L’axe le plus dangereux au monde: Pékin et Moscou

Par Gordon G. Chang
29 décembre 2023 17:44 Mis à jour: 29 décembre 2023 17:44

Vivek Ramaswamy, candidat aux primaires républicaines pour l’élection présidentielle américaine de 2024, pense qu’il sait comment mettre fin à la plus grande menace qui pèse sur la sécurité de l’Europe et de l’Amérique. Cette menace est l’axe de deux États les plus dangereux du monde : la Chine et la Russie.

« Je gèlerais les lignes de contrôle [territorial] actuelles », a-t-il déclaré lors de l’émission de Fox News, en faisant référence aux champs de bataille en Ukraine. « Je m’engagerais en outre fermement à ce que l’OTAN n’admette pas l’Ukraine en son sein. Cela suffirait à convaincre Poutine de conclure un accord. »

« Mais j’exigerais quelque chose d’encore plus grand en retour », a-t-il poursuivi. « La Russie doit mettre fin à son alliance militaire avec la Chine. »

Vladimir Poutine acceptera le marché, a assuré le candidat à la présidence. « Il va dire ‘Ok’ parce que je vais dire : ‘Nous allons rouvrir nos relations économiques avec la Russie et, en plus, nous allons mettre fin à la guerre en Ukraine et faire en sorte que l’OTAN n’admette jamais l’Ukraine’. »

Bien que cette interview ait eu lieu à la fin du mois d’août, les mêmes propos sont toujours souvent entendus dans différents pays. Peut-on dire alors que M. Ramaswamy est sur la bonne voie ?

En théorie, il devrait être possible de séparer Moscou de Pékin. Après tout, la Chine et la Russie n’ont pas toujours été des proches alliées, au moins visiblement, même après l’instauration en Chine, en 1949, du régime du Parti communiste chinois, créé lui-même avec l’aide de Moscou et de l’Internationale communiste de Lénine. Prenons, par exemple, la frontière sino-russe. Après des escarmouches frontalières, les deux pays n’ont finalement réglé la question de leurs frontières qu’en 2008, lorsque Moscou a officiellement transféré plusieurs parcelles à la Chine.

Poutine sait toutefois qu’aucune frontière n’est jamais définitivement fixée, et les migrants chinois affluent massivement dans l’Extrême-Orient russe très peu peuplé. Certains d’entre eux espèrent y « reprendre » les immenses territoires cédés à Moscou par la dynastie Qing dans les années 1850 et 1860 – et ce, dans le cadre de ce que les autorités chinoises appellent aujourd’hui des « traités inégaux » imposés par la Russie à l’empire de Chine après sa défaite dans la seconde guerre de l’opium. L’État-parti chinois n’a pas revendiqué officiellement le port stratégique de Vladivostok ou autres régions, mais il n’a pas totalement abandonné cette idée.

Bref, la Chine représente potentiellement la plus grande menace pour la Russie, du moins à long terme.

Toutefois, la proposition de M. Ramaswamy ne tient pas compte du fait que tant que Poutine et Xi Jinping restent au pouvoir, il n’y aura aucune possibilité réaliste de séparer leurs deux États. Les deux dictateurs ont une vision similaire du monde, pensent que leurs intérêts à court terme coïncident et ils identifient le même adversaire – l’Occident et surtout l’Amérique en tant que sa première puissance. Comme l’a déclaré Xi Jinping le 20 décembre en accueillant le Premier ministre russe Mikhail Mishustin à Pékin, « le maintien et le développement des relations Chine-Russie est un choix stratégique fait par les deux parties sur la base des intérêts fondamentaux des deux peuples ».

Les paroles de Xi Jinping confirment que les deux régimes sont sur la même longueur d’onde depuis un certain temps. Ils ont annoncé leur proximité dans la déclaration conjointe de 5300 mots publiée après la rencontre entre Poutine et Xi Jinping à Pékin le 4 février 2022, 20 jours seulement avant le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. C’est à ce moment-là qu’ils ont déclaré leur partenariat « sans limites » dans le cadre duquel il n’y a « aucun domaine de coopération prohibé ».

La Chine et la Russie ne se contentent pas d’œuvrer ensemble. Elles forment le noyau d’une nouvelle alliance. Autour de ce noyau, on trouve leurs acolytes et les acolytes de leurs acolytes, tels que l’Iran, la Corée du Nord, l’Algérie et une multitude de groupes terroristes.

Les dirigeants chinois et russes forment cet axe parce qu’ils estiment que l’Occident mené par l’Amérique – ce garant du système international qui les frustre tous deux – doit être démoli. Xi Jinping, en annonçant, entre autres, une « guerre populaire » contre l’Amérique, a clairement indiqué que les États-Unis devaient être détruits. Poutine est moins ambitieux. Il veut seulement que l’Occident soit hors de son chemin alors qu’il recrée l’Empire russe dans sa plus grande étendue.

En outre, Xi Jinping et Poutine pensent que l’Occident est en phase terminale de déclin. Le 22 mars, en quittant le dictateur russe après une réception organisée à Moscou lors leur 40e rencontre en personne, le dictateur chinois, tout sourire, a affirmé qu’ils étaient tous les deux à l’origine d’un « changement qui ne s’est pas produit depuis 100 ans ». Poutine était tout à fait d’accord.

Même si Xi Jinping et Poutine n’étaient pas aussi sûrs d’eux-mêmes, il y a des raisons pour que le dirigeant russe rejette les propositions de Vivek Ramaswamy. « Washington a peu d’influence sur la Russie », explique Rebekah Koffler, auteure de Putin’s Playbook (La stratégie de Poutine) et ancienne analyste de la Defense Intelligence Agency. « Il n’y a pas de carottes à offrir à Poutine, et les bâtons n’ont pas marché. »

Oui, les Occidentaux pourraient lever les sanctions et abandonner l’Ukraine, mais même ces actions, qui seraient profondément préjudiciables à l’Occident et au système international, ne suffiraient pas à briser le lien entre Poutine et Pékin. « La Russie ne fait pas confiance aux États-Unis et à l’Europe », précise Mme Koffler. « Elle pense que l’Occident continuera à essayer de l’affaiblir économiquement et militairement. »

Cependant, les dirigeants occidentaux devraient mener des politiques « antirusses », car la Russie a refusé de respecter les règles et les normes du système international. La Russie est non seulement un État agresseur, mais elle se livre également à des actes barbares en Ukraine, dont certains constituent un « génocide » au sens de l’article II de la Convention sur le génocide de 1948.

M. Ramaswamy affirme que « nous avons coupé à tort la Russie de l’Occident ». Il est vrai que les actions occidentales, comme l’a fait remarquer Rebekah Koffler, « ont frappé les principales sources de revenus de l’économie russe ». Alors pourquoi certains pays occidentaux permettent-ils à Poutine d’utiliser, entre autres, leurs banques et leurs systèmes financiers alors que ses soldats torturent, violent et tuent des femmes et des enfants ukrainiens, commettent des massacres dans une ville après l’autre et enlèvent des milliers d’enfants ukrainiens pour les emmener en Russie dans une tentative apparente d’éliminer l’identité ukrainienne ?

En même temps, pour financer ses actes d’agression et de barbarie face aux sanctions occidentales, Poutine a trouvé le soutien de la Chine. Au cours des 11 premiers mois de 2023, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint 218,2 milliards de dollars, dépassant l’objectif annoncé de 200 milliards de dollars d’ici la fin de 2024. Pendant ces 11 mois, le volume des échanges a doublé par rapport à toute l’année 2018 (108,3 milliards de dollars) qui représentait lui-même une augmentation de 24,5% par rapport à 2017. Poutine ne rompra pas cette relation commerciale établie et en pleine croissance pour de simples promesses d’un Occident qu’il n’aime pas et en qui il ne fait pas confiance.

La Chine n’a pas, comme l’affirme Ramaswamy, « d’alliance militaire » avec la Russie – la Chine n’a pas d’alliances formelles à l’exception de celle avec la Corée du Nord – mais les militaires chinois et russes coopèrent d’une manière très proche.

Des navires de guerre russes, chinois et iraniens lors d’un exercice militaire conjoint dans l’océan Indien, sur une photo non datée (Bureau de l’armée iranienne/AFP via Getty Images)

Cette coopération devient un sujet de grande inquiétude. Par exemple, l’amiral John Aquilino, commandant du Commandement indo-pacifique américain, a récemment publiquement laissé entendre à Tokyo qu’il était « très préoccupé » par les activités militaires conjointes sino-russes : « Je considère que cela va à ce moment bien au-delà d’un mariage de convenance. »

En d’autres termes, la Chine et la Russie se préparent à entrer en guerre ensemble. Comme aucun pays ne menace l’une ou l’autre, elles envisagent sans doute de multiplier les actes d’agression.

Poutine se joindrait-il à Xi si la Chine envahissait l’un de ses voisins, en particulier Taïwan ? Ce n’est pas clair, mais il est fort probable que le dirigeant russe aidera la Chine. « La Russie pourrait faire des démonstrations de force pour étendre la sphère à surveiller par les États-Unis et leurs alliés », explique Rebecca Grant, présidente de la société de recherche et conseil IRIS Independent Research. Ses actions et manœuvres militaires russes pourraient également faire hésiter les dirigeants occidentaux. Mme Grant suggère qu’il pourrait y avoir, par exemple, des vols de bombardiers russes ou même des exercices impliquant des armes nucléaires.

La Russie pourrait également aider l’expansionnisme de la Chine en tentant de s’emparer elle-même d’une plus grande partie de la chaîne des îles Kouriles appartenant au Japon ou en s’attaquant à un membre de l’OTAN, comme l’une des trois républiques baltes, engloutissant ainsi toute la masse continentale de l’Eurasie dans un conflit, d’un bout à l’autre.

Publié initialement par Gatestone Institute

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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