Le Parti communiste va débattre chez les patrons : Fabien Roussel invité par Sophie de Menthon

Par Etienne Fauchaire
29 juin 2025 09:50 Mis à jour: 29 juin 2025 12:30

Un déjeuner peu ordinaire se tiendra ce lundi 30 juin au très select Cercle de l’Union interalliée, dans le VIIIᵉ arrondissement de Paris. À l’initiative de Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic, le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, viendra échanger avec des chefs d’entreprise autour d’un thème séculaire : « Patronat et monde ouvrier : adversaires ou partenaires ? »

Voir un communiste franchir les portes feutrées de ce bastion du patronat n’est pas banal. L’imaginer débattre sur les meilleurs moyens d’assurer la prospérité des entreprises françaises avec des représentants du milieu des affaires l’est encore moins. Et pourtant, ce lundi, Roussel sera bien l’invité d’honneur d’Ethic, ce club fondé par Sophie de Menthon, défenseure infatigable des entreprises et du dialogue économique.

Un dialogue improbable… mais assumé

L’occasion : la parution du dernier ouvrage du chef du PCF, Le Parti pris du Travail, dans lequel l’homme politique plaide pour une réhabilitation du travail, mais propose une série de mesures inspirées du socialisme. Pour Sophie de Menthon, qui se dit en désaccord total avec les « remèdes » proposés, cela valait néanmoins la peine d’ouvrir le débat.

« Il défend le travail, il aime les entreprises : c’est bien. Mais pour développer les entreprises, il propose les vieilles recettes socialistes : hausse du SMIC, subventions, nivellement des salaires… Tout ce que les libéraux rejettent en bloc », tacle-t-elle auprès d’Epoch Times, avant de conclure avec sa verve habituelle : « Donc on va essayer de le convaincre. »

La rencontre ne s’est pas imposée d’elle-même. Une première prise de contact a eu lieu en août 2024 lors de la dernière université d’été du Medef, où Fabien Roussel avait accepté de poser en photo avec l’affiche « J’aime ma boîte », campagne emblématique de la Fête des entreprises organisée chaque année par Ethic. « Résultat : il s’est fait insulter sur les réseaux sociaux par ses propres partisans », se souvient Sophie de Menthon. Malgré cette polémique, c’est finalement au détour d’une conversation au Salon de l’agriculture qu’il accepte l’idée d’un débat avec les patrons.

Franchises et lignes rouges

Le ton du déjeuner promet d’être direct. « Je compte lui demander comment il peut encore se revendiquer d’une idéologie, le communisme, qui a causé des millions de morts », annonce Sophie de Menthon sans détour. Mais derrière la critique affleure une certaine curiosité, voire une forme de sympathie. « Il m’intrigue. Il mange du saucisson, du camembert, il n’est pas wokiste… C’est un Français moyen. Et ça, ça parle à beaucoup de monde. »

Elle voit en lui une figure politique atypique dans un paysage figé : « Il veut convaincre. Comment espérer persuader ses adversaires si l’on refuse de les rencontrer ? » Une réponse aussi à ceux qui lui reprochent de jouer le rôle d’entremetteuse du Rassemblement national avec le patronat : Jordan Bardella était convié deux mois plus tôt à l’interalliée.

« On me reproche d’avoir reçu Marine Le Pen ou Bardella à plusieurs reprises. Mais j’ai aussi invité des personnalités comme François Ruffin », précise-t-elle, non sans une pointe de souvenir acide : « Ruffin n’écoute pas. D’entrée de jeu, il a repéré ceux qui ont un téléphone et commencé par : “Moi président, on interdira d’acheter un portable plus d’une fois tous les deux ans.” Une centaine de patrons sont restés scotchés. »

Roussel, le communiste qui parle aux patrons ?

Alors que la gauche peine à s’affranchir de la tutelle de La France insoumise, Fabien Roussel cultive une image à part. Tricolore assumé, laïque revendiqué, critique du wokisme jusqu’à reconnaître un « racisme anti-blanc », il se démarque aussi par un discours de gauche atypique sur le travail. À la Fête de l’Humanité en 2022, il osait : « La gauche doit défendre le travail, pas être la gauche des allocations. » En août 2024, à l’université d’été du Medef, il revendiquait même un positionnement « respectueux des entreprises », provoquant des applaudissements dans l’assemblée.

Pro-nucléaire, amateur de bonne chère et de traditions populaires, il est parfois raillé dans son propre camp comme « le communiste préféré de la droite ». Mais saura-t-il pour autant convaincre les chefs d’entreprises ? Rien n’est moins sûr.

Qu’importe pour Sophie de Menthon, qui résume l’enjeu d’un trait : « On a besoin de se parler, surtout avec ceux avec qui on n’est pas d’accord. » Et de rappeler, avec un brin de malice : « C’est comme ça que j’ai convaincu Marine Le Pen et le RN que l’augmentation du SMIC était une mauvaise idée. »

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