Le droit de grève en France : une réforme possible ?

Par Julian Herrero
8 mars 2023 16:21 Mis à jour: 8 mars 2023 16:21

La grève définie comme la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles existe en France depuis la fin du XIXe siècle. Cependant ce n’est qu’à partir de 1946 avec son inscription dans le Préambule de la Constitution que la grève devient un droit « gravé dans le marbre ». Animant la vie politique française en temps de réformes comme c’est le cas aujourd’hui avec le blocage annoncé du 7 mars en protestation contre la réforme des retraites, ce dernier semble intouchable.

Un moyen d’action efficace ou un obstacle ?

Clivant et suscitant des tensions à chaque fois qu’il est évoqué, vu par les uns comme le seul moyen de faire bouger les lignes et par les autres comme un obstacle à toute réforme structurelle, le droit de grève est un classique de la Ve République. Beaucoup de gouvernements ont cédé face à la rue et aux manifestants utilisant ce droit sacré. On se souvient des grands mouvements sociaux de 1995 forçant Alain Juppé et son gouvernement à faire de nombreuses concessions sur la réforme de la sécurité sociale et des retraites, ou encore des grèves de 2006 contre le contrat première embauche (CPE) proposé à l’époque par le gouvernement de Dominique de Villepin. La loi sera promulguée mais face aux mouvements sociaux, de Villepin déclarera que « les conditions ne sont pas réunies » pour que le CPE s’applique. La loi sera donc retirée. Deux grandes dates prouvant l’efficacité des grèves à faire retirer des projets de loi. Le hic est que ce droit de grève constitue un obstacle sur deux plans. Le premier étant qu’il tétanise les gouvernements quand il s’agit de mettre en œuvre des réformes structurelles. Disons-le très franchement, il n’y a jamais eu de réformes de grande ampleur en France. L’État est toujours autant « obèse », la bureaucratie lente et peu efficace et malheur à celui qui tentera de réformer l’éducation nationale !  Le deuxième plan sur lequel le droit de grève constitue un obstacle est le blocage et l’arrêt total du pays. En temps de grèves, et notamment celles visant à protester contre les réformes des retraites, les élèves se retrouvent sans enseignants, les voyageurs et les personnes travaillant dans les grandes villes sont privées de transports en commun et des blocages sont organisés partout sur le territoire.

Des changements aujourd’hui ?

Cela semble peu probable à l’heure actuelle de voir des changements autour du droit de grève. Cependant, en février, le sénateur LR des Bouches-du-Rhône Stéphane Le Rudulier a déposé une proposition de loi visant à rendre « impossible d’exercer le droit de grève » à la SNCF, à la RATP ou dans les avions pendant les jours fériés, les week-ends de début et de fin de vacances scolaires. Cette proposition — toujours à l’étude — semble bienvenue et assez courageuse et démontre qu’une partie du personnel politique français commence à prendre en compte les effets néfastes de ce droit de grève trop peu encadré. La droite française a trop longtemps été absente sur ce sujet essentiel. Notons toutefois qu’au début de son quinquennat, Nicolas Sarkozy avait fait un peu bouger les lignes avec la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Soyons néanmoins prudents, la proposition du sénateur des Bouches-du-Rhône risque de se heurter à la dimension culturelle du droit de grève en France. Historiquement, Les Français soutiennent les mouvements sociaux. Selon une récente enquête Harris Toluna publiée le 6 mars, 68 % des Français pensent que « mettre la France à l’arrêt » est une bonne chose et 65 % des Français seraient pour une grève reconductible dès le 7 mars si l’on en croit une étude de l’Ifop.

Effectivement, il faut avancer avec prudence, un encadrement du droit de grève, ne serait pas nécessairement bien reçu par la population. Pour l’heure, regardons de près l’évolution de l’examen de la proposition de loi de Stéphane Le Rudulier.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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