces plans ont été contestés par la Turquie, qui revendique la propriété du gaz naturel. Elle a également revendiqué des droits territoriaux sur tout gazoduc passant par Chypre ou traversant la ligne maritime que la Turquie et la Libye prétendent exister entre ces deux pays.

Toutefois, selon le nouvel accord, aucun nouveau gazoduc ne devra être construit, du moins pas dans l’immédiat. Au lieu de cela, il est prévu d’utiliser les gazoducs existants qui partent d’Israël et de la Jordanie vers les installations de gaz naturel liquéfié (GNL) de l’Égypte. De là, le GNL sera transporté directement vers les marchés européens via les voies maritimes existantes jusqu’aux ports européens – et ce, déjà dans les prochaines années.

Le gain d’Israël est une perte pour la Russie

Au fur et à mesure que les exportations du GNL vers l’Europe augmenteront, Israël bénéficiera de recettes considérables provenant de ses clients européens, aux dépens de la Russie. Actuellement, l’Europe dépend de la Russie pour environ 40% de son approvisionnement en gaz naturel. En 2021, cela représentait 119 milliards de dollars de revenus annuels allant de l’Europe vers la Russie. Ces revenus seront d’autant plus élevés que les prix de l’énergie continuent d’augmenter. Le gaz naturel n’est rien de moins qu’un élément stratégique, car il représente la plus grande part du commerce russo-européen, soit 36% du budget russe.

Le siège social de Gazprom Germania, la succursale allemande de la société gazière russe Gazprom, à Berlin, le 30 mars 2022 (Sean Gallup/Getty Images)

Une victoire diplomatique dans le monde arabe

Le nouvel accord représente plus qu’une simple manne économique pour Israël. Il démontre à quel point Israël et son partenaire arabe, l’Égypte, peuvent œuvrer ensemble dans leurs intérêts économiques mutuels.

Ce message de coopération et de bénéfice mutuel sera vu et entendu haut et fort dans le monde arabe et islamique. Il est possible que la coopération de l’Égypte soit suivie par d’autres pays arabes qui pourraient bénéficier de meilleures relations avec Israël.

En outre, lorsque les cargaisons de gaz liquéfié commenceront à arriver en Europe, cela modifiera fondamentalement l’équilibre des forces entre la Russie et l’Europe.

Mauvaise nouvelle pour la Russie

Si c’est une bonne nouvelle pour l’Europe et Israël, c’est une très mauvaise nouvelle pour la Russie et Vladimir Poutine. D’un point de vue économique, l’impact de l’abandon par l’Europe de la Russie en tant que fournisseur de pétrole et de gaz naturel sera catastrophique pour l’économie russe.

La Russie pourrait devoir chercher rapidement de nouveaux marchés.

On peut noter que la Chine achète déjà de l’énergie russe, fournissant à la Russie des revenus qui rivalisent avec ceux du marché européen, même à des prix réduits. Cependant, cela ne durera peut-être pas éternellement.

L’accord gazier israélo-européen est également très problématique pour la Russie du point de vue géopolitique. Sans le pouvoir d’influencer ou de punir l’Europe en la menaçant de la priver de gaz, le Kremlin n’aura guère d’autres moyens d’influencer la politique européenne.

En fait, Moscou le comprend aussi très bien, ce qui ajoute un certain niveau de complexité, voire de risque, au nouvel accord.

Comment Moscou pourrait réagir ?

Comment, Moscou va-t-elle ou pourrait-elle réagir à cette nouvelle situation ?

Comme indiqué, cela pourrait être considéré par le Kremlin comme une menace, voire comme un acte de guerre économique. Il ne s’agit certainement pas d’une privation d’énergie ou de nourriture en soi, mais l’effet net pourrait être assez similaire.

Moscou pourrait interpréter le nouvel accord gazier dans le contexte d’une coopération – voire d’une conspiration – entre l’UE et Israël (deux détracteurs de l’invasion de l’Ukraine) visant à priver la Russie de son marché le plus important.

Et c’est vrai. Cela pourrait bien causer d’importantes difficultés économiques à la Russie. En outre, l’influence géopolitique du Kremlin diminuerait également en Europe et dans le reste du monde.

Est-ce que Moscou adoptera une attitude attentiste à l’égard d’Israël et de l’Union européenne, en espérant pouvoir convaincre l’un ou l’autre de ne pas donner suite au nouvel accord gazier ?

Ou aurait-elle recours à un blocus naval des livraisons de gaz liquéfié vers l’Europe pour protéger ses intérêts économiques ?

Beaucoup de choses peuvent dépendre de l’issue de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, qui n’est pas facilement prévisible. Toutefois, une fois que l’Europe sera libérée du gaz russe, elle ne sera plus l’otage du chantage du Kremlin, même si elle risque toujours d’être malmenée militairement par Moscou.

Ce même raisonnement s’applique également à Israël, qui est parfaitement conscient de la présence militaire de la Russie en Syrie, juste à sa frontière nord. La possibilité d’une nouvelle guerre déclenchée par la Russie à la suite du nouvel accord ne devrait pas être ignorée.

Après tout, quelle autre carte la Russie a-t-elle encore à jouer ?

James Gorrie est un écrivain et un conférencier basé en Californie du Sud. Il est l’auteur de The China Crisis.

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Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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