Le pari perdu du littoral breton : davantage de béton et moins de population

Entre 2014 et 2020, Le Pouliguen (Loire-Atlantique) a perdu 137 ménages ainsi que plus de 10.000 m2 de terres agricoles et naturelles, consommées pour l'habitat.
Photo: Enorabzr/CC BT-SA 4.0
En principe, l’urbanisation croissante des communes littorales bretonnes devrait attirer de nouveaux habitants. Les chiffres prouvent cependant le contraire. Dans certaines villes, la stratégie s’est révélée être un échec : des hectares de terres agricoles ont disparu, alors même que la population a diminué.
Une grande enquête menée par le média indépendant Splann !, financé uniquement par des dons, dresse un état des lieux alarmant de l’artificialisation des sols sur les côtes bretonnes.
Des terres sacrifiées, des habitants en moins
Sur une bande de 5 km le long du littoral, on retrouve 15% du territoire breton et un quart de la population de la région qui compte un total de 3,4 millions d’habitants. Pourtant, de nombreuses communes ont urbanisé à perte. Une carte interactive permet de visualiser les terres artificialisées avant 2014 et celles qui l’ont été entre 2014 et 2024.
Après avoir analysé de nombreuses données, l’un de volets de l’enquête conclut à l’échec de l’urbanisation pour attirer des habitants. Une cinquantaine de communes ont ainsi laissé près d’un millier d’hectares de terres agricoles et d’espaces naturels se transformer en logements et commerces, tout en perdant des habitants.
Des exemples ?
Entre 2014 et 2020, Plougasnou, dans le Finistère, a perdu 117 ménages mais aussi 164.755 m2 de terres agricoles et naturelles. Saint-Brieuc (Côtes d’Armor) : -51 ménages pour 95,437 m2 de terres. Quiberon (Morbihan) : -155 ménages pour 39.476 m2 de terres.
Kerlouan, une ville de 2000 habitants du nord Finistère, a perdu près de 200 habitants entre 2014 et 2021 tandis que la commune s’est urbanisée sur 25 hectares supplémentaires. Les effectifs de son école primaire sont passés de 148 élèves en 2015 à 80 en 2023. Une quinzaine d’emplois ont eux aussi disparu depuis 2014.
L’explosion des résidences secondaires
Par ailleurs, une partie des permis délivrés par les communes concerne les résidences secondaires : 9% en moyenne. Dans le cas d’une dizaine de communes parmi celles qui ont accordé au moins 100 permis en 10 ans, ce sont plus d’un tiers des permis qui ont été délivrés pour la construction de résidences secondaires.
Un total de 52 communes a été recensé pour avoir plus de la moitié de leurs logements en résidences secondaires. Certaines, comme l’île de Hoëdic (Morbihan), en comptent près de 80%. D’autres, comme Plougrescant dans les Côtes d’Armor, leur nombre a augmenté d’un pourcentage record de 23% entre 2014 et 2020.
Une population vieillissante près de la mer
Au fur et à mesure que les jeunes de moins de 25 ans se font de moins en moins nombreux sur le littoral, les habitants de 65 ans et plus deviennent de plus en plus nombreux, dépassant même le nombre de jeunes depuis 2020.
Un graphique indiquant la part des habitants âgés de plus de 65 ans selon la proximité du rivage pour toute la Bretagne est assez parlant. À moins de 100 mètres de la mer, ils représentent près de 40% de la population.
Le pourcentage baisse progressivement au fur et à mesure que la distance avec le littoral augmente. Entre 500 m et 1 km de la mer, les seniors comptent encore pour près de 30% de la population, alors qu’à plus de 10 kilomètres, ils ne sont plus que 20% des habitants.
Les personnes de plus de 65 ans sont maintenant près de deux fois plus nombreuses que les jeunes de moins de 25 ans dans les logements situés dans les 200 premiers mètres de la mer.
Autres problématiques
La part de seniors dans la population va de pair avec la baisse de natalité sur le littoral ainsi que la chute des effectifs scolaires. L’école privée de Tréveneuc (Côtes-d’Armor) a fermé en 2019 malgré le taux record de permis de construire délivrés par la mairie depuis 10 ans.
Le problème pour les personnes vieillissant près de la mer est qu’il n’y a plus assez de personnel pour occuper les emplois d’aide à domicile dans cette zone, les ménages plus modestes étant relégués dans les terres.
« L’économie du littoral, largement résidentielle (retraités), dépend dans une large mesure de services à la personne et de services de santé. Or, pour un smicard, reculer de dix kilomètres met les fins de mois en péril, en particulier dans le contexte de hausse des prix du carburant », remarquent les géographes Aurélie Delage et Max Rousseau.
Des élus qui persistent
Malgré ces chiffres, les élus de certaines municipalités continuent à classer de grandes superficies de terrain en terres à urbaniser lorsqu’ils modifient le plan local d’urbanisme. C’est le cas de la presqu’île de Crozon dans le Finistère, qui a pourtant déjà perdu plus de 800 habitants entre 2014 et 2020, ou de Cancale dans l’Ile-et-Vilaine.
La Bretagne continue donc à perdre des terres agricoles et des espaces naturels à un rythme effrayant à cause de l’étalement urbain et du bétonnage. Les permis déjà accordés depuis cinq ans montrent que la tendance va continuer dans les zones qui ne sont pas encore construites.

Articles actuels de l’auteur









