L’Allemagne défie la Chine

La nouvelle stratégie de l'Allemagne à l'égard de la Chine témoigne d'une certaine méfiance, voire d'une franche hostilité.

Par Milton Ezrati
26 juillet 2023 10:37 Mis à jour: 26 juillet 2023 10:37

Berlin repense son discours à l’égard de Pékin et s’autorise à plus de méfiance et d’hostilité à l’égard de la Chine, laissant ainsi derrière elles des décennies d’accommodement et de bonne volonté.

Les États-Unis ne manqueront pas d’y voir le signe d’un alignement transatlantique. Pourtant cette nouvelle approche des choses par une Allemagne généralement favorable aux compromis semble indiquer que le pays, comme le Japon lors du G7, agît de sa propre initiative.

Selon un document officiel de 64 pages rédigé par le gouvernement de coalition du chancelier Olaf Scholz, l’Allemagne doit changer parce que la Chine a changé. Le document décrit la Chine comme un pays qui tente de détruire « l’ordre international fondé sur le respect de règles » commerciales et financières internationales vieilles de plusieurs dizaines d’années. Le document ajoute que Pékin cherche à rendre la Chine indépendante du reste du monde tout en rendant les autres économies dépendantes d’elle.

Bien que le document insiste sur le fait que la Chine reste un « partenaire » dans les échanges commerciaux avec l’Allemagne, il décrit également les « rivalités systémiques » dans lesquelles Pékin s’engage comme étant « de plus en plus marquées ». Pékin est notamment accusé d’utiliser les « dépendances techniques (…) à des fins politiques » et de faire converger « ses politiques civiles et militaires ». Ces considérations, associées aux efforts de Pékin pour obtenir l’hégémonie dans la région indo-pacifique constituent, selon la nouvelle stratégie allemande, une menace pour l’Europe et pour la sécurité mondiale.

Epoch Times Photo
Un porte-conteneurs de la China Shipping Line dans le principal port à conteneurs de Hambourg, en Allemagne, le 13 août 2007. Le nord de l’Allemagne, avec ses ports de Hambourg, Bremerhaven et Kiel, est une plaque tournante du transport maritime international. Hambourg est l’un des plus grands ports d’Europe. (Sean Gallup/Getty Images)

Depuis quelque temps, Washington se montre de plus en plus méfiant, voire hostile, à l’égard de Pékin. Si l’on s’en tient strictement au calendrier, il semble que Berlin lui ait emboîté le pas. Mais compte tenu des critiques passées de Berlin à l’égard de Washington et de la récente délégation commerciale du chancelier Scholz en Chine, il est plus probable que ce changement soit le fruit d’une décision indépendante. Il convient également de noter à cet égard que l’agence de renseignement allemande a récemment qualifié la Chine de « plus grande menace en matière d’espionnage économique et scientifique et d’investissements directs étrangers en Allemagne ».

Berlin a reçu une piqûre de rappel sur les ambitions croissantes de domination commerciale de la Chine grâce à un rapport récent qui indique qu’en 2022, les exportations allemandes vers la Chine n’ont augmenté que de 3,1 %. Par contre, les importations du pays ont augmenté de 33,6 %, laissant l’Allemagne avec un déficit commercial de près de 100 milliards d’euros.

Compte tenu de ces préoccupations, la nouvelle stratégie allemande vise à rendre le pays « moins dépendant dans les secteurs critiques », en particulier les technologies médicales, les produits médicinaux et les terres rares. La nouvelle stratégie vise également à modifier la loi pour tenir compte des « intérêts de sécurité » dans tous les accords commerciaux ainsi que dans les investissements allemands en Chine. Elle établira une liste de biens soumis à des contrôles à l’exportation, en mettant l’accent sur la cybersécurité et la surveillance. La stratégie vise en outre à « élargir les relations économiques [du pays] avec l’Asie et au-delà ».

Ce qui irrite particulièrement Pékin, c’est sans doute la position ferme et définitive de la nouvelle stratégie allemande vis-à-vis de Taïwan. Selon cette stratégie, Berlin compte améliorer ses relations avec l’île indépendante, soutenir la participation de Taïwan aux organisations internationales et insister pour que toute réunification avec le continent se fasse de manière pacifique et avec un « consentement mutuel ». Le document s’associe également aux États-Unis pour faire pression sur la Chine afin qu’elle renonce à son statut de « pays en développement » au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les Allemands ne parlent pas de « découplage » du commerce avec la Chine, une notion défendue par Washington. Les Allemands préfèrent l’expression « dé-risquer ». Berlin entend ainsi poursuivre ses relations commerciales avec la Chine tout en se protégeant de la dépendance, de l’intimidation chinoise et de ses pratiques commerciales déloyales. Si la stratégie adoptée ne vise pas à couper les deux économies l’une de l’autre, elle recommande vivement aux entreprises allemandes de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement et de prendre leurs distances vis-à-vis de la Chine. Lorsqu’il lui a été demandé si Berlin imposerait une telle diversification aux entreprises allemandes, M. Scholz a répondu qu’une telle mesure n’était pas nécessaire, car les entreprises allemandes sont déjà en train de diversifier leurs chaînes d’approvisionnement sans que le gouvernement n’exerce de pression sur elles. Comme le savent les lecteurs de cette rubrique, les entreprises américaines et japonaises font de même.

Pékin sera fâché de ce changement de stratégie de la part de l’Allemagne. Depuis quelque temps, alors que les États-Unis et le Japon s’opposent aux pratiques commerciales déloyales et parfois abusives de Pékin, les Européens, en particulier les Allemands, ont semblé plus accommodants. Il y a quelques mois à peine, M. Scholz a conduit une délégation commerciale allemande à Pékin, et quelques semaines plus tard, le Premier ministre chinois Li Qiang soulignait les liens étroits qui unissent la Chine à l’Union européenne et en particulier la « relation solide » qu’elle entretient avec l’Allemagne.

Pékin considérait sans doute que ce positionnement plus accommodant de l’Europe était comme une ligne de protection qui protégeait la Chine de l’hostilité des Américains et des Japonais. Mais avec le récent accord du G7 visant à limiter la dépendance des pays occidentaux à l’égard de la Chine et maintenant cette nouvelle stratégie de Berlin, la ligne de protection s’est évaporée. Pour le moment, Pékin a très peu réagi, mais les réactions se feront forcément entendre.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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