L’Allemagne relance des centrales électriques au charbon

L'approvisionnement en énergie du pays reste difficile depuis que les autorités allemandes ont décidé de mener une guerre contre les énergies fossiles et de fermer les centrales nucléaires

Par Naveen Athrappully
9 octobre 2023 15:47 Mis à jour: 9 octobre 2023 15:47

L’Allemagne remet en service certaines de ses centrales électriques au charbon pour l’hiver, alors que des inquiétudes subsistent quant à une éventuelle pénurie d’approvisionnement en gaz naturel.

L’Allemagne a réduit le nombre de ses centrales au charbon afin d’assurer sa transition vers l’abandon des énergies fossiles. Cependant, alors que la guerre entre la Russie et l’Ukraine a réduit les livraisons de gaz en provenance de Moscou et les approvisionnements en électricité d’origine nucléaire en provenance de France, Berlin a décidé l’année dernière de maintenir en service 1,9 GW d’énergie produite à partir de lignite. Le lignite est un charbon de mauvaise qualité. Le 4 octobre, le gouvernement allemand a annoncé que les centrales au lignite resteraient en veille pendant l’hiver, jusqu’à la fin du mois de mars 2024. Cette mesure devrait permettre de compenser la pénurie de gaz naturel pendant cette saison.

« La réserve d’approvisionnement sera réactivée afin d’économiser du gaz dans la production d’électricité et d’éviter ainsi les goulots d’étranglement dans l’approvisionnement en gaz pendant la période de chauffage 2023/2024 », a déclaré le gouvernement, selon le réseau de médias Euractiv.

Cette décision devrait permettre de maintenir le prix de l’électricité à 2,8 euros par MWh, soit une baisse d’environ 0,4 euro par mégawattheure (MWh).

Malgré les récents développements, le gouvernement allemand reste inflexible dans sa volonté d’éliminer complètement les centrales au charbon d’ici à 2030 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2045.

L’Allemagne dispose déjà de 45 GW des centrales électriques au charbon. La dernière décision en date permettra de conserver une capacité supplémentaire de 1,9 GW en lignite, prête à répondre à tout besoin énergétique immédiat.

Le gouvernement a publié une ordonnance autorisant la remise en service des centrales électriques au charbon des entreprises énergétiques LEAG et RWE AG mercredi.

L’ordonnance concernera deux unités de production de charbon de RWE et deux autres de LEAG. Ces installations ont fonctionné tout au long de l’hiver dernier et ont été mises en veille en juillet de cette année. L’ordonnance va permettre de réactiver ces unités.

Les difficultés énergétiques de l’Allemagne

Même si la réactivation de quelques unités de charbon contribue à la sécurité énergétique de l’Allemagne, le pays a fermé progressivement ses derniers réacteurs nucléaires au début de l’année, réduisant ainsi l’approvisionnement en électricité cet hiver.

Tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Grafenrheinfeld la nuit près de Grafenrheinfeld, Allemagne, le 11 juin 2015. (Sean Gallup/Getty Images)

La fermeture de la centrale nucléaire, survenue en avril, avait suscité de vives critiques en raison de l’instabilité persistante de l’approvisionnement en électricité dans le pays. Le 14 avril, un groupe de scientifiques, dont deux lauréats du prix Nobel, a appelé le gouvernement à revenir sur sa décision.

« Par le passé, d’autres pays européens ont également envisagé de réduire leurs capacités de production en énergie nucléaire. Ces dernières années, cependant, nombre de ces pays ont adopté une position différente à l’égard de l’énergie nucléaire du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie, exacerbée par la perte récente des livraisons de gaz naturel russe », ont souligné les scientifiques dans une lettre ouverte.

La décision de Berlin de rouvrir les centrales au charbon tout en fermant les installations nucléaires a été critiquée par Robert Roos, député européen des Pays-Bas.

« L’Allemagne est dirigée par des radicaux ‘verts’. Ils fondent leurs politiques sur l’idéologie. L’Allemagne a abandonné 17 réacteurs nucléaires propres et en parfait état de fonctionnement. Le dernier d’entre eux a été fermé pendant la crise énergétique », a-t-il indiqué dans un message publié le 5 octobre sur X.

« Leur politique énergétique est un désastre pour les citoyens, les entreprises et l’économie allemande. En attendant, ils imposent cette politique énergétique dévastatrice au reste de l’UE. »

L’Allemagne cherche actuellement à combler sa pénurie d’énergie en construisant des infrastructures GNL (Gaz Naturel Liquéfié) supplémentaires. Le pays prévoit également de construire des centrales à gaz qui pourraient ensuite être converties à l’hydrogène.

Le gouvernement étudie la possibilité de prolonger l’exploitation de deux centrales au lignite exploitées par RWE jusqu’au printemps 2025.

Au cours du premier trimestre 2023, le pays a produit 22,2 térawattheures (TWh) d’électricité à partir du charbon, soit la production la plus faible jamais enregistrée, bien en deçà des plus de 60 TWh produits il y a huit ans au cours de la même période.

Situation du charbon aux États-Unis et en Chine

À l’instar du gouvernement allemand, les États-Unis mettent également en œuvre des politiques anti-charbon sous l’administration Biden.

En avril, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA : U.S. Environmental Protection Agency) a proposé des règles qui renforceraient les restrictions sur les émissions des centrales au charbon, suscitant des inquiétudes quant aux coûts et à la faisabilité dans l’industrie.

Des volutes de fumée s’échappent d’une aciérie alimentée au charbon dans l’ouest de la Pennsylvanie, le 26 août 2001. (Spencer Platt/Getty Images)

Les centrales au charbon de lignite pourraient être confrontées à une réduction de 70% de leur limite d’émission de mercure en vertu de la règle proposée. En outre, la limite d’émission de particules filtrables pourrait être réduite de deux tiers. Cette décision est censée s’attaquer aux polluants dangereux rejetés par les centrales, selon l’agence.

Les usines de lignite doivent également utiliser des systèmes de surveillance continue des émissions pour garantir le respect de ces nouvelles limites.

Dans une interview accordée à Epoch Times, Dan Kish, vice-président principal chargé de la politique de l’American Energy Alliance, une organisation de libre-échange, a critiqué cette proposition, affirmant que son objectif était « d’augmenter les prix de l’électricité, comme le font toutes les politiques énergétiques de l’EPA ». Il a qualifié la proposition de l’EPA d’« abus juridique ».

Conor Bernstein, porte-parole de la National Mining Association, a déclaré que la règle s’inscrivait dans le cadre des efforts plus larges déployés par l’EPA pour limiter l’utilisation du charbon.

« L’effet cumulatif du programme de l’EPA est un approvisionnement en électricité moins fiable et de plus en plus cher, alors que le pays continue à lutter contre l’inflation induite par l’énergie », a-t-il ajouté.

Alors que les gouvernements des États-Unis et d’Europe prennent des mesures pour réduire l’utilisation du charbon, la Chine, le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde, poursuit ses projets d’exploitation du charbon.

Selon un rapport publié en février par le Global Energy Monitor et le Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur, les mises en chantier de centrales au charbon, les annonces de nouveaux projets et les autorisations d’exploitation se sont accélérées de manière spectaculaire en Chine l’année dernière, avec l’autorisation de construire deux nouvelles centrales au charbon par semaine.

« La construction de 50 GW de capacité de production d’électricité à partir de charbon a commencé en Chine en 2022, soit une augmentation de plus de 50% par rapport à 2021. Bon nombre de ces projets ont bénéficié d’une procédure d’autorisation accélérée et sont entrés dans la phase de construction en l’espace de quelques mois », indique le rapport.

« Au total, 106 GW de nouveaux projets de centrales au charbon, soit l’équivalent de deux grandes centrales au charbon par semaine, ont été autorisés. La capacité de production autorisée a plus que quadruplé depuis 2021 (23 GW). »

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