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Le colonel Michaël Randrianirina, nouveau président de Madagascar, promet une refondation « historique »

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Antananarivo, 17 octobre 2025 : Le colonel Michael Randrianirina prête serment comme président de Madagascar, quelques jours après la prise de pouvoir militaire ayant provoqué la fuite d’Andry Rajoelina.

Photo: MAMYRAEL/AFP via Getty Images

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Durée de lecture: 6 Min.

Le colonel Michaël Randrianirina a prêté serment vendredi comme président de Madagascar, quelques jours après la prise de pouvoir de son unité militaire, qui a poussé l’ex-chef d’État Andry Rajoelina à la fuite.

À 51 ans, le chef de l’unité du Capsat, devenue fer de lance d’une mutinerie soutenant un mouvement de contestation antigouvernemental le week-end dernier, avait annoncé mardi la prise de pouvoir par les forces armées, après la destitution de Rajoelina par l’Assemblée nationale.

Un discours de refondation nationale

« Le jour d’aujourd’hui marque un tournant historique pour notre pays », a déclaré Michaël Randrianirina à la Haute Cour constitutionnelle d’Antananarivo, lors d’une cérémonie solennelle rassemblant élus, officiers et représentants de la jeune génération malgache – influenceurs et membres du mouvement Gen Z inclus.

Le nouveau chef de l’État a promis une refonte institutionnelle d’ampleur. « Nous allons travailler main dans la main avec toutes les forces vives de la nation afin d’élaborer une belle Constitution de la République », a-t-il expliqué, ajoutant vouloir « réformer en profondeur les systèmes administratifs, socio-économiques et politiques de gouvernance ».

Il a remercié les jeunes manifestants pour leur mobilisation et assuré que l’armée avait agi « à la demande de la Haute Cour » pour « éviter l’anarchie et le désordre ». Sur le perron, face à la presse, le colonel a précisé que la jeunesse serait « consultée avant la nomination du nouveau Premier ministre ».

Plusieurs délégations étrangères – américaines, européennes, russes et françaises – assistaient à la cérémonie. L’ambassadeur de France, ancienne puissance coloniale, s’est toutefois limité à de sobres « pas de commentaire ».

« Le dialogue est en cours avec la communauté internationale et leur présence nombreuse ici témoigne qu’ils respectent la souveraineté nationale », a souligné le nouveau président.

L’attente d’un peuple en quête de changement

Quelques dizaines de badauds s’étaient massés tôt vendredi matin devant la Haute Cour, espérant entrevoir le nouveau dirigeant. « On est heureux de pouvoir espérer du changement. On espère mais on verra », confie Faniry Randrianaridoa, commerçante à Antananarivo. « Ce n’est pas un caprice de vouloir de l’eau et de l’électricité », ajoute-t-elle, rappelant les revendications initiales des manifestations entamées le 25 septembre.

Sous le feu des critiques de l’ONU et d’autres instances internationales, Michaël Randrianirina, qui refuse l’étiquette de putschiste, cherche à donner des atours de légalité à son accession au pouvoir. Il a promis des élections « d’ici 18 à 24 mois », alors que la plus haute juridiction du pays lui a accordé un délai de 60 jours. Jeudi, il a insisté : « Le pays ne sera pas dirigé par un régime militaire, car le gouvernement appartient aux civils. »

Lors de la cérémonie d’investiture, le colonel avait délaissé son uniforme pour un costume sombre et s’est adressé aux diplomates en français, exhortant les partenaires étrangers à « accompagner Madagascar dans la refondation nationale ». Selon la presse locale, il aurait rencontré la veille une délégation russe.

Appel au dialogue international

L’Union européenne a, dès vendredi, appelé à un dialogue « entre toutes les parties » afin de renouer « avec les valeurs démocratiques ». L’Union africaine et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) ont annoncé l’envoi prochain de missions d’enquête pour évaluer la situation sur l’île et prôner le respect de la démocratie constitutionnelle.

Les partisans d’Andry Rajoelina ont dénoncé la validation, par la Haute Cour constitutionnelle, du commandement du Capsat, jugeant la procédure « illégale ». Une requête a toutefois été déposée par la conseillère de l’ex-président, Lova Rinel Rajaoarinelina : « C’est une requête pour avoir des explications sur chaque point, prouver que ce sont des institutions vérolées et donner des arguments juridiques aux médiateurs pour démontrer l’incohérence », a-t-elle indiqué à l’AFP.

Une île sous surveillance régionale

Les forces gouvernementales sortantes font l’objet d’accusations de répression sanglante, l’ONU évoquant au moins 22 morts et une centaine de blessés, jusqu’à ce que le Capsat refuse, le 11 octobre, de tirer sur les manifestants. La mutinerie a marqué un tournant et valu à l’unité militaire d’être célébrée par la rue, qui espère désormais peser sur la nouvelle administration.

Madagascar rejoint ainsi la liste des anciennes colonies françaises passées sous contrôle militaire depuis 2020 – du Mali au Gabon, en passant par le Niger, le Burkina Faso et la Guinée. C’est la troisième transition militaire malgache depuis 1960, après celles de 1972 et 2009.
Malgré d’immenses ressources naturelles et un potentiel touristique considérable, le pays demeure l’un des plus pauvres au monde : 80 % des 32 millions d’habitants vivent avec moins de 2,80 euros par jour, selon la Banque mondiale.

Andry Rajoelina devient le troisième dirigeant malgache renversé à fuir l’île, après Didier Ratsiraka, réfugié en France en 2002, et Marc Ravalomanana, exilé en Afrique du Sud en 2009.