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Le langage secret des Navajos qui a contribué à mettre fin à la Seconde Guerre mondiale

janvier 3, 2022 13:53, Last Updated: janvier 3, 2022 13:55
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Cette langue tonale, au cœur de l’intrigue du film Les messagers du vent, est si particulière qu’elle fut utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale dans le Pacifique.

En temps de guerre, les chars, avions, navires et soldats ont une valeur inestimable, mais le fait que les informations envoyées et reçues soit indéchiffrables pour l’ennemi a tout autant d’importance. C’est ce qui peut faire la différence entre la victoire et la défaite, la vie ou la mort.

Pour protéger les informations, il faut développer des codes élaborés. Pendant la Seconde Guerre mondiale, sur le front Pacifique, un code mis au point par les Amérindiens, a joué un rôle essentiel et a contribué à mettre fin au conflit.

Ce faisant, c’est devenu le seul code parlé de l’histoire militaire à n’avoir jamais été déchiffré.

Des membres de la tribu Navajo ont été recrutés par le corps des Marines. Leur mission : créer un code dans leur langue, le Navajo. Les Marines Navajos initiés à ce code furent nommés les « Navajo Code Talkers » (Navajos parleur de code, ndt.) et ils participèrent à tous les assauts des Marines dans le Pacifique, notamment à Guadalcanal, Iwo Jima et Okinawa.

Le code « a sauvé des centaines de milliers de vies et a contribué à la victoire dans le Pacifique », explique Peter MacDonald Sr, vétéran des Marines de 93 ans, et l’un des quatre seuls Code Talkers encore en vie.

À Iwo Jima, six Code Talkers ont envoyé et reçu plus de 800 messages, tous sont passés.

Selon le Major Howard Connor, officier des transmissions de la 5e Division des Marines : « Sans les Navajos, les Marines n’auraient jamais pris Iwo Jima. »

Une étincelle de génie

C’est un ingénieur civil de Los Angeles qui a eu l’idée d’utiliser le Navajo. Philip Johnston, fils de missionnaire, avait grandi dans une réserve navajo en Arizona et gardé des contacts parmi les Amérindiens. M. Johnston, avait déjà combattu pendant la Première Guerre mondiale et vu comment l’armée américaine utilisait la langue parlée des Comanches pour communiquer sur le terrain.

C’est en 1942 que M. Johnston a présenté son idée aux Marines (suite à l’attaque de Pearl Harbor). Il a choisi quatre Navajos travaillant dans les chantiers navals pour faire une démonstration.

Celle-ci fut un succès. Les Navajos ont encodé et transmis trois lignes en 20 secondes. Dès lors, ils furent chargés de transmettre dans leur langue les messages codés.

MacDonald Sr. avec son insigne de vétéran. (Tom Brownold pour American Essence)

Après avoir validé l’idée, les Marines ont recruté 29 Navajos afin qu’ils élaborent un livre avec ce code. Mais le Navajo étant une langue parlée et non écrite, outre le fait d’utiliser diverses métaphores pour les termes militaires, il a fallu concevoir un alphabet spécial.

Par exemple, pour décrire un bombardier en piqué, les Code Talkers ont utilisé le terme navajo se référant aux oiseaux de proie.

« Nous avions beaucoup de vautours au sein de la réserve », raconte M. MacDonald. « Ils volent haut, et lorsqu’ils voient un corbeau plus bas, ils plongent très vite et jouissent d’un bon repas. Donc, en assimilant le comportement de l’oiseau aux avions, ça nous aidait à nous souvenir du code. »

« Les mots du code n’étaient pas très difficiles à mémoriser, car ils étaient tous basés sur des choses qui nous étaient familières. Pour signifier les différents avions, on reprenait les noms des oiseaux que nous connaissions bien dans la réserve. »

Une nouvelle approche

D’autres langues amérindiennes ont servi de codes pour les forces armées pendant la Seconde Guerre mondiale, mais le navajo présentait plusieurs avantages. Premièrement, il s’agissait d’une langue non écrite. Deuxièmement, seule une trentaine d’Américains non-Navajo comprenaient la langue au début du programme. Troisièmement, la grammaire et la syntaxe du Navajo sont très différentes des autres langues.

Bien que le programme ait commencé en 1942, Peter MacDonald n’avait aucune idée de son existence lorsqu’il a rejoint les Marines en 1944.

« C’était top secret au départ », dit-il. « Aucun d’entre nous ne savait qu’il existait un tel programme avant d’avoir passé le camp d’entraînement, la formation au combat et l’école de communication. Ce après tout cela seulement qu’on nous mettait en relation avec l’école de code Navajo très fermée, top secrète, confidentielle. »

Dans cette école, des instructeurs qui avaient déjà servi à l’étranger enseignaient aux élèves comment utiliser et prononcer les mots codés, le nouvel alphabet, comment écrire lisiblement ce code sur une tablette spéciale, et comment mettre tout cela en pratique.

Travailler sous le feu de l’ennemi

Si les fusils et les trousses à pharmacie étaient indispensables, les Code Talkers ayant obtenu leur diplôme l’étaient également.

Chargé des communications chiffrées, M. MacDonald se souvient :« Tous les navires utilisés pour le débarquement (cuirassés, croiseurs, destroyers, sous-marins, porte-avions) avaient des Navajo Code Talkers en plus des spécialistes du réseau en anglais. (…) On avait affecté des Navajo Code Talkers pour chaque escadre aérienne, unité de chars et unité d’artillerie des Marines. »

Comment ce stratagème a-t-il fonctionné sur le terrain ?

« Il y avait deux tables, une pour le réseau de communication navajo, une seconde pour le réseau anglais. Au premier coup de feu, des messages arrivaient en navajo ainsi qu’en anglais. Tous les messages navajo étaient réceptionnés par les Navajo Code Talkers. Le message arrivait, vous l’écriviez en anglais et le remettiez par-dessus votre épaule au coureur qui se tenait derrière vous. Il le montait sur la passerelle et le donnait au général ou à l’amiral. Ce dernier le lisait, il répondait, et le coureur nous ramenait la réponse. »

Le coureur avait sa propre façon de déterminer l’importance d’une communication.

« S’il [le coureur] criait ‘Nevada’, ‘Nouveau-Mexique’ ou ‘Arizona’, il fallait envoyer un message en code Navajo en indiquant que c’était important. Quand il y avait un message top secret ou confidentiel à envoyer vers une autre unité ou un autre endroit, on le donnait [systématiquement] à un Navajo Code Talker. »

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, plus de 400 Marines ont servi en tant que Navajo Code Talker. Leur vocabulaire secret est passé de 260 mots pendant la bataille Guadalcanal, la première bataille des Code Talkers, à plus de 600 au fil des ans, selon M. MacDonald.

Préserver un héritage

Ce n’est qu’en 1968, lorsque le gouvernement a déclassifié le programme, que les Américains ont appris l’existence des Navajo Code Talkers. Aujourd’hui, 80 ans après avoir servi, les Code Talkers survivants tentent de préserver leur héritage pour les générations futures.

« Nous avons parcouru le pays, grâce à des invitations, pour raconter notre histoire », déclare M. MacDonald, « et nous avons réussi à faire en sorte que les Américains connaissent cet héritage. »

MacDonald Sr. avec ses petits-enfants. (Tom Brownold pour American Essence)

Une partie de cette campagne est dédiée à la construction d’un musée pour garder ce code en mémoire.

Selon M. MacDonald à l’origine du projet : « Nous avons constaté que de nombreux Américains et étrangers ignorent tout de cet héritage unique de la Seconde Guerre mondiale. (…) Le musée va permettre de faire savoir qui nous sommes, quel est notre patrimoine, notre culture, notre langue, et les sacrifices que nous avons faits comme tant d’autres peuples. »

« Ces sacrifices ont permis aux États-Unis de contribuer à protéger le monde des tyrans », a-t-il ajouté.

Joseph D’Hippolito est un écrivain indépendant basé à Fullerton, en Californie. Son travail a été publié, entre autres, dans le Wall Street Journal, le Federalist, le Guardian, le New York Times et le Jerusalem Post.

L’article original a été publié dans le magazine American Essence.

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